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 Grisaille. [PV : Kamui]

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Dimitri
Pinceau Viscéral 埉 L'Empoisonné

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Dimitri

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MessageSujet: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyJeu 2 Juin - 13:39


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    Quand un ciel est aussi gris, que le vent crache un sifflement aussi aigu, que la pluie tombe aussi violemment, telle une guillotine, j'ai l'impression d'être enfermé dans une cage, au dessus du vide, avec un pieux, nombres de mètres plus bas. Ou d'être engoncé dans des chaînes rouillées qui cherchent à m'étouffer. Pourtant, le son calme des vagues plus loin semble atténuer ce triste paysage. Toute cette pâleur ne fait que trouer mon esprit, embrumer mes souvenirs, faire flancher ma mémoire. L'atmosphère me semble lourde, pourtant je suis sûr qu'il fait un froid glacial. Ces gouttes de pluie se font chaudes, contre ma peau. Je ne m'y ferais jamais. Et tandis que j'avance, sans vraiment savoir où je veux aller, juste en maudissant cet endroit qui m'a déstabilisé si brutalement. Le temps file, trop rapidement, et mon corps se détériore. Je ne sais toujours pas où je suis, depuis mon réveil étrange dans cette forêt où le soleil m'a frigorifié. J'ai toujours ces visages et ces échos dans l'esprit. Peut-être que je suis tout simplement devenu fou, que j'ai coulé à travers la douleur physique et moral. Ces souffrances sont toujours là, malheureusement -ou heureusement, qui sait- je ne me souviens plus d'où elles viennent. Mes pupilles fixent le vide, juste devant mes pas, les cils brouillés par la pluie. Mais je distingue un édifice, un peu plus loin. Un phare ? De là où je suis, on dirait bien. Cet endroit n'a rien de beau, au fond, il est en ruine, entouré de roches noirâtres et d'un ou deux arbres morts.

    Si elle ne m'avait pas donné si chaud, la pluie ne m'aurait pas dérangé. Mais je cuisais littéralement. Ce phare m'offrirait peut-être le réconfort d'une chaleur moins meurtrière. Mes vêtements étaient trempés, quelque chose qui autrefois aurait pu être une chemise n'était désormais plus qu'un tissu imbibé collant à ma peau. Mon pantalon semblait alourdir ma marche, tandis que les deux bâtons de mon nunchaku s'entrechoquaient dans un bruit métallique.

    Les phares étaient quand même des constructions fascinantes. Quand on n'y prête un œil distrait, on ne voit que le pierre, des vagues et du vent. Pourtant, mes yeux ne le percevaient pas ainsi. Ils voyaient plutôt une battisse, remplie de souvenirs, dont les couloirs de pierres froides étaient imprégnées. Dont les échos du vent rapportaient les murmures. J'y voyais, moi, un endroit calme, mais un endroit sombre, aussi. Car toute choses à son diable. Nulle ne trouve la paix, tant que ce diable n'est pas découvert. Où avais-je entendu ça ? Je ne m'en souvenais plus. Ne plus me souvenir, c'était devenu une habitude.

    Un soupire m'échappa, tandis que ma réflexion s'était interrompue. L'entrée du phare était juste devant moi désormais. Une vieille porte à moitié défoncée. La main que je tendis me fit écarquiller les yeux. Elle était si terne.. Une pâleur cadavérique. Je poussais la porte, qui grinça atrocement, comme un cri de douleur strident, et fit un pas à l'intérieur. Il faisait moins « chaud », une fois abrité de la pluie. Mes pas avaient fortement ralenti, alors que j'étais bercé par la douce sérénité de cet endroit. Une sorte de songe éveillé. Je me sentais beaucoup mieux ici.

    Les moindres recoins étaient comblés par de magnifiques toiles d'araignées. Quelques bestioles filaient en me voyant. Il y avait des vieilleries, des vases en terres cuites brisés, des plumes, des tâches. Une odeur de poussière et de papyrus. Je sentais un fin sourire sur ma mâchoire. Pourtant, la poussière si réconfortante me fit tousser. Brûlant mes poumons. Brûlant ? Non pas vraiment. Il m'en ressortait plus une sensation froide, comme si l'intérieur de ma poitrine était noyée dans de l'eau gelée. La main devant la bouche, je manquais de cracher mes poumons. Il y avait une petite tâche rouge et liquide dans ma paume. Du sang.. Mais à cet instant, je m'en fichais. Je pris la peine de secouer la main, mais je continuais ma route, empruntant un escalier qui descendait.

    Au fur et à mesure, les murs se voyaient recouverts de tableaux. Eux aussi, enveloppé d'un épais manteau de poussière. Et les couleurs pâles m'évoquèrent encore un souvenir flou. Une chevelure noire. Encore ces cheveux de la même couleur que le jais ou que les plumes d'un corbeau. Un de mes doigts effleura une des créations qui me toucha le plus. Ce n'était rien de concret, pas une représentation formelle de quelque chose. Juste des traits de bleu marine et de noir, comme des larmes et de la colère mêlée. Le cadre était penché, donnant cette impression d'instabilité émotionnelle. C'était magnifique. Sans pouvoir m'en empêcher, je le pris avec moi, et avançais encore.

    J'arrivais dans une pièce assez grande, avec une vieille cheminée éteinte depuis sûrement très longtemps, un bureau en ébène et de multiples papiers dispersés. Quelques tableaux, encore. Je tenais fermement celui que j'avais contemplé plus tôt. Il restait de vieilles braises dans la cheminée, avec des cendres. Un encrier renversé, à côté. Une sorte de.. fauteuil ? Tout était silencieux ici. Je n'entendais plus la pluie, et j'avais l'impression d'avoir plongé dans les entrailles de ce monde étrange. Dommage que cette cheminée aux structures ravissantes n'abrite pas un feu flamboyant.
    La démarche lente, je me suis approché de cette fameuse cheminée. Les yeux rivés sur les braises, je me suis assis, les jambes croisées. Puis, mon regard est redescendu sur le tableau de bleu et de noir. Il ne manquait qu'une toute petite chose sur cette œuvre. Du gris. Un fin trait de gris afin de faire ressortir la mélancolie que la peine et la colère pouvaient engendrer. Le gris manquait souvent. Mon esprit était gris, malheureusement, je n'avais pas encore eu l'occasion de l'exprimer.

    Quelque chose de soudain m'a arraché à mes pensées. Cette fois-ci, je n'avais pas songé à autre chose. C'était ce grincement frustrant plus haut qui m'est parvenu aux oreilles. Le grincement de la porte. Était-ce le vent qui s'énervait ? Ou quelqu'un venait-il s'abriter, lui, de la froideur de cette pluie douloureuse ? Mes traits se sont fait sévère, je pensais pouvoir rester seul dans ce phare magnifique. Je crois même qu'une larme mêlant le bleu et le noir a coulé sur ma joue.. Le gris viendrait plus tard.


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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyMar 7 Juin - 22:13

Un faible grognement s'échappa de mes lèvres, étouffé par le vacarme tumultueux du vent et des vagues qui s'écrasaient sur le récif escarpé. Observant d'un œil inquiet le ciel aux nuages de plus en plus ténébreux, je m'attendais à tout type de mouvement météorologique douteux. Connaissant la folie de Belzeneff, il aurait été capable déclencher un orage dans le seul but de me foudroyer. Tout ceci était ridicule. Observant les alentours d'un air scrutateur, j'essayais de trouver ce qui m'avait mené jusqu'ici. Cette zone était loin d'être ma préférence, n'étant clairement pas à l'aise avec cette odeur de sodium qui saturait l'air. Le ressac de la mer s'abattait dans un vacarme assourdissant contre les roches qui menaient à l'immense phare.

Je levais les yeux au ciel, priant Layca de me venir en aide. Père m'avait envoyé ici pour venir récupérer un objet que Belzeneff y aurait caché... Et ce avant qu'un sbire d'Oppse n'y soit déjà allé. Je m'attendais à récupérer une créature de n'importe quelle origine, un objet magique ou je ne sais quoi, tant Belzeneff était capable de tout... Je fermais les yeux un court instant, sentant l'air glacial mordre ma peau.

Une goutte. Puis deux. J'ouvris les yeux, apercevant l'eau dégringoler du ciel en fines lignes. L'une d'entre elles vint s'écraser sur ma joue, rapidement suivies d'une multitude d'autres. Sans que je n'ai réellement le temps d'y penser, un pluie diluvienne s'abattait sur moi. Je ne sais réellement comment Belzeneff faisait, mais en quelques secondes à peine, j'avais été trempé jusqu'à l'os. Le tissu blanc de ma chemise rendu transparent dévoilait les bandages fermement tenus sur mon torse, masquant cette cicatrice que les années et la mort n'avaient su effacer. Les mèches d'or de ma chevelures collées à mon visage voilaient quelque peu ma vue. Je les repoussais d'un geste rageur, sentant le vent souffler à nouveau. L'air violent accompagné de cette drache m'arrachèrent une grimace. Un froid insidieux glaçait petit à petit chacun de mes membres. Saleté de marionnettiste...!

Cherchant du regard un abris, je n'apercevais au travers de ce rideau aqueux que la lueur hésitante du phare. Le piège semblait trop grand... Il y aurait forcément quelque chose qui se tramait dans ce lieu... Mais lorsqu'un frisson violent m'arracha un geignement déplaisant, je n'eus que peu faire de tout ce qui pourrait me tomber dessus... Tant que ce n'était pas une pneumonie carabinée qui me forcerait à demander grâce à l'un de mes hommes pour qu'il m'achève, je pourrai probablement survivre à tout... Non..?

Je m'élançais rapidement en direction de la lueur vacillante du phare. J'étais encore loin de l'édifice de pierre. Le bruit de mes pas de course résonnant en un écho lugubre dans cette houle pluvieuse, sous le ronflement puissant du vent. Peut-être mon cœur battait-il au même rythme que mes pas ? Je n'eus pas le luxe de m'interroger plus longtemps, il fallait absolument que je m'abrite. J'avais beau courir, l'atmosphère glaciale de cette pluie me glaçait les os.

Ce fut dans un fracas violent que je poussais l'imposante porte de bois du phare. Pantelant, le souffle erratique, je me penchais en avant, posant mes mains sur mes genoux le temps de reprendre une once de souffle. Je ne savais pas combien de temps j'avais couru, mais le phare m'avait semblé toujours aussi loin pendant de nombreuses minutes... Une illusion de Belzeneff...? Une plainte lourde s'éleva de ma gorge brûlée par l'air gelé de l'extérieur. L'eau qui avait imbibé ma chevelure l'assombrissait légèrement. Les mèches lourdes pendues devant mon regard laissaient couler de fines gouttelettes qui s'échouaient au sol, rejoignant le commencement de flaque à mes pieds. J'étais tout bonnement couvert d'eau de la tête aux pieds... Un nouveau frisson s'empara de moi et j'eus envie d'enlever tout ces vêtements imprégnés de liquide. Mais je n'en fis rien, je déboutonnais simplement les premiers boutons de ma chemise, libérant ma gorge serrée et dévoilant le début des bandages qui cachaient cette vieille plaie...

Retrouvant tant bien que mal mon souffle, je jetais un coup d'œil à la pièce. Elle n'avait vraiment pas changé depuis ma dernière visite... L'air était toujours aussi saturé de poussière, et cette odeur pesante de renfermé... Je passais ma main trempée sous mon nez, tentant d'effacer cette fragrance dérangeante. Mais rien n'y fit. Je toussotais faiblement, la poussière venant déranger ma respiration. Cet endroit n'avait vraiment rien d'accueillant... Mais il restait toutefois un endroit passable pour s'abriter de la pluie. Avançant dans la pièce, je m'arrêtais lorsque je sentis quelques gouttes me tomber dessus... Levant les yeux, protégeant mon visage d'une main levée vers le plafond, j'apercevais la lueur noirâtre s'introduire par une fissure béante dans le toit... Avais-je dit passable pour s'abriter de la pluie...? Je devrais plutôt dire médiocre... Mais qu'attendais-je de plus d'un phare désaffecté ? Un soupire franchit mes lèvres.

Je pris la direction des escaliers qui menaient à l'étage inférieur. Je savais que s'y trouvait d'imposants draps qui me permettraient de sécher cette misère, et surtout, une cheminée qui n'attendait qu'à être ravivée. L'esprit qui hantait le foyer persistait éternellement en un tas de braises rougeoyantes qui n'attendaient qu'à être alimentées pour cracher ses flammes. Il arrivait parfois que dans un élan de bonté, l'esprit produise suffisamment de chaleur pour réchauffer les corps... Mais quand il n'en était pas ainsi... C'était brûler les peaux qui l'intéressait. Je passais une main sur mon front, repoussant les mèches trempées de mon champ de vision, un grognement m'échappant au souvenir de ma première visite en ces lieux. Quel idiot cet esprit... Je jetais un regard morne au colimaçon, lorsqu'une tâche plus claire sur le mur attira mon attention.

