Orana regardait désabusée le campement détruit devant elle. Le vent lui soufflait les cendres dans le visage ce qui la faisait éternuer. Mais le vent charriait aussi une odeur de brûler, de carbonisation et de mort. Orana entendait presque raisonner dans son esprit les cris de stupeur et de douleur de sa famille et de ses amis, surpris par les flammes et les tirs meurtriers.
Son regard fût attiré par une tâche rouge dans l'herbe calcinée. Lentement elle s'approcha. C'était un masque, le masque du Chaman, le masque qui permet d'entrer en communication avec les esprits. Délicatement elle le ramassa, l'épousseta. Il était intact. Ce qui ne la surpris pas car c'était un objet sacré. Elle l'accrocha sur son dos.

Puis lentement elle inspira. Elle laissa alors couler les larmes sur son visage. D'abord quelques gouttes, brûlante qui lui lancinèrent les joues; puis d'autres et encore d'autres, un flot de douleur et de rage. Alors lentement, d'abord dans un soupir, elle entonna le chant des morts. Un chant grave et lent, un chant profond exprimant la peine, et l'espoir. Elle chanta, longtemps, longtemps, jusqu'à ce que sa gorge asséchée ne laisse plus passé les vibrations de sa voix. Les larmes elles aussi cessaient de couler, comme si son corps n'avait pas prévu tant de peines et n'avait pas fait assez de réserves.
Alors elle alla s'asseoir à l'ombre d'un grand eucalyptus et laissa les ténèbres l'envahir. En songe peut-être elle verrait une dernière fois tout ce qu'elle avait perdu aujourd'hui.
Mais elle fût tirée de sa torpeur par le bruit des feuilles piétinées. On approchait. Des hommes. Orana les entendait marcher bruyamment dans la forêt silencieuse. Elle entendit leurs voix lorsqu'ils remarquèrent sa présence :

« Là ! Il en reste un ! » « Non, attend, il est blanc …»

Alors elle ouvrit les yeux. Des yeux empli de nuages et d'éclairs, aux paupières rougis par les larmes. Des yeux qui criaient vengeance !

Alors que les deux hommes s'interrogeait sur la présence d'une fillette de six ans ici, Orana sortit son couteau.

Et lançant un long cri aiguë, un cri de colère et de rage, le cris d'un prédateur partant en chasse, un cri déchirant, vibrant de douleur, le cri d'une fillette qui venait de perdre sa famille, elle se jeta en avant.

Surpris, le premier homme ne pu éviter l'attaque. Le coutelas se planta dans sa cuisse, lui arrachant un grand cri de douleur. Le poids de l'enfant le déséquilibra, et il chuta lourdement sur le sol. Alors retirant la lame sanguinolente de la plaie, Orana entreprit de frapper, frapper, frapper, sans vraiment voir ce qu'elle faisait, les yeux embués de larmes et de sang.

Des bras l'enserrèrent et la soulevèrent de sol, l'arrachant à son ennemi ensanglanté, qui péniblement reprenait son souffle dans un râle de douleur.

Orana se débattait, essayait de se défaire de cette étreinte insupportable, et envoya de toute son énergie son talon dans l'entrejambe de l'homme. Celui-ci, déstabilisé la lâcha. Bondissant sur ses jambes, l'enfant se retourna et planta violemment sa lame là ou elle venait de frapper. Alors le sang gicla, et l'homme hurla, et le sang gicla, et l'homme hurla, et le sang gicla, encore et encore. Orana sentait le liquide vitale inondé son visage, elle entendait l'homme agoniser dans une douleur insupportable, et alors elle rit, elle rit !!

Et de nouveau, elle taillada la chair de l'un et de l'autre, riant et chantant, tandis que le sang détrempait la terre, et que les hommes laissait échapper leur derniers râles d'agonie. Orana s'abreuvait de leur douleur et du sang qui coulait à flot, et elle était heureuse, si heureuse tandis qu'elle répandait la mort autour d'elle !❞