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 Cendres. [Castiel.]

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MessageSujet: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptySam 23 Juil - 18:21


Forget your memories, forget our possibilities.

C'était quelque chose comme cela, oui. Ca y ressemblait, en tous cas. Just, gimme myself back. Oui, quelque chose comme ça. J'sais plus. Y'a bien quelques bribes qui me revienne, c'est pas mal, mais c'n'est pas suffisant. J'ai souvenir de cette chanson. Je l'écoutais souvent. Je m'en souviens. Et il m'est cependant impossible de retrouver ces putains de paroles. Forget your memories, ouais ben j'aurai pas souhaité ça. What you were change in me... Non, j'sais plus. Le punk l'aimait bien, cette musique. C'était... le batteur, je crois. Et il adorait cette partition. Je m'en souviens, c'est étrange. D'habitude j'oublis ce genre de détails. En fait, depuis quelques temps, je me focalise moins sur ce que je vois que sur ce que j'entends. Les sons sont devenus nécessaires, je crois. Comme toujours. J'veux dire, on retient la voix d'une sirène, pas son visage. Quoiqu'en fait... Non, peu importe. J'ai besoin de ces paroles. Forget our memories, peut-être. Forget our memories, forget our possibilities. What you were changing me into... Rha, merde! C'est presque ça! J'le sais! J'la connais par coeur, putain, j'le sais! What you were changing me into, just gimme myself back... Non, c'est pas ça, j'sais plus. Y'a un passage qui donne take all your faithless with you, quelque chose comme ça, j'sais plus. C'est chiant, franchement. J'ai même pas le nom de l'artiste, le titre ou quoi. Chiant. J'ai eu un flash avec cette chanson, déjà. J'crois qu'il s'est passé y'a quoi, deux jours, peut-être. Trois, grand max'. J'en ai pas mal, en ce moment. Parfois plus de cinq par jour. C'est fatiguant, puis à force de les enchaîner j'oublis les détails des précédents. Non, non, j'vais y arriver. Le punk n'arrêtait pas de dire que j'la chantais super bien, et qu'en plus je la connaissais par coeur. Doit bien rester les derniers fragments quelque part par là... Au moins du refrain! Forget our memories, forget our possibilities, what you were changing me into, just give me myself back and don't stay! C'est ça, voilà! Ben c'est pas trop tôt.
Bon, c'est bien. J'ai envie d'une clope, maintenant. Putain, y'en a presque plus. C'est con qu'il n'y ait pas de bureau de tabac, ici, ils feraient fortune à tout vendre et ils pourraient acheter des armes plus facilement, ou j'sais pas, faire fondre les pièces d'or pour créer plus d'énergie, 'fin une connerie pour aider les troupes. C'est vrai, c'est le monde de la loose, ici. Y'a que dalle. Y'a pas d'électricité, quoi. C'est la base du confort, de nos jours. Ils auraient pu au moins faire cet effort là. J'demande pas la lune, mais c'est franchement chiant quand on sait que tout dans le monde du passé fonctionne avec ça. J'veux dire, on a vécu avec toute notre vie, c'est normal de ressentir le manque, non? 'Fin j'sais pas. Pour moi ça semble logique. Pas moyen d'avoir de portable puisque même s'il est chargé à bloc il n'y a aucun réseau, pareillement pour Internet. Tous les appareils tombent des nues tout simplement parce que rien n'est utilisable ici. En fait, ce qu'il faudrait matérialiser, un jour, c'est une centrale nucléaire. S'y mettre à plusieurs, tout le réseau laycanien, Belz' s'il veut, pourra jouer avec comme ça, puis on s'fait une centrale rien que pour nous. Ce serait tuant, quand même. J'sais pas, ça semble pas trop mal. J'pourrais voir les dernières consoles de dingues qu'ils nous ont sortis. Au moins une fois par mois, le Maena infiltré chez les vivants reçoit la visite d'un type, j'sais pas qui c'est. Mais ce mec devait le connaître avant le coma, c'est évident. Il m'appelle Maena, me demande si je suis bien là où je suis, si je l'entends, et puis il me parle pendant une heure