L'harmonie naturelle d'un amas de toiles d'araignées avait été éradiquée. La poussière grisâtre qui recouvrait le mur laissait voir la pierre intacte dans un large rectangle. J'observais les autres tableaux qui jonchaient le mur et haussais un sourcil interrogatif... Qui était donc assez fou pour voler pareil objet...?

Atteignant enfin le pallier, je passais une main dans mon cou en même temps que je poussais le battant léger de la porte en bois qui se mut silencieusement. Je fus surpris lorsqu'au moment où la porte s'ouvrit, je ressentis une aura. J'ouvris de grands yeux alors que j'effectuais un pas en arrière. Ce n'était pas une présence amie. Loin de là. Je sentais la présence d'un pion d'Oppse. J'aurais du me douter qu'il était trop aisé de parvenir jusqu'ici dans le cadre d'une quête sans jamais croiser d'opposition. Mais au point où j'en étais, à quoi bon fuir...? J'entrais dans la pièce d'une démarche mesurée. Je remarquais un jeune homme brun assis là, face à la cheminée qui tenait entre ses mains un... Tableau ? C'était donc lui qui avait emprunté cette toile..? Je fronçais légèrement les sourcils en me concentrant sur l'être face à moi. Je ne connaissais pas cette aura... Se pourrait-il que...?

J'observais le jeune homme avec appréhension, et je soufflais d'une voix claire.

- Se pourrait-il que tu sois un nouvel arrivant...?

Je m'approchais d'un pas incertain, surveillant chacun des mouvements du brun. Me plaçant à une distance raisonnable pour avoir le temps de prendre la fuite avant d'être atteint, j'attendais patiemment, observant cette scène étrange... Une certaine mélancolie provenait de l'homme. Alors qu'il regardait ce tableau avec un intérêt qui lui semblait propre, j'étais perturbé par le flot d'émotions qui émanaient de cet être.

Ce n'étaient pas des mots qui provenaient de l'esprit de cet homme... Non...

Ce qui échappait de son esprit c'était... Des Couleurs...
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Dimitri
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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyMer 8 Juin - 17:18

    Petit à petit, j'avais distingué des bruits de pas. Oui en effet, quelqu'un venait. Et venait vers moi qui plus est. La gorge nouée et irritée, je me retenais de tousser et fit taire mon souffle rauque pour me concentrer sur la présence qui se rapprochait. Je venais de vivre une de mes premières désillusions. Depuis plusieurs jours, je voulais un peu de calme, de silence, et de solitude. Pouvoir me noyer dans mes pensées. Et alors que je tenais cette envie sur le bout des doigts.. Elle m'échappait. Ma main vint essuyer mes joues légèrement humides, non pas par la pluie, mais par les quelques larmes que j'avais versé. Les pas se faisaient plus bruyants, au fil des minutes. Voyant pour une fois le bon côté des choses, j'allais peut-être comprendre où est-ce que j'étais. Sauf si j'étais en plein délire, ce qui ne serait pas étonnant.

    Je restais assis, posant le tableau devant moi, par terre, et ramenant mes jambes contre mon torse. Le menton posé sur les genoux, j'attendais. Enfin, le son discret de la porte me parvint aux oreilles. Contrairement à l'entrée agonisante du phare, cette porte était silencieuse. Elle s'en voyait presque inquiétante, tellement ses mouvements étaient feutrés. Peut-être que j'aurais à faire à une brise ou un fantôme en fin de compte. Sincèrement, avec tout ce que j'avais vu en route, plus rien ne saurait guère m'étonner. Mes yeux étaient toujours posés sur le bleu et le noir, cherchant où placer le trait gris qui m'obsédait. Au milieu certainement, pour montrer l'union des deux sentiments représentés sur l'œuvre. Malheureusement, l'heure n'était pas à la réflexion créative.

    Une sensation désagréable gagna mes côtes. Comme si j'avais une démangeaison. C'était entre l'irritation et le chatouillement. Mais c'était très gênant. La vision d'une paire d'ongle grattant des os, accompagné de l'écho des cris de douleurs me fit frissonner. J'eus un mal fou à avaler ma salive. Je voulais tousser, quand j'entendis une voix clair, voir même douce, non loin derrière moi.

    - Se pourrait-il que tu sois un nouvel arrivant... ?

    Je devinais une voix masculine mais je ne compris pas vraiment ses paroles. Un nouvel arrivant ? J'étais au paradis ou quelque chose comme cela ? En tremblant légèrement, je me suis relevé. Ma poitrine s'est secouée, et je ne pus retenir un raclement de gorge. La pièce semblait s'être faite plus étroite, maintenant que deux cœurs y battaient. Mais le mien battait-il encore ? Parfois, j'avais comme l'impression que mon corps se détériorait à chaque souffle. Et vu les crachats de sang et les quintes de toux régulières, cela devenait plus une idée fixe qu'une impression.

    Quand je me suis retourné, je suis resté immobile une seconde. Deux prunelles d'un bleu.. Époustouflant. Dans mes souvenirs il n'y avait rien, mais je pouvais jurer que jamais je n'avais vu des yeux aussi magnifiques. Sinon je m'en serais souvenu, c'était certain. L'homme en face de moi, car même si un air fragile et discret habitait ses traits, il en restait bien un, était aussi trempé que moi. Les vêtements collants, les cheveux dégoulinants. Sauf qu'il y avait un contraste énorme entre nos deux visages. Il était blond, avec la peau et les yeux clairs. L'aspect bienveillant, rassurant. Et puis, la blondeur et la carté, n'étaient-ce pas synonymes des anges ? Mais moi.. J'étais pâle, avec un aspect maladif. J'étais plutôt celui qui vient voler la vie, que la préserver. Un faucheur ? A ma façon.

    Respirer me parut une bonne idée, après cette longue contemplation, toujours parsemé des pensées négatives envers moi-même. Mais j'inspirais trop brutalement, et la quinte me prit. J'espérais éviter de recracher à nouveau. Pour ne pas me montrer trop gringalet face à cet interlocuteur dont je ne savais rien mais ma gorge s'enflamma comme à l'habitude. J'ai tourné la tête sur le côté, la main contre la bouche, en attendant que ça s'arrête. Situation désespérée, et je détestais ça. Ne rien pouvoir faire. Devoir se résigner. Et tandis que les jours passaient, je me résignais à errer sans comprendre où j'étais. Je baissais les bras, je me laissais.. mourir dans mes souvenirs largués dans la brume.

    Les songes gris qui m'habitaient virèrent au noir. J'étais en colère contre moi-même. Ne rien me rappeler, d'avant ce réveil dans la forêt. Avoir chaud au lieu d'avoir froid. Vomir mes poumons, vomir ma vie à chaque secondes. J'ai contemplé ma paume, rougeâtre à nouveau. Je l'ai secoué, comme lorsque j'étais rentré. Et désormais, je tournais mes yeux vers cette représentation physique parfaite de l'ange. Je sentais que mon visage avait pris des traits agressifs. Lui, n'y était pour rien. C'était moi que j'avais horriblement envie de frapper. Me déboîter la mâchoire ou me lacérer le torse, quelque chose, n'importe quoi qui pourrait me calmer et me faire ouvrir les yeux. J'étais pitoyable.

    Puis, je me suis souvenu de sa question. Bon sang, en plus de m'énerver, j'oubliais même les évènements ne datant que de quelques minutes. Sans vraiment réfléchir, perdu dans ma rage, j'ai négligemment lâché :

    - Je suppose que oui..

    Inconsciemment, je me mordis la lèvre, et rapidement, je récupérais le cadre pour le poser sur la table à côté de moi. Idiot comme je l'étais, j'aurais tôt fait de l'écraser. A nouveau, mon doigt a effleuré la surface de verre lisse, et l'envie de pleurer m'a repris. J'étais totalement noyé dans les sentiments de la peinture, en fait. Triste et énervé. Mélancolique ? Je crois bien que la mélancolie était désormais la source même de mon être. Pourtant, de quoi étais-je mélancolique ? Puisque je ne me souvenais quasiment plus de rien. Tout ce résumait à des images furtives, et des cauchemars atroces, les nuits où je parvenais à dormir. Un long soupir, mêlant désespoir et fatigue s'est échappé de mes lèvres, et mes épaules sont retombées. J'avais envie de comprendre. Mais pas envie de le demander. Le plus simple aurait été de ne pas me réveiller..


Dernière édition par Dimitri le Mer 7 Sep - 12:02, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyDim 12 Juin - 2:27

La fascination mêlée au désintérêt que je pouvais voir au fond du regard de l'homme était une chose que le monde ne m'avait encore jamais permis de rencontrer. Focalisé sur cet être étrange aux sentiments si particuliers, j'avais l'impression d'être face à un spécimen de l'humanité encore jamais rencontré. Il était de ces grands philosophes qui disposent d'une vision de la vie si différente que lorsque l'on tente de s'approcher de leur vision des choses, on ne peut que l'effleurer du bout des doigts, sans jamais comprendre réellement l'étendue de la chose. Comme ces êtres dont la passion est si dévastatrice que lorsqu'ils commencent à parler de leur sujet favori, ils perdent tous les auditeurs dans la seconde qui suit. Ce genre de personne m'avaient toujours ébahi. Comment pouvait-on être si fou d'un sujet que l'on était capable d'en parler pendant des heures sans jamais cesser de tarir d'éloges dessus ? Pourtant à en voir le regard du brun posé sur cette toile qu'il devait avoir trouvé il n'y a pourtant pas tant de temps que ça, je remarquais déjà la flamme de l'ardeur de cette œuvre qui dansait au fond de son regard sombre.

Mais quelque chose chez cet homme appelait à la tendresse. Au-delà de l'affection toute particulière qu'il semblait porter à ce genre de détails qu'étaient les lignes d'un tableau, la mélancolie qui émanait de cet homme était quelque chose qui transcendait l'entendement. Observant cette figure recroquevillée sur elle-même, perdue dans une contemplation si éperdue de l'œuvre, on ne pouvait décemment avoir à l'esprit que l'image d'un jeune enfant perdu dans ses songes émerveillés et fantastiques. Pourtant, tout semblait indiquer que l'homme avait vécu une vie bien remplie. Encore faudrait-il que son apparence actuelle soit celle qu'il avait revêtu durant sa vie humaine. La large chemise blanche trempée d'eau laissait transparaitre son torse bien dessiné, où des arabesques d'encre semblaient se dessiner. Il devait y avoir de nombreux tatouages sur cette peau aux teintes de la Mort. D'ailleurs, était-il malade ? Tout chez lui semblait signaler qu'il en était ainsi. Pourtant, ainsi accroupi, rien ne semblait aller mal chez lui. J'inclinais la tête sur le côté, cherchant à mieux comprendre ce qui pouvait passer par la tête de cet être qui s'opposait tant à moi. Autant par le physique que par le camp.

Ce fut alors qu'il sembla sortir de sa longue torpeur. Comme soudainement frappé par mes mots, il se releva dans un raclement de gorge contrit. Avec une lenteur démesurée qui dénotait probablement de nouvelles réflexions de sa part, je sentais un léger malaise s'échapper de son corps. Peut-être qu'au final je n'étais pas si loin de la vérité lorsque j'avais supposé les maux de cet homme ? Pourtant, le regard de jais placide qui vint se poser sur moi m'arracha un frisson. Le regard perçant, il détailla chaque parcelle de mon anatomie, comme devant un autre tableau qui aurait encore ému son âme d'artiste. Son regard perturbé posé sur le mien, je ne savais trop quelle marche suivre. Peut-être qu'au final il était en train d'établir la meilleure stratégie pour venir à bout de moi ? Ce n'était aucunement parce que je ne l'avais jamais vu qu'il devait forcément être un nouvel arrivant. Peut-être était-il une pièce maîtresse de l'échiquier tenu par Astaroth..?

Néanmoins, cet air contemplatif et magnétique qui n'avait de cesse de me détailler ne laissait voir aucune once d'animosité. Je restais immobile face à cet examen scrutateur de l'homme face à moi. Je ne voulais pas l'effrayer, ni même paraître inquiétant. Il n'était au fond qu'un homme perdu qui venait d'apparaitre dans un monde hostile dont il ne connaissait rien... C'était donc la moindre des choses que lui accorder le temps nécessaire pour pouvoir s'adapter aux autres êtres vivants..

Mais son étude détaillée de ma physionomie cessa subitement lorsque sa poitrine fut soulevée d'une quinte de toux sévère. Il détourna prestement la tête sur le côté, voilant son visage aux traits froissés. Inquiet, j'esquissais un mouvement en sa direction, me rapprochant à un mètre à peine de lui. Main tendu prêt à lui venir en aide, je ne savais si je pouvais me permettre un tel geste. La main suspendue à proximité de son bras, je finis par me raviser après quelques secondes. Ses expectorations semblèrent enfin prendre fin. Il détacha finalement sa main de ses lèvres lorsque son souffle reprit un cours normal. Et quelle ne fut pas ma surprise de remarquer les marques sanglantes qui maculaient sa peau diaphane.