ou deux, parfois plus, jamais moins. Du coup, j'arrive à savoir plein de trucs du monde extérieur. C'est terrible. J'adore ma vie. Même si je sais pas réellement en quoi elle consiste.Ce qui me met hors de moi, c'est de ne pas me souvenir. Il faudrait que j'arrive à me concentrer sur un point précis, quelque chose dont je me rappelle vraiment parfaitement, que je puisse reconstituer ma mémoire progressivement. Sauf que je n'me souviens pas de grand-chose. Juste de quelques paroles, des noms, des odeurs, des sensations. Rien de concret. Fait chier. J'suis sûr que cette crevette de Kamui doit savoir comment faire. Pareil, lui il peut entrer en contact avec Layca comme il veut, j'y arrive toujours pas. P't'être que si je m'entrainais réellement je progresserai. J'ai la flemme de m'entraîner. Puis m'entraîner à quoi? À parler? À hurler? À prier? C'pas Layca qu'à créé les morts-vivants, ni les jeux vidéo, ni Internet, ni la musique, et même pas l'électricité. Qu'est-ce que tu veux que j'le prie comme il faut. Il s'amuse à faire la guerre à Oppse, c'est bien pour lui. Voilà. Tout ce que je lui dois, c'est cette vie. C'est pour ça que je suis encore là. Pour le grade d'Elu, pour la liberté, pour le pouvoir, et pour le remercier. Le reste, j'en ai rien à carrer. Je ne pense qu'à ma propre évolution. D'un autre côté, je ne retournerai pour rien au monde dans le monde du passé. Là-bas, ma voix est faible. Merveilleusement faible. J'ai tout à gagner en restant ici. Ouais, bon, clair que je fais pas non plus ce que je veux comme avant. On est en guerre, tout d'même. Mais je suis un dieu, ici. L'homme qui l'emportera, ce sera moi. Qui veut-on que cela soit d'autre? Face à moi, il n'y a plus personne. Toutes des larves sans aucun intérêt. Bientôt, ma voix atteindra les sommets enneigés où se repose Layca. Il ne résistera pas à mon hypnose. Je deviendrai le plus puissant, invoquerait Oppse à mes pieds. Belz', en voyant son oeuvre s'éffondrer, me suppliera d'épargner ses ruines. Et le nouveau Dieu, ce sera moi. Là, je matérialiserai la première centrale nucléaire d'Alea Jacta Est. S'il le faut, je la construirai moi-même. Le monde connaîtra un véritable progrès, puis, on aura enfin cette putain d'él...

Ses cheveux blonds frôlent sa nuque défaite. Il tremble, de tout son être. Sa respiration faible se rapproche, ses deux coeurs palpitent dans sa poitrine à lui en faire mal. Sa présence pesante ne le rassure pas, l'étrangle, l'asphyxie. Vestale déchue, elle s'amuse à caresser sa joue blanche, son front couvert de sueur. Elle le domine. Elle est tout, lui n'est pas plus important que la guerre qu'il cherche à mener. Il n'y avait pas qu'un tome. La collection entière ne se calculait pas. Pourtant, la belle les avait tous dévorés. Tous ceux qu'elle avait réussi à obtenir. Énormément. Sa culture se résumait aux ouvrages manuscrits. Vieux grimoires de la bibliothèque interdite. Fouineuse. Son adulation pour le héros n'avait fait qu'augmenter avec le temps. Sans faille. Autant certains ne juraient que par les Supers des comics, autant les parchemins centenaires et ses créatures à mi-chemin entre la vérité et l'irréel lui convenait à ravir. Et cependant. Lire les aventures étaient merveilleux. Les vivre était fabuleux. Enchaîné par le cadeau empoisonné, la sensation de force emprisonne. Et le héros devient rapidement une addition. Drogue virtuelle. Au travers de ses injections lettrées, chaîne anglaise d'offrandes et de remerciements. Un adorateur en plus. Le lecteur. Engrenages mystiques. Mise en marche d'un système aussi simple qu'efficace. L'admiration. La proposition était plus alléchante que les promesses à l'arrière. Lire pour le revoir. Finir par le croire lié à soi. L'accueillir dans son corps, dans son crâne. Percée à jour. Il vivait grâce à elle, tandis qu'elle survivait pour lui. Le cercle était complet. Tout allait pour le mieux. C'était sans compter l'intervention du