Je ne savais réellement comment agir. Cet inconnu semblait éprouver une certaine détresse, il était de mon devoir de lui venir en aide... Pourtant... Pourtant mon rang et Père m'interdisaient d'agir de la sorte. Il n'était pas des miens, rien dans ce monde ne voulait donc que je lui prête main forte dans ce moment de difficulté. Pourtant... Son teint était si pâle qu'il lui donnait un air cadavérique inquiétant. Je me sentais malgré moi responsable de l'état de ce jeune homme qui n'était venu ici que pour obtenir un abri rassurant et un peu de chaleur.

Ce fut cependant au moment où ses yeux se portèrent à nouveau sur moi que je compris la vaste étendue de mon erreur. La haine qui enflammait ses pupilles d'ébène me fit reculer de quelques pas. Comme fouetté par le courroux d'un démon trop houspillé, je me sentais le fautif de tous ses maux face à son regard incandescent. Ses traits tirés par un sentiment de colère qui semblait le surpasser, il y brillait comme une soif de vengeance. Tout ceci ne présageait rien de bon. Prêt à subir les coups enragés de cet homme qui m'était de loin supérieur physiquement, je ne vis pourtant rien venir. Sa voix cassante et détachée vint répondre à ma première question depuis longtemps oubliée.

« Je suppose que oui.. »

A ces mots, tout sembla se chambouler en lui. Mordant sa lèvre avec contrariété, il vint à nouveau se saisir de la toile qu'il déposa comme le plus précieux des trésors sur la table non loin. Il caressa l'abri de glace avec une douceur incroyable. Comme une mère pourrait effleurer les joues de son nourrisson qu'elle aimait plus que tout. Toutes ces émotions divergentes me menaient petit à petit sur des pistes qui ne rimaient à rien. Perdu dans tout ce tourbillon d'incompréhension, je me décidais de ne répondre qu'à mon instinct.

Quel que soit son camp, il ne cherchait pas à me blesser, et nécessitait des soins rapides. Je me devais donc de lui venir en aide. Oppse ou non.

Connaissant ce phare depuis bien longtemps, j'allais rapidement ouvrir l'immense persienne maie qui longeait le mur de pierre. J'en soulevais difficilement le pan de bois massif et, une fois fait, me saisissait d'une large étoffe de tissu dont l'état me semblait acceptable. Bien que quelque peu humide et transportant une odeur de renfermé depuis des années, ceci ne pourrait qu'être mieux que la chemise trempée qui recouvrait les épaules de celui que je supposais malade. Me rapprochant de lui précautionneusement, tenant l'épais drap serré entre mes doigts. Je lui signifiais d'une voix marquée par l'appréhension.

- Tenez... Ce n'est pas grand chose mais... Ceci sera toujours mieux que votre chemise trempée... Votre état n'est pas fameux, il faudrait rapidement penser à vous sécher, pour ne pas aggraver votre toux...

Je déposais doucement le linge sur la table, à côté du tableau, et m'éloignait en soufflant plus pour moi qu'autre chose.

- Il faut raviver l'esprit du foyer...

Je cherchais quelques instants de quoi raviver les braises éternelles lorsque j'apercevais une large pile de brindilles de javelle probablement posées là en prévision de l'appétit insatiable de l'esprit. J'en saisissais rapidement une importante brassée et venait les poser au-dessus des braises. Sans qu'un souffle ne soit nécessaire, les flammes vinrent joyeusement lécher le bois humide en une flamme verdâtre. Observant le travail de l'esprit un court instant, je sentais les premières effluves de chaleur caresser ma peau meurtrie par le froid.

Tout allait s'arranger...
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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyVen 17 Juin - 18:07

    La tempête qui déferlait en moi semblait se calmer, lentement. Tandis qu'elle continuait sûrement dehors, violente et déchaînée, je me rapprochais dangereusement de l'apathie la plus totale. Mes muscles, précédemment contractés, se détendaient, mon rythme cardiaque ralentissait, mon regard sembla s'éteindre. Figé, les pupilles, presque désintéressées, toujours vers le blond qui avait reculé. Mes yeux haineux d'il y a quelque secondes l'avait effrayé. Et je me sentis bête. Bête et faible, de laisser ainsi mes émotions s'infiltraient dans mon regard. Habituellement, du moins quand j'y parvenais, je ne montrais pas ce que j'éprouvais. Cela m'évitait d'avoir envie d'extérioriser, de pleurer, de tout détruire autour de moi, ou autre. Quand j'étais seul, c'était différent. Qui pouvait voir mes émotions, quand la seule personne présente était ma conscience ?

    Quoi qu'il en soit, les minutes avaient défilés, tandis que nous étions restés immobiles. Je percevais très faiblement la pluie, dehors, c'était extrêmement lointain. Et ça donnait une impression fantomatique à la pièce. J'avais eu l'impression de descendre au cœur de la terre, tout à l'heure. Désormais, l'impression était celle d'être enfermée dans un néant paisible. Un doux vide, noir, où l'on chute dans un abîme sans fond. Je ne peux qu'avouer que c'était agréable. Pourtant, la chemise trempée sur mon torse me faisait étouffer. La sueur menaçait de venir glisser sur mon visage, et ma tête tournait légèrement. J'avais chaud, toujours. Même sans la pluie, qui autrefois m'aurait glacé jusqu'à la moelle, dieu, qu'elle allait me manquer. Cette pluie...

    L'inconnu se dirigea soudainement vers une sorte de vieux placard en bois, et en sortit un épais tissu. Grisâtre, il promettait le doux parfum de la poussière et du renfermé, comme tout, dans ce phare. Il s'approcha alors de moi, le regard presque -ou pas- hésitant. Un rictus s'incrusta sur mes lèvres, non pas pour lui. Ce sourire ironique et froid m'était destiné. Les intentions de cet homme semblaient honorables, il semblait vouloir.. m'aider. Et moi, je l'effrayais. Quel idiot. J'ignorais si il avait aperçu ce sourire ridicule, mais il prononça plusieurs mots, toujours baignés dans un sentiment dont le nom m'avait échappé.

    - Tenez... Ce n'est pas grand chose mais... Ceci sera toujours mieux que votre chemise trempée... Votre état n'est pas fameux, il faudrait rapidement penser à vous sécher, pour ne pas aggraver votre toux...

    L'appréhension. Voilà ce sentiment. Il appréhendait sûrement ma réaction, mais je me promis de ne plus laisser transparaître mes émotions. Chose qui au final, pouvait être pire. Voir un visage inexpressif pouvait être inquiétant. Alors, je me promis de trouver un juste milieu. Tandis qu'il déposait l'étoffe sur la table, j'hésitais à l'enfiler. Elle me donnera sûrement un peu plus « chaud ». Et puis, rien ne pourrait aggraver ma toux, comme rien ne pourrait l'apaiser. Cette toux était désormais aussi fréquente que des bâillements. Mais n'est-ce pas l'intention qui compte ?
    Mais ne connaissant pas parfaitement mes réactions corporelles face aux températures, je décidais de quand même recouvrir mes épaules avec le tissu. Le temps que la chaleur de l'étoffe m'imprègne, j'observais l'inconnu s'agiter. Et j'appréhendais à mon tour, ses gestes. Il semblait connaître l'endroit, et la cheminée risquait d'être allumée. Trop de chaleur, je risquais d'avoir froid..

    Il avait du marmonner quelque chose pour lui-même, en tout cas, il s'était emparé de plusieurs brindilles et les avait jetés dans la cheminée. Sur le coup, je ne pus retenir la surprise sur mon visage, de voir les flammes apparaître aussi rapidement. Rien, pas une allumette, ni un souffle, rien du tout. Pourtant, les flammes crépitaient joyeusement dans l'âtre. Et je préférais me croire fou, que d'admettre voir des flammes vertes.

    Malgré la beauté du spectacle, la chaleur normale s'installa, et je me mis à frissonner légèrement. C'était décidément une situation gênante, qui m'agaçait au plus haut point. Heureusement, j'avais toujours préféré frissonner que suer.

    Je devais le remercier. Je crois bien que sans cet homme, j'aurais fais un malaise, avec cette chemise mouillée. D'ailleurs, l'idée de l'enlever pour la faire sécher me traversa l'esprit. Cependant, je risquais d'avoir un peu plus froid. Tant pis. D'autant plus que la pudeur était une chose qui m'était inconnue. Alors, plus ou moins discrètement, j'ai retiré le tissu imbibé, pour le déposer sur le rebord de la cheminée. Quelques gouttes glissaient le long de mon torse, mais je fus ravi de pouvoir observer quelques minutes les encrages sur ma peau. Ils étaient apparus, à mon arrivée. Ou peut-être pas, mais ils m'avait tant étonnés que je ne pense pas les avoir eu, autrefois.

    Un frisson a parcouru mon échine, et par réflexe, j'ai resserré la couverture contre moi. J'eus envie de rire, de rire face à l'action stupide que je venais de faire, mais passer pour fou ne me tentait guère. Bien que le blond ne semblait pas si étroit d'esprit. Cela aurait pu engager une conversation et.. Enfin, ce n'était pas ma priorité. M'appuyant contre le mur de pierre, passant une main dans mes cheveux encore humide, j'ai regardé l'inconnu savourer la chaleur du feu. Lui était normal, il ressentait le feu comme chaud, et la pluie comme froide. Pourquoi n'était-ce pas.. plus mon cas ? J'aimais tellement cette pluie cruelle, qui gelait les os. Et ce soleil meurtrier, qui faisait fondre les peaux. Cela me manquait ça me manquait atrocement. Et ça me manquerait sûrement pour toujours. Cet endroit où j'avais atterri sembler contenir d'autres choses aussi étranges que mes réactions climatiques.

    Après avoir inspiré longuement, pour essayer de me redonner du courage, j'ai formulé plusieurs phrases dans ma tête. Je devais toujours le remercier, et j'étais curieux de connaître le prénom qui fut donné à cette paire de prunelles envoûtantes. J'avais toujours ces yeux magnifiques en mémoire, je pense même que je ne les oublierais jamais. Ce bleu... Ce bleu était irréel.

    Penser n'était pas une bonne idée. Je me renfrognais. A nouveau, j'inspirais une goulée d'air, et parvint à marmonner, le plus.. fort possible :

    - Merci pour la couverture..

    Le reste buta dans ma gorge. Je voulais lui dire combien je l'enviais de pouvoir se délecter de ces flammes. Comme j'aimerais qu'il s'en délecte pour deux.. Mais ce sentiment de mélancolie était bien trop enfoui pour que je parvienne à l'exprimer à haute voix. Et l'intonation de mon remerciement présageait une suite, pourtant, j'étais incapable de la fournir. Je luttais contre cette timidité sentimentale gênante, qui peu à peu, me serra la poitrine. Je tentais de prononcer ces quelques mots tout bêtes. Au fond, quelle en était l'utilité ? Peut-être lui parler pourrait exprimer mieux ma gratitude. Car même si j'allais bientôt avoir assez froid, je lui étais assez reconnaissant, de.. de tout en fait. Je crois bien que je lui étais reconnaissant de ne pas m'avoir laissé seul. Heureusement qu'il était rentré, telle était la conclusion.

    J'essayais encore, de défaire le nœud. Mais il était tenace, tenace et vil. Pourtant, quitte à m'arracher la gorge, j'ai ouvert la bouche et les mots sont sortis, bien que ma voix était tiraillée et cassée.

    - Je t'envie beaucoup, tu sais..


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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptySam 25 Juin - 19:47

Le feu était une chose fascinante. Création issue du génie d'Hommes qui avaient enfin trouvé la voie de la sécurité. Cette lueur vacillant sur des brindilles. Qu'avait-elle de si particulier au fond ? Pourquoi était-elle l'une des choses en ce monde qui avait la vertu d'apaiser les cœurs, et réchauffer les âmes ? Pourtant nous savons tous que les flammes peuvent être le vecteur de destruction. Qui ne savait point que les incendies étaient l'une des causes des plus grands désastres du monde, au delà des cataclysmes naturels ? Un brasier au début si rassurant qui devient en un rien de temps votre pire ennemi. Il brûle, calcine et détruit tout sur son passage. Beaucoup ont essayé de lutter contre cette brûlure infâme. Pourtant, combien ont réussi ? Certains disent « vaincre le feu par le feu »... Mais qu'en est-il réellement ? Il faut l'asphyxier, lui enlever toute sa source de vie. N'est-ce pas meurtrier d'étouffer une pauvre flamme qui ne demande qu'à exister ? Pourquoi nous qui respirons le même air que ce feu pouvons-nous demander à continuer de profiter de l'oxygène lorsque nous nous évertuons à le lui enlever ? Assassin ? Mais lequel de l'homme ou du brasier l'est réellement ? Le feu est un ami fidèle tant qu'on l'affectionne. Il ne vit que pour nos bons soins. Si on lui prête suffisamment d'attention, il crépite, et chauffe joyeusement. Alors que si nous l'oublions, il périt dans l'oubli. Camarade qui nous sauve de l'obscurité ou du froid, nous sommes ceux qui ne savent remercier cette création. Mais le feu est vengeur. Il saura récupérer ce qu'on lui a volé. Lorsque l'on devient insouciant de son sort. Qu'on le jette négligemment au fond d'un fossé. Il se révolte, se rebelle. Il devient dès lors votre pire ennemi. Vous vouliez de la lumière ? Il incendiera tout ce qu'il trouve sur son passage dans un feu de joie insoutenable. Vous aviez froid ? Alors supportez donc la fournaise qu'il vous impose.. N'était-ce pas au fond tout ce que vous demandiez ? Ou oserez-vous dire que ces couleurs d'un dégradé allant du bleu au vert en passant par l'orangé, ne sont que pures chimères ? N'avez-vous jamais été hypnotisé par la danse des flammes ? Envouté par le chant du bois qui s'embrase ? Merveilleux spectacle que nous offrent les flammes. Jusqu'à ce que l'Homme ne devienne trop vaniteux et n'oublie que c'est grâce au feu qu'aujourd'hui encore il est en vie.

Vous croyez le feu inerte ? Moi je n'y crois pas. Ces mots, ce sont ceux que l'esprit du foyer m'a un jour susurré à l'oreille alors que je me restaurais au coin de sa chaleur.

Observant ces flammes qui léchaient le bois que je lui avais offert, un léger sourire vint orner mes lèvres lorsque je remerciais d'un faible souffle l'esprit qui acceptait de m'offrir sa grâce. Me laissant bercer par la chaleur rassurante de l'esprit qui me prêtait son pouvoir, je sentais néanmoins un long frisson descendre ma colonne vertébrale. Je passais une main dans ma chevelure trempée. Oui, il n'y avait pas à dire, j'avais beau apprécier la sensation de l'eau brûlante sur ma peau, lorsqu'il s'agissait d'une pluie lourde et glaciale, le charme était tout de suite moindre. Je passais ma main sur le derrière de mes cheveux et tirais d'un mouvement leste sur le ruban qui nouait quelques mèches d'or. Sentant les gouttelettes couler le long de ma chevelure pour venir mourir à la naissance de mon cou, je réprimais comme possible un frisson désagréable.

Glissant distraitement le ruban noir au fond de ma poche trempée d'eau, un faible soupir m'échappa. Ce fut le bruit du froissement du tissu qui me firent reprendre contact avec la réalité. Je n'étais pas seul, il était purement stupide de ma part de baisser ma garde ainsi en présence d'un ennemi... Bien que... Laissais l'azur de mon regard se poser sur le dos du brun qui venait d'enfiler la couverture sur ses épaules, l'idée qu'il était un être inoffensif me traversa l'esprit. Je savais qu'il était généralement un fait que les êtres aux allures les plus douces soient en réalité les porteurs des dons les plus macabres. Mais à cet instant là, l'homme ne semblait pas chercher à me blesser. Il ne semblait tout simplement pas avoir conscience de tout ce qui se déroulait dans ce monde.

Je gardais le silence en observant cette figure immobile. Il semblait si calme. Pourtant, d'un mouvement silencieux, il vint retirer la couverture de ses épaules, la reposant quelques instants sur la table face à lui, juste à côté du tableau qu'il avait contemplé tout ce temps. Je ne sus réellement pourquoi je ne détournais pas mon regard, trop intrigué peut-être ? Mais lorsque je le vis déboutonner sa chemise avant de l'enlever, je sentis mon cœur rater un battement. Je détournais la tête alors que je pus apercevoir la peau dénudée de son épaule. Une marque noir semblait y être inscrite... Pourtant, forçant mon regard sur le foyer à nouveau, je n'avais pas eu le temps d'analyser clairement ce qu'il en retournait. Je sentis le rouge me monter aux joues alors que l'idée que j'avais été le voyeur d'un pareil spectacle commençait à tourner dans mon esprit. Je me mordais la joue, sentant une pointe de culpabilité monter en moi, alors qu'un nouveau frisson vint remuer mon être.

J'entendis les pas de l'autre se rapprocher de moi, alors qu'il vint suspendre sa chemise mouillée sur le coin de la cheminée. Il avait à nouveau mis la couverture, à en juger par le froissement lourd que provoqua le mouvement de son bras, mais je n'osais plus poser mon regard sur lui. J'eus toutefois l'idée que son action n'était aucunement stupide. Je devrais en faire de même, à moins de ne vouloir décéder en ces lieux d'une pneumonie. Mais mes pieds restaient cloués au sol. Comme pris en faute, je sentais mes joues me brûler un peu plus. Était-ce la chaleur de ces flammes devenues rougeoyantes, ou alors la gêne...? Pourtant il n'y avait pas de raison...

Je serrais les poings lorsque j'entendais la couverture de l'autre frotter contre le mur de pierre. J'osais un petit coup d'œil en sa direction pour avoir une idée de ce qu'il faisait... Savait-on jamais, peut-être préparait-il quelque chose...? Cependant, lorsque je le vis ainsi adossé à la paroi, perdu dans ses pensées, cette idée sotte fit rapidement le chemin inverse dans mon esprit. Dans un faible souffle, j'expirais, détournant mes yeux de l'homme. Je fermais les yeux, tentant de détendre mon corps crispé depuis la vision de cette peau terne et humide. Mais quel genre d'idées pouvaient bien me traverser l'esprit. Je secouais doucement la tête, chassant ces pensées plus ineptes les unes que les autres. Je commençais à me sermonner mentalement sur ma bêtise. Voilà qu'en présence ennemie je divaguais sur ce genre de détails stupides ? Ce n'était clairement pas comme si je n'avais jamais vu le torse d'un homme. Je réprimais un grognement, posant un regard sur mes mains serrées.

J'étais vraiment un idiot.

Mais la voix rauque qui s'éleva me tira de mon introspection. Relevant ma tête baissée, je portais à nouveau mon regard sur le brun, un sourcil haussé, bien qu'une légère teinte rosée persistant sur mes pommettes. Bien qu'un court silence vint interrompre ses propos, les mots qu'il prononça furent les suivants.

« - Merci pour la couverture... Je t'envie beaucoup, tu sais.. »

Pourquoi ne l'avais-je pas interrompu..? Peut-être parce que j'avais entendu cette envie dans sa voix de s'exprimer. Peut-être aussi parce que le murmure éraillé de sa voix était un son agréable, mêlé au bruit du bois qui sifflait sous l'assaut des flammes. Je ne m'expliquais pas vraiment pourquoi cet être me faisait ressentir une certaine mélancolie. Il était ce genre d'être solitaires qui vivent dans un monde où tout n'est qu'interprétations qui ne plaisent qu'à eux. Ces êtres que l'on qualifie de fous, mais qui au fond ne sont autre que des génies qui se sont laissé aller à leur œuvre.

L'observant avec une pointe de tendresse à l'entente de ses paroles, un rire léger m'échappa, accompagné d'un faiblement tremblement de mes membres. Je lui jetais un dernier regard, un fin sourire se traçant sur mes lèvres alors que je disais, tout en m'éloignant à nouveau en direction du bahut où j'avais récupéré le premier linge.

- Il n'y a aucune raison de me remercier...

Glissant ma main sur les étoffes déchirées et humides, j'en extrayais une un peu plus épaisse et à la texture un peu moins rugueuse que tout ces amas de tissu qui se tenaient là. Je pris une profonde inspiration avant de jeter un coup d'œil rapide en direction de l'inconnu. Il était à une distance raisonnable... Expirant doucement, je défaisais les premiers boutons de ma chemise. Le bout des doigts encore glacé, j'eus au début quelques difficultés à défaire les boutonnières. Cependant, ne voulant pas garder son attention focalisée sur moi, je continuais d'une voix que j'essayais de faire paraître légère, bien qu'une légère marque d'inquiétude fut perceptibles au fond de ma voix.

- Mais je ne suis pas sûr de comprendre en quoi vous m'enviez...

Prononçant ce dernier mot, je venais à bout du dernier bouton. Fermant les yeux, je prenais une inspiration avant de laisser glisser le tissu alourdi par l'eau le long de mes bras. Mes doigts restés en suspend là où avait été défait le dernier bouton, j'observais le bandage qui entourait mon torse... Et si... Le bruit mat que fit ma chemise alors qu'elle vint toucher le sol me tira de mes brèves pensées. Le rose vint s'imposer sur mes joues alors que je saisissais rapidement le linge et m'y emmitouflait.

Mes doigts serrés sur le tissu, mes bras crispés contre mon torse, je frémis en me mordant la lèvre inférieure. Mais qu'est-ce que je faisais...? Je secouais vivement la tête et me retournais d'un preste mouvement. Sans un regard pour le brun, je me baissais pour rattraper du bout des doigts l'étoffe de ma chemise échouée au sol. Je me redressais et rejoignais le foyer en une longue expiration. Je vins rapidement suspendre ma chemise à côté de celle de l'homme. Observant le tissu blanc la tête basse, mes doigts agrippés à cette étoffe humide, je soufflais sans m'en rendre compte la pensée qui se répétait inlassablement dans ma tête.

- Cesse donc ces sottises E... Kamui...

La chaleur du foyer avait beau se répandre sur moi, je me sentais étrangement vide... L'éternel brasier qui sommeillait en moi avait-il commencé son immonde auto destruction...?
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Dimitri
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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyMar 28 Juin - 10:14

    Mes mots se perdirent dans la pièce, tandis que je me rendais compte de la gêne qu'avait occasionné mon geste. Le corps de l'inconnu était crispé, ses poings, serrés. J'avais même l'impression fugace qu'il grinçait des dents. Mon regard retomba sur mes pieds, dans une réflexion vide. Je ne savais pas à quoi penser. J'étais fatigué. Et serein, quelque part. L'endroit, l'odeur de poussière qui me plaisait temps, le crépitement des flammes. Dans l'âtre qui, au fil des minutes, me paraissait presque vivant. J'avais des frissons, comme si des murmures se dissipaient dans l'air. C'était dérangeant parfois, mais tellement fascinant. Fascination, j'avais toujours pensé que cette émotion était bien plus dangereuse qu'il n'y paraissait, contrairement à beaucoup de gens qui la trouvait inoffensive. Non, la fascination était un peu la source de la passion. Et certaines passions sont dévorantes et destructrices. Je suis certain que ces passions-la, celles qui tuent à petit feu, sont celles qui viennent d'abord d'une fascination inextricable.
    Un léger rire interrompit mes pensées. L'inconnu me regardait, le visage presque détendu, et il y avait quelque chose de rassurant dans ses yeux. Quelque chose que l'on ne pouvait imiter. Ce minuscule détail contribua lui aussi à me détendre, bien que les frissons se faisaient de plus en plus nombreux. Et tandis qu'il s'éloignait vers le meuble où il avait récupéré les couvertures, sa voix tinta à nouveau dans mes oreilles.

    - Il n'y a aucune raison de me remercier...

    En fait, j'étais tellement troublé que je dû mettre une ou deux minutes à me remémorer ce que j'avais dis. Ça m'était revenu mais je gardais mon attention sur le blond. Il avait détaché ses cheveux, qui glissaient dans sa nuque, trempés. L'humidité atterrissait sur sa chemise, ce qui la rendait légèrement transparente. C'était le meilleur moyen pour tomber malade. Mais il n'était pas plus bête que moi, il devait déjà y penser.
    Anticipant ce qu'il allait faire, je détournais légèrement les yeux par respect. Je me mis à espérer qu'il m'explique où j'étais, après. L'incertitude et la confusion dormaient toujours en moi, et lorsque ces deux sentiments se réveilleraient, je ne saurais pas vraiment où puiser la force pour lutter. Et comme à chaque fois, je devrais errer, encore, comme une âme en peine, que j'étais déjà. A nouveau, le blond parla, et je dû reporter mon attention sur lui.

    - Mais je ne suis pas sûr de comprendre en quoi vous m'enviez...

    Oui, c'était prévisible. J'allais lui répondre, pris par une certaine confiance en moi, quand sa chemise glissa au sol. Je fus frappé par un immense bandage qui recouvrait son dos, et aussi, à cette chute de reins creuse et délicate. Mais je ne pus les observer bien longtemps, car d'un geste vif, l'inconnu revêtit une épaisse couverture sur son dos. Il était toujours aussi raide, et paraissait aussi gêné que tout à l'heure. Sans lever les yeux vers moi, il ramassa sa chemise et vint la suspendre près de la mienne. Je l'avais inspiré. Un sourire en coin vint se tracer sur mes lèvres, alors que je le rejoignais, face au feu étrange. Mais en approchant, j'entendis des mots. Il venait de marmonner quelque chose, et j'avais entendu un nom. Ka.. Kamui ? Oui, Kamui. Les mots que j'avais faiblement entendu lui semblait destiner, comme un reproche personnel. Donc, ce devait être son prénom. Mon sourire voulu s'élargir, mais le réfrénant, je demandais, doucement..

    - Kamui ? C'est.. ton nom ?

    Banal comme question.
    Portant mon attention sur le feu, j'hésitais à expliquer maintenant pourquoi je « l'enviais ». Allez savoir pourquoi, j'avais toujours du mal à parler de ça. C'était d'abord une chose insensée, et puis, elle me rendait si triste et mélancolique, que rien que d'y penser, j'avais envie de pleurer ou de plonger dans l'apathie la plus totale. Qui n'aurait fait que gêner encore plus l'inconnu.. Enfin, Kamui. C'était un joli prénom, que je n'avais jamais entendu en fait. Mais ça lui allait bien. Je m'étais peut-être trompé, ce n'était peut-être pas son nom mais si tel était le cas, il lui allait.. très bien.
    Finalement, pour tenter de faire fuir sa gêne, je formulais mes mots dans ma tête, et toujours d'une voix faible mais compréhensible, je me contentais de dire que..