temps. Salaud à ses heures perdues. Il s'immisce dans leur relation, sème le doute au sein du couple. Elle se met à douter. Elle a toujours tout fait pour lui, et il ne s'est jamais manifesté une seule fois. Ne serait-ce que pour la saluer. Il ne s'est jamais montré. Il est toujours resté caché, le restera sans doute. Alors elle doute. De sa présence, de son amour à son égard. Se demande si tout n'est pas mascarade. Continue néanmoins le culte. Le culte ne doit s'éteindre. Ne peut s'éteindre. L'autel est toujours entouré de fleurs. Chrysanthèmes et narcisses. Une autre sorte, deux autres races, plusieurs plantes sauvages ou inconnues. Tout était entretenu. Tous les jours. Chaque minute un peu plus. Elle finit par se croire prêtresse de son temple. Priait sous les rideaux de suzannes aux yeux noirs, la pâleur arctique des clématites à la couleur ivoirienne. L'encens se consumait lentement lors de son voeu de silence. L'ombre basculait d'un côté à l'autre selon la volonté de l'étoile meurtrie. Rite crépusculaire. En partenariat avec l'obscurité.
Il s'écroule sur la tombe, dans l'incompréhension la plus totale. Elle est ici souverraine, jusqu'ici reine de son ciel. Ses yeux lapis-lazuli la transpercent de toutes parts, sans succès. Ici, il n'a aucun don. Il a beau retirer son masque, le jeter à travers le rideau de pétales qui se tisse entre elle et lui, il peut bien hurler, invoquer toutes les sirènes de tous les océans d'ici et d'ailleurs, rien n'y fait. Il est faible, elle en profite. Sa royauté s'exprime en milliards de milliards. Mathématique trop complxe, il laisse tomber et hurle. Rien ne s'échappe. Pas un bruit. Pas un soupir. Mutisme. Nobody's listening. Les cendres s'effondrent autour de lui, elle s'évapore. PERSONNE NE T'ECOUTE. Réveille toi! Personne ne veut de toi! Tu es seul, Maena, seul et plus qu'isolé! Démerde-toi, Maena, personne n'est là pour te pousser, à présent! Alors lève-toi, chante! Montre moi ta voix! Il essaie, il essaie, oui. En vain. Choies tes satellites, Terre ou Lune, sois un astre des plus radieux. Deviens la géante rouge prête à exploser. Meurs pour ton art. Ses yeux deviennent rouges, elle traverse le rideau avec une facilité juvénile, réapparait devant son être dressé. Il pleure. Ne sanglotte aucunement. Il ne lui reste que son rouge, fendant ses lèvres, noyant sa gorge, réveillant ses balâfles, martyrisant ses tympans. Le carmin si délicieux. Elle se rit de son acte. Elle lui ébouriffe les cheveux, fait tomber la pluie. Rain. Et elle s'en va. Comme ça.
Rain n'a jamais battu Sindel.
Tu en as déjà fait à satiété. Tu n'es plus le bienvenu en ces lieux.
Il n'a jamais battu Syndel. Il ne l'a jamais battu.


... Putain.
Où est cette connerie de stylo, il est où? Merde, aller, ramène toi... Je le cherche dans toutes les poches de mes fringues, il n'y est pas. Putain de merde, j'étais sûr de l'avoir foutu quelque part par là... Chiéééé... Raaaah!
Je n'ai pas arrêté de jouer avec ces trois malheureuses cigarettes depuis tout à l'heure. Puis il y a eu le rêve, j'ai laissé tomber le paquet miteux dans lequel elles se conservaient. Je me suis baissé, et je l'ai récupéré. La première qui m'est venue entre les doigts s'est retrouvée prisonnière. Je suis prévoyant, des fois. Non, tout le temps. Et je sors de la poche de ma veste un briquet. Lui aussi est sur le point de rendre l'âme. C'est con. La molette s'affole, la flamme s'éprend du cylindre salvateur. Je souffle dessus, réflexe, manie, je relève ma manche et j'écrase la cendre brûlante contre mon épiderme. Je ne ressens rien. Pas un seul picotement. Maena, dans l'autre monde, ne réagit pas. Il n'y a que les battements de la pompe à sang qui s'accellèrent à peine, reprennent leur rythme classique très vite. J'ai, sur l'avant-bras, une brûlure bénine. Avec, je me souviens de Syndel. Je pourrais noter que je n'ai jamais battu Syndel. Reste à savoir sur quel plan je ne l'ai pas encore surpassé.