    - Je t'envie parce que, tu peux encore te délecter du manteau chaud qu'offre ces flammes, je les désignais d'un geste de la main. Ou tu peux encore sentir la froideur cruelle de la pluie. Moi, je ne peux plus. Mon corps ne réagit plus comme le tiens, ou comme celui des autres.

    Tout ça, d'une traite. J'ignorais comment est-ce que j'avais fais. Mais c'était plus ou moins.. clair. Ou pas vraiment. Je parlais souvent implicitement, pour faire méditer les gens sur mes mots. C'était intéressant, de voir ce qu'ils comprendraient. Et amusant parfois, quand ils étaient à côté de la plaque. Mais j'étais confiant, lui, il comprendrait. J'en étais sûr, de cela aussi, mais j'ignorais pourquoi. Il m'inspirait tant de confiance, de bienveillance.. C'était réellement rassurant.
    Un soupir serein m'échappa, comme si j'expirais mon calme pour faire de la place à celui qui s'installait encore en moi. Le blond restait immobile, mais j'espérais qu'il se détende. Il n'avait pas l'air méfiant, mais de toute façons, je ne lui voulais absolument aucun mal. Je ne savais vraiment pas du tout en quoi consistait ce monde, si il y avait des camps ou autres. Oui, j'espérais toujours qu'il m'explique. Mais je préférais le laisser venir plutôt que de le brusquer. Je voulais en premier lieu qu'il se détende. Cela me faisait presque de la peine -pourquoi presque d'ailleurs ?- qu'il est l'air aussi crispé...


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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyMar 6 Sep - 16:38

L'envie. Probablement l'un des sentiments les plus controversés. Il représente tant de choses et si peu à la fois. L'envie, n'est-ce pas un sentiment contradictoire ? Le désir, n'est-ce pas un sentiment qui au départ part d'un trop plein de bonne volonté ? On veut être auprès de quelqu'un... Aider, faire le bien. Pourtant, on pouvait aussi avoir envie de faire le mal, de blesser, de faire pleurer. L'envie, au-delà de l'idée de possession, c'est aussi une forme de jalousie. Désirer ce que l'on a pas. Au fond, l'envie est le miroir de ce que l'on ne peut être. Tout ce que l'on ne peut pas atteindre, nous souhaitons l'obtenir. Qu'y a-t-il de plus naturel que de souhaiter obtenir ce que les autres ont ? Est-ce par égoïsme ? Ou sommes-nous simplement des créatures si égocentriques que nous avons besoin d'être toujours meilleures que les autres ? Si j'ai le même objet que mon voisin, mais qu'en plus, j'en ai un autre, alors ma valeur n'en est que supérieur à lui, n'est-ce pas ? L'être humain n'était au final qu'une créature infecte qui ne pensait qu'à elle. L'égoïsme, comblée par tous les pêchés capitaux semblait être la cristallisation de l'essence même de l'être humain. Une créature vile qui ne pense désespérément qu'à elle-même. A quoi bon chercher à faire le bien dans un monde où tous n'existent que pour une quête imparfaite d'un bonheur solitaire ? Là où l'envie ne pourrait être que passion et soif d'apprentissage, les Hommes en avaient fait un caprice, une futilité infâme que seuls eux méritent d'épancher. Un vice si vicieux qu'il serpente au fond de leur cœur. S'abreuvant de la douleur des autres pour se sentir plus fort. Le désir ne semblait mener qu'à l'avidité. L'Homme était-il donc une créature si cruelle pour n'être ainsi qu'un monstre solitaire...?

Je voulais croire qu'il en était autrement. Je voulais espérer que l'humanité ne se soit pas recluse dans ces retranchements acerbes. J'osais imaginer que certains avaient échappé à ce mal réminiscence.

J'avais envie de croire en l'Humanité.

Observant le foyer perdu dans mes pensées, je me sentais l'imbécile le plus profond de la Terre... Mes doigts se resserraient imperceptiblement sur l'étoffe râpeuse et sèche du drap qui recouvrait mes frêles épaules. Un frisson fit trembler jusqu'à la moindre fibre de mon être. Quelle idée saugrenue m'avait pris que de m'enfermer ici avec un Oppsédé... Évidemment, il n'avait clairement pas l'air menaçant... Il avait plutôt l'air d'être un jeune homme inoffensif livré à lui-même... Il ne pouvait décemment qu'être un nouvel arrivant... Mais était-il réellement de mon devoir d'aider l'un de ceux qui un jour tentera probablement d'attenter à ma vie...?

Observant les flammes crépiter sans aucune réelle conviction, je ne savais plus trop comment agir. Tout ceci me semblait étonnement étrange... J'aurai souhaité que le temps s'arrête... Ne serai-ce que quelques instants... Reprendre mon souffle sans avoir à penser à tout ceci. Respirer et me sentir moi-même. J'osais espérer que le monde pourrait s'arrêter de tourner. Un court instant aurait suffit... Simplement de délier mon âme de tout ses maux. Respirer à plein poumons sans avoir l'impression d'être épié dans mes moindres faits et gestes. Avoir enfin la sensation d'agir non pas pour notre but, mais pour soi-même. Mais tout ceci était trop demander, n'est-ce pas Père ? Je n'avais certainement pas le droit de m'octroyer ce bref moment de repos. Qu'il s'agisse de mes troupes où de celles d'Astaroth, ce monde était au final peuplé d'êtres qui ne demandaient pas à parcourir ces lieux. Des personnes qui au fond avaient été scellées à un destin funeste qui n'était pas le leur. Mais quel que soit leur camp, elles n'avaient pas eu le choix...

Je fus tiré de mes interrogations et de ma contemplation par une voix bien trop proche de moi. Un léger sursaut me pris alors que je relevais subitement la tête vers le brun, désormais à quelques pas à peine de moi, face au feu. Imperceptiblement, mes doigts s'étaient crispé sur le tissu, inquiet d'une quelconque attaque. Mais sa voix placide s'éleva en une interrogation qui me fit incliner la tête bien malgré moi.

Avais-je prononcé mon nom ?

Je tentais de me détendre alors qu'un léger rire nerveux s'échappa de mes lèvres. Je reprenais un peu consistance et soufflais, baissant à nouveau les yeux vers le feu, intimidé par ce regard d'encre et ce petit sourire en coin qui s'était timidement dessiné sur le faciès de l'inconnu.

- Je... Oui, c'est ainsi que l'on me nomme en ces lieux...

Terminant ma phrase dans un souffle léger, bien qu'audible, je n'osais pas relever les yeux sur le brun. Je n'étais pas réellement mal à l'aise... Tout du moins, pas à proprement parler. Il était plutôt l'un de ces êtres intrigants qui se repaissent de la noirceur qui les entoure. Pas qu'il fut l'un de ces êtres lugubres comme Belzeneff qui fuyait toute trace de lumière... Non. Ce jeune homme me donnait plutôt un sentiment de morosité... Sur ce visage à la peau grisonnante, sur ces traits marqués par la vie et l'âge, je pouvais clairement lire la mélancolie. Il ne paraissait pas être dépressif, non... Ni même désespéré. Il semblait plutôt se laisser aller au gré de la vie. Feuille d'homme aux couleurs roussies qui flotte selon les aléas du courant d'un ruisseau proche. Se démenait-il pour pouvoir trouver sa propre voie ? Ce n'était pas l'impression qu'il donnait... Mais les émotions qui se dégageaient du brun n'étaient pas négatives... Ni positives. Il semblait statuer tel un électron libre. Cherchait-il matière à se raccrocher ? Tentait-il de survivre en autarcie ? Mais de tout ceci, la chose qui me frappait le plus restait cette étrange tendresse qui pouvait parfois se lire au fond de ses yeux. Ce regard que pose un frère bienveillant sur ses cadets... Peut-être que...

Encore une fois, je relevais les yeux sur l'inconnu lorsque sa voix brisa le silence de cette salle à l'odeur âpre d'humidité. Toute trace d'un sourire avait quitté ses lèvres, et sa voix, souffle calme et fébrile répondit enfin à ma question. Alors que ma première pensée fut une interrogation, mes yeux s'agrandirent alors que je comprenais enfin où il voulait en venir. Alors qu'il désignait les flammes d'un geste vague et détaché, il acheva sa phrase par un nouveau silence. Levant timidement la tête pour mieux détailler le profil de l'homme, l'idée qu'il soit un ennemi avait désormais quitté l'âtre de mon esprit. Franchissant le pas qui nous séparait, l'une de mes mains se détacha de l'étoffe qui couvrait mon corps pour venir se poser délicatement sur le bras du brun. Un sourire timide aux lèvres, je commençais d'une voix rassurante.

- Alors c'est ainsi que tu as été maudit... Sache que je suis sincèrement désolé du sort qui s'est abattu sur toi... Tu ne dois décemment pas comprendre ce qu'il t'arrive... Pourquoi ton corps te semble soudainement si différent...

Resserrant doucement mes doigts sur la couverture qui étreignait la carrure svelte de l'inconnu, je reprenais d'une voix douce, cherchant à réchauffer son être... S'il ne pouvait pas ressentir la chaleur physique... Alors peut-être que mes mots sauraient raviver la tendresse qui semblait meurtrir son cœur glacé par les flammes...

- Comme tu l'as probablement remarqué avant d'arriver dans ce phare, ce monde n'est pas réellement celui que tu as connu auparavant... Tu... Es ici dans un monde régit par des règles toutes autres que celles de la Terre... Un léger rire m'échappa, alors que toute tension s'échappait de moi. Je relâchais le bras du bras, passant ma main libre sur ma nuque trempée, repoussant quelques mèches d'or au passage. Tu dois probablement me prendre pour l'un de ces déments illuminés... Mais, qui que tu sois, et quel que soit ton rôle, sache que pour l'instant, je ne te veux aucun mal.

Reprenant mon souffle, observant la salle d'un regard torve, je repris.

- Ici, tu te trouves dans un monde hostile où fait rage une guerre... Et par ton arrivée ici, tu as été mis au service de l'un des camps... Contre ta volonté... Un petit sourire contrit étira mes lèvres... J'étais la sentence d'une mort certaine pour cet homme qui n'avait aucunement mérité pareil dessein... Mais tu n'es pas arrivé ici sans tes propres moyens de te défendre... Cette... Sensation que tu sembles éprouver... Cette contradictions que tu ressens au contact des éléments. La neige brûlante et le soleil glacial... Bien que ceci ne soit pas chose aisée à supporter, ce sont les moyens que t'ont accordé Oppse pour pouvoir te défendre... Car tu es désormais le pion d'un échiquier où le temps n'aura de cesse de s'égrainer...

Au fil de mes paroles, la mélancolie du brun semblait s'être peu à peu emparée de moi... Était-ce parce que j'éprouvais son mal...? Ou simplement parce que je me sentais attristé par la situation que cet homme habité par le lyrisme semblait porter...? Toutes ces couleurs qui semblaient le faire vivre au gré de ses pensées...

Malgré moi, je ne pouvais rester indifférent à la douleur que pouvait lui apporter ce don étrange qui lui avait été conféré... Posant un regard protecteur sur son visage pâle, j'observais une gouttelette s'échouer de sa chevelure d'ébène pour faire son chemin le long de la courbe marquée de sa mâchoire. En silence, je levais la main vers ce visage tiré par une tristesse inconnue, et du bout des doigts, j'effleurais sa peau, cherchant à repousser une mèche d'encre qui barrait l'harmonie ténébreuse de son visage...

Avais-je eu tort de lui faire confiance...? Mon comportement n'allait-il pas me causer mont de soucis... Ce ne fut qu'en ressentant une sensation étrange que je compris que peut-être j'avais commis une erreur.

Tant de couleurs.
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Dimitri
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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyDim 18 Sep - 8:10

    Encore un silence. Paisible, qui effleurait les rebords de mon âme, pour que ses courbes soient enfin harmonieuses. Pour que cette forme spectrale et brumeuse est enfin une forme belle, douce. Plus ces bords en piques, qui menaçaient de déchiqueter tout ce qu'ils croisent. Mes pensées étaient brouillons, la fatigue sûrement. Elles s'emmêlaient, dans ma tête, se noyant dans les couleurs et le chagrin qui demeurait toujours, tapis au fond de moi. J'ignorais la tiède froideur de mon corps, essayant plutôt de ne penser qu'à... Kamui, qui je l'espérais, parviendrais à faire comme moi. Oublier le reste, l'extérieur, la douleur, et la peur, pour enfin goûter la sérénité, s'abreuver à elle comme lorsque l'on sort enfin du désert pour tomber sur un puits. Revivre. Faire mourir son souffle fatigué et abîmé, pour en avoir un nouveau. Inspirer cette profonde bouffée d'air nouvelle qui se faisait attendre depuis longtemps. J'étais proche de respirer à nouveau. Et j'en étais profondément serein. Quand le sera t-il, lui ?
    A l'entente de ma question sur son prénom, il tressaillit presque. Plongé dans ses pensées, surpris par ma voix et le contenu de mon interrogation, certainement. Je ne voulais réellement pas le brusquer. S'il ne voulait pas que je connaisse son nom, je m'en fichais. L'important était qu'il fut là. Pourtant, il me répondit, encore crispé sur le tissu qui recouvrait son torse humide et sûrement froid.

    - Je... Oui, c'est ainsi que l'on me nomme en ces lieux.

    Ses mots me firent me dire que peut-être, certaines personnes n'avaient plus le même prénom. Certaines personnes avaient même dû l'oublier, en se réveillant ici. Je me souvenais du mien, ainsi que de son origine. Russe. Mais mon visage ne me faisait absolument pas penser à la Russie. J'avais essayé de deviner, en m'observant. Mais les souvenirs étaient toujours enfermés sous terre, comme l'abri des Titans. Un vulgaire trou, fermé par une grille. Pour y accéder, il fallait trouver la force de soulever l'océan. Je ne l'avais pas cette force, mes bras étaient faibles, mon corps s'enlisait un peu plus chaque jours. Mes pensées, meurtries par la cicatrice brûlante de ma vie passée. Vivre était dur. La mort quant à elle, était simple. J'étais déjà mort, je le savais. Je m'en souvenais. Oui, c'était bien plus dur de vivre. Pourtant, je ne pouvais me résoudre à me laisser dépérir ainsi. Même si je ne pouvais mourir en ces lieux, devenir une loque, agonisante dans la boue était toujours possible.
    Un léger contact sur mon bras, me ramenait à la réalité. Kamui, car désormais, je savais que ce fut bien son prénom, avait posé sa main, sur mon bras. Portant sur moi ce même regard bienveillant, même tendre. Il avait compris. Il avait compris mes mots, quant à mon corps et ses réactions surnaturels. J'avais eu raison. Et ses mots me touchèrent, comme jamais des mots ne m'avaient touchés auparavant. D'une profondeur à s'y perdre, sans aucune fausseté dans cette voix claire.

    - Alors c'est ainsi que tu as été maudit... Sache que je suis sincèrement désolé du sort qui s'est abattu sur toi... Tu ne dois décemment pas comprendre ce qu'il t'arrive... Pourquoi ton corps te semble soudainement si différent...

    Il s'éloigna de moi, tandis que je méditais sur ses paroles. Un sort, s'abattant sur moi. Être maudit. Était-ce cela ? J'avais toujours pensé que la transition, de la Terre à ici avait été endommagé, je ne sais pas, que j'étais mal arrivé. Peut-être parce que j'étais mort ? Comment ce monde marchait-il ? Je n'en avais absolument aucune idée. Mais je savais maintenant que les tourments de mon corps étaient volontaires. Cette pensée m'attrista, et fit renaître une légère colère en moi. Rien demandé, je n'avais rien demandé, rien fait à part perdre de la vie. L'avais-je vraiment mérité ?
    Kamui continua de parler. M'expliquant les grandes lignes. J'avais priais pour entendre enfin cela, quelque chose de sûr, de clair. Dans un autre état, je l'aurais peut-être effectivement prit pour un homme à moitié dément, mais là, j'aurais pu croire n'importe quoi, et n'importe qui. Par chance, j'étais tombé sur lui (enfin.. il était tombé sur moi) et il n'était pas, n'importe qui. Alors je pouvais le croire sans me méfier.
    Son visage affichait une sorte de sourire ironique, jaune. Je commençais à comprendre pourquoi, au fur et à mesure qu'il continuait de parler. Un monde en guerre, deux camps opposés, pas de libre arbitre, une destinée toute tracée, à quiconque se réveillerait ici. Mais les derniers mots qu'il prononça m'intriguèrent. Un moyen de se défendre ? Un pouvoir ? Que... La peur venait de saisir mon estomac violemment, si fort, que je hoquetais presque. Mon corps et ses réactions inhumaines en rapport avec un pouvoir ?... Non je ne pouvais le concevoir. Il était déjà si dur pour moi, de subir ces changements, de me balader dans un vêtement en laine en plein soleil et torse nu sous la pluie. Alors devoir utiliser cela pour me défendre non.. Non.. Je sentais mon cœur tambouriner violemment contre ma cage thoracique, mon ventre bouillir, mes poumons s'irriter. Je ne sentais même pas la main de Kamui qui venait chasser une mèche de ma chevelure. J'intériorisais. Mes traits ne changeaient pas. Mais le mal me rongeait plus férocement que jamais. J'avais l'impression que de l'eau bouillante débordait de mon corps, une source au fond de mon ventre, chauffait, encore et encore. Je transpirais, et j'avais froid en même temps. Comme une violente fièvre. Mes doigts tremblaient, et je sentais comme un peu d'électricité au bout.
    L'idée que ce fut mon pouvoir qui s'activait ne m'avait même pas effleuré l'esprit, pourtant, je venais de poser mon bras sur celui de Kamui, cherchant un appui, et j'ai senti le bout de mes doigts s'électriser complètement. Une seconde après, le corps du blond s'était raidi. Non... L'eau chaude en moi se calma, mon corps sembla brûler, je voyais trouble, j'avais chaud.. froid. Et je venais de paralyser Kamui sans le vouloir. Remord. Remord mordant, grignotant mon cœur et mon esprit. J'avais très rapidement retiré ma main pour la regarder, terne, presque jaunâtre. Je m'en voulais terriblement. Pourtant un sentiment égoïste au fond de moi me disait qu'au moins, j'avais compris. J'avais vu ce que ça faisait d'utiliser ce pouvoir.. Mon cœur s'était serré. Remord. Incompréhension. Confusion. Douleur. Kamui était immobile, mais je savais qu'il m'entendrait.

    - Je... Je n'ai pas fais exprès, je suis désolé...

    Quelques minutes s'écoulèrent, et la peau de Kamui perdit de sa pâleur cadavérique. Cela me rassura, mais il ne bougeait toujours pas. Immobile, le regard à moitié vide. Quand est-ce que cela perdrait effet ? Dans une seconde ? Une minute ? Jamais ?...
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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyVen 11 Nov - 23:20

Il est deux choses en tout monde que les êtres ne supportent pas. La solitude. Et le silence. Pourquoi donc les créatures animées de souffle et d'hémoglobines ne pouvaient guère se passer de leurs confrères ? Pour un besoin de reproduction ? Parce que notre mission en ce monde, quelque soit notre origine, quelque soit notre nature est d'offrir la vie à notre prochain ? Non... Ce ne pouvait être quelque chose d'aussi primitif et sauvage. Parce que nous sommes nés à plusieurs, alors pourquoi vivre séparément ? Non. Les êtres vivants n'étaient pas assez altruistes dans leur façon de penser pour se limiter à ce genre de raisonnements. Quoi de plus évident, naître ensemble pour vivre ensemble ? Qui pourrait bien croire pareilles balivernes ? Ne serai-ce que parce que la Mort courrait toujours après notre ombre. Elle est notre ombre. Si nous ne devions vivre que pour l'existence d'un autre être qui nous est semblable, nous ne serions plus « nous » mais « lui » ou « elle » ou « ça ». L'être vivant n'est pas fait pour vivre au travers de quiconque. L'être existe. Matière en puissance qui ne demande qu'à devenir. Exister pour ce qu'elle est. Devenir ce qu'elle ressent être au plus profond d'elle-même. Alors pourquoi quand la nature voudrait que nous ne soyons que nous-même, créature solitaire qui pensant ou vivant par ses propres moyens... Pourquoi avons-nous peur du noir ? Du silence ? De la solitude. Quelle est donc cette terreur viscérale qui nous ronge jusqu'au plus profond de nos entrailles et nous dévore dès que nous ne nous y attendons pas. Quelle est la raison d'un tel vice qui sommeille si profondément au fond de nous ? Au fond du cœur de chaque être donc le cœur bat frénétiquement et les poumons s'emplissent naturellement de l'air qui nous fait vivre. Pourquoi donc sommes-nous nés avec notre conscience égoïste, égocentrique lorsque l'on ne peut que constater que le fait d'être abandonné, livré à nous-même nous pétrifie, nous rend incapables de quelque action que ce soit. Le silence est pourtant la plus douce des mélodies. Alors pourquoi donc bramer, hurler, piailler ? Communiquer ? Prouver que l'on existe ? Non. Non ce n'est pas aussi simple. Nous avons besoin de trouver quelqu'un. Ou peut-être plusieurs ? Trouver qui saura se tenir à nos côtés pour que La vie devienne Notre vie. Pour que de « un » seul et déchu, nous devenions « nous » solidaire et inséparables. Indivisible destinée qui nous enchaîne à l'existence d'un autre. Mais de tous ces êtres, nous sommes la plus grande bassesse de l'existence. L'Humain. Créature abjecte qui se ri des autres mais ne sait vivre sans eux. Mais qu'y pouvions-nous ? L'être humain n'est autre qu'une créature imparfaite dont la pensée n'a d'égal que la stupidité. Inconstant, injuste, paradoxal. L'Homme n'est autre qu'un vaste amas de l'erreur de l'existence. Alors que cette chair en puissance pourrait être tout ce qu'il y a de plus parfait au monde, il existait un facteur inconnu qui nous rendait tous... Ignobles. Tu as besoin de mon aide ? Mais que veux-tu très cher, je préfère amplement m'occuper de ma propre personne que de m'intéresser à ton cas. Pourtant, qui le lendemain viendra pleurer à tes pieds pour un peu de réconfort ? Pourquoi donc l'Homme s'obstine-t-il à refuser aux autres ce qu'il tiendrait tant qu'on lui offre ? Nous le savons tous qu'aucun de nous ne peut subsister seul. Alors pourquoi ce borner à cette carapace d'indifférence qui nous blesse tous autant que nous sommes ? Pourquoi nous forcer dans ce silence qui finit par meurtrir les cœurs et lacérer les âmes. Cicatrice infâme qui de jour en jour devient la plaie la plus répugnante du monde. Le lourd fardeau que porte l'Humanité est de vivre auprès des siens. Vivre auprès d'êtres qui ne demandent qu'à obtenir les mêmes choses que nous. Mais qui jamais ne nous les offrirons.

Parce que l'être humain est un paradoxe qui dans sa douce horreur préfère s'abandonner à ses propres doutes qu'offrir une main tendue à ceux qui sont dans le besoin. Parce que l'Homme n'est autre qu'une aberration de la nature qui jamais ne saura trouver sa place en harmonie auprès de tous ses pères.

Parce qu'aucun Homme ne peut supporter le silence et la solitude. Pourtant, elles sont bel et bien le lot de l'atmosphère dans laquelle nous nous enfermons les uns les autres.

Comprendront-ils un jour ?

J'y ai cru.

Je n'y crois plus.

Tout ceci était parti d'une bonne intention. Je cherchais simplement à le rassurer. A lui offrir la main tendre et aimante d'un être qui le comprenait et ne lui voulait aucun mal. Il était peut-être mon ennemi, mais pas une seconde je n'avais désiré le blesser. Parce qu'il n'a jamais été dans mon tempérament d'être une brute sanglante qui sans réfléchir s'en prend à l'un de ses semblables, même si mon but n'est pas le sien. Parce qu'au-delà de notre différence, nous ne sommes qu'un.

Alors j'avais souhaité lui venir en aide. Être celui qui l'espace de quelques instants saurait effacer sa douleur, guérir sa peine. N'était-ce pas là la puissance du don que m'avait offert Père ? La formidable capacité de pouvoir radoucir les tourments, calmer les soubresauts douloureux d'une âme perdue ? Je ne m'étais jamais considéré comme un bon samaritain. Je n'étais pas de ceux qui se donnent bonne conscience pour accéder au paradis en effectuant une bonne action quotidienne. Quel aurait été le but de tout ceci dans un univers aussi détraqué ? M'octroyer une place au Paradis ? M'attirer les bonnes grâces de Père ? A quoi bon dans ce monde où tout n'est qu'un jeu tiré des ficelles d'un génie magnanime qui n'a d'autre but que de putréfier votre existence. Quoi de plus amusant... Folle aventure dont la seule issue est une mort perpétuelle ? Pourquoi ? Je n'en comprendrait probablement jamais le sens. Alors l'altruisme était de mise n'est-ce pas ?

Ce n'était pas par pure folie que j'avais fait ce geste. Ni même pour prouver quoi que ce soit. A lui ou à moi. Mais cette bonté qui était la mienne finirait à me mener à ma perte. Ou peut-être qu'il était déjà trop tard ?

Alors que dans un geste amical j'avais touché sa peau. La sensation incandescente qui s'était emparée de moi. Quelle était donc cette... ? Alors que la main du brun se posait sur mon bras, un frisson plus que désagréable vint me parcourir l'échine. Un froid polaire vint insidieusement s'emparer de mes membres. Une boule se forma dans ma gorge, ma respiration ralentie par un sentiment plus que dérangeant. Une impression de fièvre, de brûlure glaciale qui remplace mon sang. Et sans que je ne comprenne pourquoi ni comment, mon corps inlassablement se pétrifia dans les quelques secondes qui suivirent le contact de nos deux peaux.