Hé, attends... Don't stay, forget our memories, forget our possibilities, what you were changing me into, just give me myself back and don't stay, forget our memories, forget our possibilities, take all your faithlessness with you, just give me myself back and don't stay. Ben voilà. Je savais bien que je la connaissais.
Ca me donne envie de fumer, cette odeur de cendres. J'adore. C'est la première chose dont je me suis rappellé en entrant dans ce monde. Que j'étais un fumeur. On n'a pas le même sens des priorités. À nouveau adossé contre le pilier qui soutenait la charpente porteuse du couloir de ce qui semblait être le second étage, j'ai d'abord jeté un coup d'oeil à ma solitude. Quelques pas vers l'avant, on n'entend que mes semelles. La forteresse ressemblait à ce château... Comment dit-on, déjà? Baroque? Cette vieille bâtisse avec ses millions de salles... Merde. Je n'sais plus. Je le connais pourtant très bien, je le sais. Tant pis. La forteresse y ressemblait beaucoup, parfois. Elle changeait. Des détails plus ou moins frappants évoluaient. J'en suis certain. Mais la nuit, elle était la copie conforme de ce manoir. Copie conforme. Personne à l'horizon. Aucun bruit nocif. Je suis seul, c'est tant mieux. Avant que l'on arrive à me trouver, j'ai le temps d'en fumer une. Ouais, puis merde. J'fais c'que j'veux. Je retourne à mon poste d'observation. Mon échine ne quémende que ça, profiteuse. J'écrase les motifs de marbre avec le métal de mes semelles. Rien à foutre. Les verroux sont déliés, les sangles laissées à l'abandon. Je fait pivoter mon masque, le pose en équilibre sur la droite de mon crâne. Mon royaume pour une clope, comme dirait Richard s'il était mon rôle. Il se rendrait fou à essayer de me jouer, le pauvre. J'comprends. Même moi j'ai du mal.
C'est ça, qui est fantastique.
Rien de mieux que le tabac dans un silence de plomb.
Puis, personne ne viendra m'emmerder ici... si?


Dernière édition par Maena A. M. Raphaëlita le Jeu 28 Juil - 21:37, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyJeu 28 Juil - 19:16

We're keeping devils down and sleeping sound.
Du plus ancien de mes souvenirs, il me semble que j'ai toujours eu des problèmes de sommeil. Pour une raison qui m'est totalement inconnue, je pense que Morphée me hait. Je me demande bien ce que j'ai pu lui faire dans une autre vie à ce pauvre enfant de la nuit, mais je suppose que c'était probablement une sacrée méchanceté. En fait, pour faire simple, je dirais que Morphée et moi étions comme deux vieux amants. Toujours à se chercher et à se fuir en même temps. À se désirer tout en se dégoûtant. Par moments, je voulais me plonger dans les bras de Morphée et m'y perdre pendant des heures, des jours, des semaines entières dans l'espoir naïf d'y trouver le confort et l'apaisement qui me manquait. Seulement voilà, c'était quand on avait besoin de lui qu'il était impossible de le trouver. Je pouvais passer des heures à me tourner et me retourner dans mes draps et à lui courir virtuellement après en l'appelant gentiment pour qu'il m'ouvre les portes du monde des rêves. Mais dès que je l'avais sous la main, ce bougre de Morphée et que je m'abandonnais à lui en fermant les yeux, il me venait un soudain écœurement. À peine prenais-je conscience que je dormais qu'il me venait une