C'était donc ça son don... ? Quelques secondes qui me semblèrent une éternité s'écoulèrent. Mû d'un silence qui n'était pas le mien, enfermé dans un monde où mon corps ne semblait plus m'appartenir, je sentais la présence du brun reprendre consistance. Avait-il réalisé ? Ou peut-être était-ce en fait le but de ses agissements en ces lieux. M'avait-il mené en bateau pour pouvoir mieux se jouer de moi ? Cependant lorsque la figure teintée de regrets entra dans mon champ de vision et que sa voix s'éleva chargée de remords, je compris que tout ceci n'avais jamais été son intention.

Enfermé dans ce monde où rien ne dépendait de moi, j'observais incapable d'agir cet homme enfermé dans sa solitude. Son âme, son être, son cœur appelaient à la rescousse. L'aura qui se dégageait de lui n'était pas celle d'un Homme qui cherche la solitude. Non. Il semblait la fuir et s'y complaire à la fois. Qui donc es-tu pour ainsi repousser tes propres limites. Le fond de tes pupilles d'encre criaient d'un désarroi qui rongeait l'âme de ton vis à vis. Ton corps chétif semblait appeler à ce que l'on vienne te tendre la main et t'enlacer pour que jamais plus tu ne sois seul. Et pourtant. Recroquevillé sur ta position, tes idéaux et tes pensées. Tu sembles être comme un artiste perdu à son propre art. Tu donnes la vie à des œuvres sans jamais pouvoir concrétiser le sens de ta propre existence. Ta plume coule par les flots de tes larmes. Ta peau est le support périssable de tes récits les plus torturés. Tu es de ceux qui sans jamais vouloir s'abandonner à la folie se laissent dévorer par le savoir de l'ignorance.

Alors pourquoi ? Qui donc es-tu pour ainsi être égal à ton propre paradoxe ?

Combien de secondes, minutes ou heures étaient passées ? J'étais celui immobilisé par des forces intangibles. Et pourtant tu semblais silencieusement partager mon châtiment. Était-ce ta façon à toi d'expier ta faute ? Cherchais-tu ta rédemption en patientant ainsi à mes côtés ? Je n'en savais rien. Pourtant ma pensée franchit la barrière de mes lèvres sans que je ne le réalise. Était-ce la fin de mon sort ?

- La plus belle des œuvres mène à la perdition de l'âme.

Je fus tiré de mon introspection sur cette existence qui n'était pas la mienne par l'écho de ma propre voix dans cette salle vide. Comme tiré d'une torpeur livide, mes doigts amorcèrent un premier mouvement. Et sans crier gare, ce fut tout mon corps qui s'effondra. Tombant brusquement à genoux, mes muscles ankylosés, mes membres meurtris, j'avais l'impression d'avoir été passé à tabac pendant des heures.

Ainsi rependit sur se sol poussiéreux, la couverture ayant échappé à ma poigne rendue douloureuse après tout ce temps d'immobilité, le tissu glissa le long de l'une de mes épaules, offrant l'observation d'une partie de mon torse allègrement bandé à la vue de qui l'aurait souhaité. Mais à cet instant, rien ne semblait plus compter. L'esprit étourdi par ce don conféré par Oppse, je tentais de remettre de l'ordre dans mes pensées.

L'azur perturbé ne semblait pas vouloir se fixer sur un point précis de ce carrelage glacé. Comme effrayé d'un mal qui m'était inconnu. Mon timbre rendu tremblant pour une raison qui m'était à cet instant inconnu, je soufflais à qui le voudrait.

- Il n'en est rien...

Oui. Il fallait qu'il le sache. Ce tourment qui m'habitait. Cette noirceur qui baignait le cœur abandonné du brun. Il fallait que je lui dise.

Levant un regard déterminé sur lui, le souffle houleux et d'une mine pâle et échevelée, je lui disais.

- Qui que tu sois, ne te laisse pas dévorer par cette solitude. Le silence n'est pas la solution à tes maux. L'art est à ceux qui savent s'y retrouver l’échappatoire d'un monde qui n'est pas le nôtre. Mais toi... Ne te perds pas dans tout ceci. Retrouve ta voie.

Un léger sourire vint illuminer mon visage alors que j'ajoutais, le ton radoucit.

- Je ne t'en veux pas...

Parce qu'il ne faut jamais abandonner au silence un être dévoré par les ténèbres de l'isolement. Parce qu'aucun être n'a été créé par les Cieux pour vivre par lui-même.

J'essaierai l'espace de ces quelques instants qui nous unirait d'être la lueur qui lui permettrait de trouver son chemin.

Je serai celui qui l'arracherait de son horreur solitaire.

HRP:
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Dimitri
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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyJeu 17 Nov - 15:08

Tristan

Il me fixait. Dans ma mémoire, c'était comme un souvenir. Il me fixait, de ses prunelles éteintes. D'un vert abyssale, proche du bleu marine. Son visage était angoissant. Oui. Il avait la mâchoire défoncée, et une prothèse métallique qui lui prenait tout le bas du visage. Mâchoire vraiment défoncée. Il était flippant. C'est le premier truc qui frappait chez lui. Je me « souviens », enfin, je crois, d'une grande pièce. Un séjour, dans une immense maison. Un manoir. Avec des meubles qui dataient sûrement du siècle précédent. Une grande fenêtre, au rideaux pourpres. Il était rentré. Semant la confusion auprès des gens présents. Avec une arme. Oui. Il y avait un couple et une mioche. Toute petite. Pas vraiment en fait. Mais elle était toute frêle. Toute pâle. Avec cette chevelure noirâtre. Deux petites iris bleues. Elle n'avait pas l'air effrayé. Les deux autres, si. C'était les créateurs. Infâmes profanateurs. Ils avaient souillé cette petite perle de marbre, qui derrière le couple braillant, souriait presque. Il avança alors. Le bourreau. Il bouscula les souillures, et s'arrêta devant la gamine. Si grand. Il était immense, vu d'en bas. Avec des cheveux foncés. Pas tout à fait noir. Une barbe. Il était jeune. Mais il avait des traits si durs. Si murs. Comme si quelques siècles s'assoupissaient en lui. Éternel victime. Éternel blessé. Il tendit le bras vers le mur. Il montrait ce dernier à la gamine. Son regard disait tout. Alors, la petite se mit face au mur. La voix de l'Éternel retentit donc. Rauque. Abîmé. « Chantes. ». Un unique mot. Le petit corps trembla un instant. Puis sa petite voix embrassa l'air. Une chanson qui l'avait bercé, toute sa courte enfance. Après quelques secondes à observer et écouter la petite chanter, il se retourna. Il tenait une machette. La maison était vieille. Pas l'époque. Le couple était pétrifié. L'homme s'étonnait lui-même de n'être pas déjà parti. La femme avait peur. Pas pour elle. Les vrais visages scintillaient, une fois les masques tombés. La fillette chantait, secouée par des sanglots de peur, secs. Le bourreau se dirigea vers l'homme. Il transpirait l'horreur. Il était dégoûtant. D'un geste agile, empli de rage, et rapide, la machette trancha la tête, qui alla rouler sur le sol, tandis que la femme poussa un hurlement étouffé. Il n'entendait plus la petite. « Chantes plus fort ! ». Et elle s'exécuta. Allez, mon ange, piétines de ta voix, le blasphème de ceux qui t'ont anéanti. Chantes leur ta haine et ta peine. La femme avait la main sur la bouche. Elle avait des larmes d'angoisse aux coins des yeux. Un regard suppliant. Sa voix s'éleva, inaudible dans un murmure. « Ne lui faîtes rien... ». Il ne lui ferait rien. Il se contenta de transpercer le ventre de la femme, laissant le contenu se rependre à ses pieds. Sa main tremblait légèrement, serré autour du manche. Mais, déchirant les vapeurs de mort qui flottait dans la pièce, détruisant le parfum morbide de la déchéance, il s'agenouilla, derrière la fillette, et fourra son visage dans ses cheveux de jais. Une ou deux larmes roulèrent comme des pierres sur ses joues. La gamine chantait toujours, sa voix sautant au rythme de ses hoquets. Elle fixait le mur, les yeux à moitié écarquillés. Ses petits poings serrés. Le jeune homme souffla dans son cou, et y déposa ses lèvres. Il souffla, plusieurs fois. « Vas t-en maintenant. Et chantes encore pour moi, trésor. ». Puis, il s'éclipsa, laissant tout ouvert derrière lui pour qu'elle trouve la sortie. Leur lien de sang, s'effaçant à cause du brouillard. Elle ne se souvenait plus de lui. Mais lui, il ne l'avait jamais oublié...


    - La plus belle des œuvres mène à la perdition de l'âme... Il n'en est rien...

    Enfin. Il était à nouveau en possession de ses moyens. L'espace de quelques secondes, je m'imaginais à sa place. Enfermé dans mon propre corps. D'une certaine façon, je l'étais déjà. Enfermé dans ce corps trafiqué, maquillé, touché. Arraché au naturel, et à l'authenticité. Je ne me souviens plus qui, mais j'ai un jour entendu un homme dire que le corps est la prison. Et qu'il fallait casser les barreaux. Mon corps est une cage. La clé, je l'ai perdu. Pour ne plus jamais la retrouver. Mais cette prison que j'avais infligé à Kamui n'était pas si profonde. Pas si intense. Factice. Superficiel. Mais pourtant, tellement douloureuse. Je ne parvins pas à faire preuve d'empathie. Je voyais simplement ses yeux fatigués. Son corps se laissa tomber sur le sol dur et froid. Froid. Froid. Froid. Quelque chose me hurla de le rattraper. Comme si j'avais assisté à une chute mortel. Comme si je venais de le voir chuter d'une falaise pour se fondre dans les eaux. Je ne fis rien. Mes oreilles vibraient encore de ses mots. Des couleurs émoustillaient encore mon cœur. Il était les teintes chaudes. Lumière, en plein dans les ténèbres. Et pour cela, il méritait tout le respect du monde.

    - Qui que tu sois, ne te laisse pas dévorer par cette solitude. Le silence n'est pas la solution à tes maux. L'art est à ceux qui savent s'y retrouver l’échappatoire d'un monde qui n'est pas le nôtre. Mais toi... Ne te perds pas dans tout ceci. Retrouve ta voie.

    Comment parvenir à remercier convenablement quelqu'un face à cela ?... Les portes de mon esprit avaient enfin cédé. J'y voyais clair désormais. A peu près. L'horizon était brouillé, le chemin derrière moi était avalé par la brume. Mais moi. J'étais bien là. Avec Kamui. Je comprenais ce qu'il me disait. L'espoir, après son long sommeil, se languit de renaître. Ce sourire que j'avais tant voulu arborer sincèrement vint fendre mes lèvres. La souffrance du trou noir qui hantait ma mémoire s'assoupit. Je saisissais l'importance des secondes qui s'écoulaient inlassablement. Je ne pensais pas au pessimisme de nos destinées, je ne pensais à rien. Juste à lui, qui venait d'éclairer ma voie. J'avais envie de rire, et de pleurer. Tant cette joie éphémère et presque infondée, inondait mon intérieur de ses lueurs solaires.
    Ma seule envie, mon seul objectif, était qu'il comprenne à quel point je lui étais reconnaissant. Redevable. Tellement redevable. Quelque chose me soufflait que j'allais devoir remercier tant de personnes en ce monde. J'étais faible au fond. Mais cela importait peu pour le moment. Il ne m'en voulait pas. Ces derniers mots soufflés me firent l'effet d'une bouffée d'air au milieu du gaz. La barrière mental qui m'empêchait d'agir explosa en mille morceaux. Je m'agenouillais alors, observant ses iris. Tant de clarté. Tant de pureté. A lui seul, il était la Bonté. Ma main lâcha la couverture pour se diriger vers lui. Je lui tendais la main. Un geste si simple. Que faire d'autre. Les mots n'étaient pas mon fort. Mais j'avais la main tendue vers lui. Je lui donnais mon aide, pour se relever. Je lui disait merci, à ma façon. J'ignorais si il comprendrait. J'ignorais si cela le toucherait. Dans mon cœur, toute ma gratitude pleurait, sur cette main tendue.
    En réalité, cette main n'aurait jamais suffit. Je lui devais tant de chose, l'air de rien. Je te dois tant de chose, Kamui. Cela fait peut-être une heure que nous sommes ici. Mais j'ai l'impression que cela fait un an, ou deux. Rencontre incongrue. Pourtant si bienfaitrice. Tout mon esprit s'est modelé. J'ai retrouvé une force, une confiance. Mes heures de désespoir, seul et perdu, sont derrière moi. Derrière la clarté que tu as déposé, rien qu'en prenant la peine de m'aider. Peut-être que je serais resté une âme en peine, à traîner les pieds dans le sable, à saigner des doigts à force de pianoter sur le vent, tant je m'ennuie, et tant j'aimerais me souvenir. Tant mes pensées se bousculent et se mélangent. Tant elles sont pessimistes. Désormais, j'avancerais, avec mes tourments, mais pas dominés par eux. Ma route s'étend à mes pieds. Et c'est toi qui l'a tracé.