subite envie de me lever et d'aller balayer, cuisiner, coudre ou je ne sais quoi encore. Tous les prétextes étaient désormais bons à fuir Morphée. En général, il finissait toujours plus ou moins par me rattraper par la fatigue et à m'obliger à rester en sa compagnie le temps de quelques heures. Il était impossible de résister à ce fourbe de Morphée qui me poursuivait et me rejetait d'un instant à l'autre. J'étais donc une espèce de courtisan du fils de Nyx et d'Hypnos. Enfin du moins, c'était comme ça que je le ressentais. Cette jolie métaphore me confortait parce que je la trouvais amusante. C'était toujours plus agréable de clamer d'être l'ex-partenaire de Morphée plutôt qu'un insomniaque notoire incapable de trouver le sommeil sans être constamment harcelé par de mauvais rêves. J'étais un enfant de cinq ans : j'avais peur de mes cauchemars. Une vraie peur de gosse. J'avais toujours ces visions, des mémoires qui me terrorisaient. Et savoir que ces choses que je voyais en rêves étaient partiellement vraies était d'autant plus dérangeant. Il n'y a rien de plus effrayant que de se retrouver nez-à-nez avec ses propres démons. En fait je ne savais pas ce qui était pire : dormir ou le combat avec Morphée pour pouvoir justement dormir. Dans le premier cas, j'étais torturé par ces hallucinations difformes et monstrueuses de mon existence et dans le deuxième je me torturais moi-même dans le but d'être torturé ensuite via le biais de mes songes. Je mériterais un prix pour cette logique imparable.
Donc, la plupart du temps, je ne dormais que très peu voir pas du tout jusqu'à ce que Morphée ne me tombe brutalement dessus et ne m'assomme pendant une ou deux journées. Dans le fond, c'était plutôt drôle dans la mesure où cela inquiétait pas mal de mes compagnons de dortoir. En effet, à mon arrivée sur AJE, Layca - ou Belzeneff, je ne sais pas - avait eu la merveilleuse idée de me doter de ces jolis yeux céruléens avec en options couleur personnalisable et lampe torche intégrées. Non seulement j'avais des pupilles dont les nuances colorées variaient bon gré mal gré, mais en plus elles brillaient d'une lueur bleutée qui ne s'éteignait jamais même dans les plus profondes dans la plus complète obscurité. Mes orifices oculaires étaient deux grands phares dressés au milieu des ténèbres. Enfin peut-être pas quand même car je n'avais tout de même pas - Dieu merci - deux gyrophares à la place des yeux mais même, on pouvait très bien me repérer dans le noir. Le comble c'était que la personne qui avait décidé de cela avait oublié de me doter d'une vision nocturne. Donc tout le monde pouvait me voir au beau milieu de la nuit alors que moi, sans source de lumière, je ne voyais personne ! Ridicule et pourtant amusant. Mais serais-je en train de m'égarer ? Sûrement. Je disais donc que cela ne plaisait pas beaucoup à mes compagnons de chambre que d'avoir un insomniaque au regard fluorescent en guise de colocataire. Si certains appréciaient mon petit côté lampe de chevet, la plupart du temps j'empêchais les autres de correctement s'endormir. Cela m'obligeait donc à m'éclipser lors des nombreuses nuits où Morphée était parti vagabonder ailleurs et trouver qu'il avait mieux à faire que de me dresser une sournoise embuscade pour me traîner jusqu'à son royaume des songes.