    - Au fait... Moi, c'est Dimitri.

    J'attendais. J'attendais qu'il trouve le courage de prendre ma main pour se relever. Mon sourire s'estompait, mais mon bien-être s'ancrait. J'étais bien. Je voulais qu'il le soit aussi. Je voulais que les douleurs se noient dans ses prunelles, qu'elles s'enracinent dans les miennes. Qu'elles disparaissaient pour le moment. Elles ne partiront jamais vraiment. Pourtant. J'avais juste envie de parler avec lui, sans plus me soucier de ce qui était derrière moi. Prends ma main Kamui. Lèves-toi.
    Je ne voulais plus le voir au sol. Je ne voulais plus l'enfermer dans son corps. Je repensais au poison que contenait mon corps, qui venait de paralyser le sien. C'était du passé. Oui, le passé c'est douloureux. Mais nous pouvons soit, le fuir, soit, tout en apprendre. (<3). Maintenant, je ne lui ferais plus de mal, et je verrais ça comme quelque chose de.. passé. Ce n'était plus le moment présent. Le poison était parti. Lèves-toi Kamui...


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MessageSujet: Re: Grisaille. [PV : Kamui]   Grisaille. [PV : Kamui] EmptyMar 27 Déc - 14:17

La solitude est le refuge de l'Homme fort, dit-on. Elle rend puissant, intouchable. S'il n'a pas d'accroche, personne ne peut l'effleurer. Le sentimentalisme, la crédulité, naïveté, quelque soit le nom que vous donniez à ce délicat sentiment d'attachement. Il n'est qu'une créature qui se suffit à lui-même. Incontestablement surpuissant. Indestructible et vaillant. Imbattable être supérieur auquel rien ne résiste. Âme forgée dans l'acier brut, que même la plus fine lame ne saura pourfendre. La créature parfaite qui jamais n'est blessée autrement que dans sa fierté et son orgueil. Enhardi d'une croyance absolue en ses propres capacités. Nulle autre tort que sa propre existence. Le sommeil et le repos ne lui incombent pas. Il est surhumain, il n'a d'être humain que la condition, dans sa tête, il est plus, bien plus. Irréductible créature qui sous ses allures charnelles et fragiles cache une machine. Croyance, folie, force et bravoure. Dans quel but ? Son propre intérêt ? Éprouve-t-il de la satisfaction le soir face à la glace lorsqu'il s'offre à sa propre vision biaisée par son âme noircie par les renforts d'un monde vide ? Hilarant dans sa démence unique. Incroyable par sa stupidité incontestable. Un mot. Bassesses. Se rire de ces êtres peut-être mal vu. Mais qu'en est-il réellement ? Jouer le solitaire est un comportement qui tient des Hommes qui se croient forts. Nous sommes nés de la même chair. Nos allèles et nos gênes nous ont peut-être différencié de par nos apparences. Notre naissance a peut-être rendu grâce à des milieux plus ou moins favorisés. Mais qu'en est-il du reste ? Il n'est d'Hommes plus forts que d'autres. Il n'est d'existence qui seule peut exister. Nous vivons par la reconnaissance de nos qualités par autrui. Vous voulez jouer le fort ? Vous êtes un loup solitaire ? Alors disparaissez. Échappez donc à ce peuple qui fourmille sous vos yeux. Pourquoi exhiber votre pouvoir ? Qu'allez-vous y gagner ?Pourquoi pleurer au nom de votre mal en hurlant que vous n'aspirez qu'à être seul ? Pourquoi le dire ? Faites-le, plutôt que de vous apitoyer sur votre sort. Vous pensez qu'en disant que vous ne vous accrocherez plus à rien vous parviendrez à cet hypothétique Nirvana dont la seule tautologie est de croire en l'espoir que ce Paradis existe ? L'Humain n'est qu'une vermine égoïste à qui il faudrait éternellement ressasser ses erreurs. Mais n'est-ce pas donc ça qui amuse les Dieux ? N'est-ce pas pour notre si singulier goût de la démence que nous sommes encore en vie, petits pions de ces infernal échiquier où seuls les Dieux sont Rois... ? À quoi bon la solitude ? À quoi bon être le « plus fort » quand au-dessus de nos têtes quelqu'un veille. Quand sans que nous le sachions, le fil de notre destinée est tiré sur un chemin qui, même pas nos propres choix, sentier sinueux, qui nous mènera inexorablement à la même fin. Un but calculé. Un monde préexistant. Une histoire sans aucun sens.

Alors à quoi bon être seul, à quoi bon se battre ? Pourquoi lutter quand notre destinée est déjà graver dans le marbre, par ceux qui là-haut dans les Cieux en ont décidé ainsi... ?

Pourquoi douter, pourquoi s'enfermer ? Car une chose est certaine dans ce monde qu'est Alea Jacta Est...

Quel que soit ton nom, tu n'es qu'un pion.

Pourquoi accordai-je ainsi du crédit à un être que je ne connaissais guère... ? Pourquoi m'évertuer encore et sans cesse à guider la voie de ceux qui n'étaient pas des miens... ? N'aurait-il pas été plus judicieux de ma part que de profiter de sa faiblesse écrasante et de pulvériser jusqu'à la moindre parcelle de son encéphale ? Il n'était après tout qu'un pion de plus qui un jour ou l'autre sur le champ de bataille n'hésiterai pas à massacrer les miens, à la solde du grand gourou qu'est le fils d'Oppse. Créature d'une malice indicible. Félonne espèce qu'est celle des traîtres. Des rebut de la société. Âme déchue, brûlant sous l'acide destructeur d'un passé que les années n'avaient jamais eu de cesses d'assombrir.

Alors quelle était donc la raison de mes paroles ? Pourquoi m'évertuai-je à siffler sur le chemin de l'inconnu pour que cet illustre étranger ne se perde pas dans les tréfonds de l'étranger ? Étais-je donc sot au point de former de mes propres mains l'inconscient de ceux qui un jour briseront de l'intérieur les chaînes de notre lutte ? Avais-je sciemment donné à un nouveau challenger les cartes maîtresses d'une partie qui depuis l'éternité n'avait encore jamais su nous départager ? Alors pourquoi ? Pourquoi m'attacher à cette âme solitaire. Larmes d'invisible qui d'une traînée charbonneuse marque les traits de mon interlocuteur. Tiré, décharné, brisé. Un esprit de plus avait rejoint le monde des damnés. Et je prenais le temps de lui porter secours... ? Pourquoi... ? Il me l'avait pourtant rendu au gré de son don. Marque de puissance, de vice et de douleur. Pétrifié. Tétanisé. Il n'aurait tenu qu'à lui de m'achever. L'occasion eut été trop belle pour un larbin de cette divine Mère.

Pourtant il n'en fit rien. La conscience égarée d'une brebis perdue aux bras immémoriales de l'inconnu, cherchant son chemin, persistant à se noyer en ne se débattant que plus fort. Chercher un calme qui n'est au final qu'un sacrifice de plus pour notre âme. Donner jusqu'à ne plus en avoir de souffle. Et tout ceci pour quoi ? Remuer le vide. L'air. L'eau. Quelque soit l'élément dans lequel il se dégage, il s'évertue à lutter contre une enveloppe si fine qui l'empêche de respirer. Se débattant comme un nouveau né voulant quitter la membrane protectrice qui le lie au placenta de celle qui le fait grandir. Cherchant désespérément à perforer cette étoffe visqueuse qui vous colle à la peau, vous noie dans le jus de votre propre existence.

Mais si l'on ne vous indique pas la voie... Trouverez-vous le chemin pour sortir de ce calvaire ?

Pourquoi t'ai-je donc accordé ma bienfaisance ? Toi qui d'encre et de suif semble écumer la terre et le ciel d'un regard brisé. Les flots d'une marée obsidienne suit la trace de tes empruntes sur le sable. Encombrant cette marque d'un liquide aux allures de poison incurable. Mais ce courant qui te suit, n'est-il pas l'essence même du fluide qui coule au creux de tes veines... ? Arme insoupçonnée pour autrui... Et mortelle pour toi-même.

Alors pourquoi ? Pourquoi t'ai-je tendu la main... ?

Peut-être parce qu'au fond de moi, les âmes échouées sur le rivage de ce monde ne me rappelle que mes propres erreurs. Jeté en ces lieux sans que ton seul consentement ne soit acquis. Tu n'as rien fait pour mériter tout ceci. Quel que soit la maison qui épanchera tes peines, tu n'es à cet instant qu'un nouveau né qui se débat pour pousser son premier cri.

Et de cette main qui m'a fait partager ton fléau. De cette subreptice caresse que je t'ai accordé...

J'ai bon espoir de t'avoir libéré.

Recroquevillé sur ce sol glacial et couvert d'une pellicule de poussière. M'abandonnant quelques secondes à un répit douloureux. Le souffle encore erratique, l'inquiétude mordant mon esprit. Mais aussi rasséréné. Relevant un regard hésitant vers celui qui venait de m'infliger mon supplice, je fus tendrement surpris de voir ses traits radoucis. Lorsque le contact se fit entre l'anthracite et l'azur, le sentiment qui envahit alors son esprit me gonfla le cœur d'une sensation étrange.
De la reconnaissance...

A ce seul instant, tous mes doutes s'échappèrent de mon esprit. Il n'était pas l'un de ceux contre qui je devais lutter. Il n'était qu'une âme de plus agrippée au relief rugueux et instable d'une existence malmenée.

Et pour confirmer ma pensée, comme un enfant, il vint s'agenouiller devant moi. Le contact entre nos deux regards ne se brisa qu'au moment où ses doigts se détachèrent de l'étoffe qui couvrait ses épaules. Le monde était fait d'une bien curieuse manière... Cherchant à éclairer le chemin de ceux perdu dans l'obscurité... J'étais finalement celui à qui l'on tendait la main...

Observant le relief de cette main finement sculptée. N'osant bouger de peur de briser ce silence cotonneux qui nous entourait, je n'eus pas le courage d'agir de quelque sorte que ce soit. Comme déconnecté de cette réalité aux allures oniriques et fantastiques. Irréalisme effroyable d'une situation incongrue.

Ce fut le timbre calme et rassurant de sa voix d'ébène qui réveilla mon esprit. Une phrase simple. Insignifiante. Un nom... Dimitri... Je ne sais pas quel sera ton rôle en ces lieux, mais je veux croire que tu t'en sortiras mieux que moi... Alors... Se saisir de ta main tendue ne me semble pas être une mauvaise idée...

Un sourire tendre se peignant sur mes lèvres, je soufflais avant de me mouvoir.

- Enchanté... Dimitri...

D'un geste d'une délicate lenteur, je vins glisser mes doigts sur la peau d'une brûlante froideur. Resserrant de mon autre main le tissu qui couvrait mon corps, un léger rire m'échappa au contact de nos deux épidermes.

- Essaye de ne pas me pétrifier, cette fois-ci...

Relevant l'océan de mon regard sur ce visage paisiblement souriant, la triste pensée qu'un jour nos deux mains seraient tâchées de sang me serra le cœur. Posant sur lui un regard protecteur, je lui intimais.

- Ne perds plus ta route désormais... Mais sache que nos chemins ne pourront jamais se tracer côte à côte... Le destin en a voulu autrement...

Resserrant imperceptiblement ma main sur la sienne, je soufflais d'une voix éteinte.

- Je vais devoir te dire adieu...

Tu as su te tirer de cette macabre solitude qui t'étouffait d'un étaux transparent. Le sourire peint sur tes lèvres n'en est que la plus belle des preuves... Sans un bruit, tu t'es défait de ces chaînes qui tiraient ton cœur jusqu'aux tréfonds de la Terre. Noyé par un torrent d'incertitudes, plongé dans une sordide torpeur énigmatique. Comme une mère qui pendant neuf mois s'entiche de ce petit être qui grandit en elle... Comme une protectrice qui jusqu'à son dernier cri de douleur offre un nouveau souffle à la planète. Le temps importe peu. Il n'est que l'instant qui marque les esprits... Je t'ai peut-être offert une renaissance. Tu sembles enfin avoir retrouvé l'envie d'avancer. Cet éclat qui brille au fond de ton regard n'est là que pour me confirmer qu'un jour ou l'autre tu sauras déployer tes ailes. Et je pourrai voir avec bonheur que tu as su être de ceux qui ne se sont pas laissé dévorer par l'horreur de ce monde. Je veux croire en ton avenir, je veux croire en toi. Mais nos chemins devront se séparer.

Ce n'est qu'avec plus de peine et de regret qu'il faudra que je te quitte.

Ce n'est que le cœur encore plus lourd qu'il faudra un jour croiser le fer... Pour deux destinées brisées, un court instant consolées. Car il est en ce monde une solitude créée par les Dieux. Un mal contre lequel rien ni personne ne peut lutter.
Nous sommes de deux camps opposés.
Le destin est contre nous.
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