Ainsi, comme un peu près cinq nuit sur sept, j'errais discrètement dans les beaux couloirs de la forteresse. Ce que j'aimais à cette heure-là, c'était le calme et le silence qui régnait. Avec toute sa marmaille de pantins, on ne pouvait pas dire que le refuge de Layca était des plus paisibles en journée. Et seul Dieu savait à quel point ils pouvaient être désordonnés ces petites marionnettes de Layca. Tenez, par exemple, il suffisait que ce petit rigolo de Candy ne laisse "malencontreusement" tomber une de ses billes et voilà qu'une partie des couloirs était couvert de cendres et de suie. Au moins, en soirée, tout le monde faisait de son mieux pour remettre un semblant d'ordre et de propreté dans la forteresse avant l'heure du couvre-feu, histoire de bien pouvoir commencer la journée de demain. En toute logique, c'était donc pendant la nuit que le château était le plus propre. Pouvoir se promener dans des couloirs vides et parfaitement lustrés m'apaisait dans le sens où j'étais un vrai maniaque du ménage et que la moindre tâche de crasse était une insulte à mon égard. Plus ou moins. Pour relativiser, disons que je préférais de loin quand les choses étaient rangées et à leur place. Puis il y avait quelque chose de confortant dans le fait de savoir que les couloirs étaient vides la nuit. J'avais peur des monstres sous mon lit mais je ne craignais pas encore totalement le noir. Pour le moment. Je crois que les seuls moments où je me retrouvais seul dans la forteresse étaient ceux de mes rondes nocturnes. Même pour quelqu'un de sociable comme moi, cela faisait du bien de se poser cinq, dix minutes seul sans rien faire, sans rien penser et d'apprécier tout simplement le silence. C'étaient dans ces instants que mon esprit se reposait vraiment. J'en profitais également pour méditer tranquillement. Pas sur des choses comme l'amour, la mort, la guerre, non, non. Ce genre de sujets, je les avais rongés et épuisés jusqu'à la moelle. Quand on arrive au même point que moi, on réalise que finalement se prendre la tête sur des questions philosophiques sans réponses de ce type n'est qu'une perte de temps. Dis comme ça, je fais vieux. C'est vrai, qu'après tout, ça fait combien de temps que je suis là ? J'avais arrêté de compter. Comme si AJE avait un cycle du temps normal de toutes façons. J'étais là depuis longtemps et puis c'était tout. Je pensais à Linoa, mon Élue. À Kamui aussi, le soi-disant enfant de Layca. Et un peu à Lui. Je me demandais ce qu'il devenait avec le temps, s'il changeait, s'il pouvait encore changer comme moi j'avais changé. J'haussai les épaules et secouai la tête, agitant mes longs cheveux noirs comme l'ébène. Ruminer quelques suppositions hasardeuses ne m'amènerait à rien. Je passai alors une main dans ma crinière, rassemblant les multiples mèches sombres pour les attacher sur le côté à l'aide d'un simple élastique et laisser tomber le tout en une cascade d'ombre par-dessus mon épaule gauche. Je jouai encore un moment avec mes cheveux, les triturant dans mes mains, les laissant glisser entre mes doigts grisâtres. On aurait dit de l'eau noire miroitant sur des rochers. Même sous la lueur des torches je me sentais... décoloré. Oui, en arrivant sur AJE, ma peau avait perdu ses couleurs de mortels. Sans être blanche, elle était maintenant de cendres. Pas légèrement rosée comme les autres humains, mais légèrement cendrée. J'avais toujours du mal à me faire à cette nouvelle apparence. Non pas que je n'appréciais pas mon nouveau corps mais je le trouvais... fascinant. Est-ce malsain d'être son propre objet de fascination ?
En parlant de cendres... Je sentais une odeur familière au détour d'un couleur. De la fumée. D'une cigarette. Je n'aimais pas particulièrement cette senteur. Parce qu'elle me rappelait certaines choses, certaines personnes qui me déplaisaient et les souvenirs que j'avais associé à la cigarette n'étaient pas des plus joyeux. Et puis, il y avait quelque chose d'affreusement chimique dans ce tabac. Artificiel. Le vrai tabac sentait meilleur à mon goût. Là, cette fumée elle ne m'évoquait que la mort et le calciné. C'était... désagréable. Je passai les mains dans les poches de mon jean. Cela me rappelait que j'avais retrouvé ce vieux paquet de clopes usé trainer dans un coin de la forteresse au milieu de la journée. Je crois qu'à cette heure-ci il n'y avait qu'une seule personne possible qui puisse savourer tranquillement une pause cigarette en dépit du couvre-feu : Maena. C'était le seul haut gradé qui fumait. À ma connaissance. J'avais entendu beaucoup de choses à propos de cet étrange personnage mais je n'avais jamais pris la peine de faire sa connaissance. C'étaient que les rumeurs qui couraient à son égard étaient rarement gratifiantes. D'après les dires, il pouvait faire exploser la tête de n'importe qui grâce à sa voix angélique. Un pouvoir aussi captivant que terrifiant. Et qui suffisait à tenir à l'écart bon nombre d'importuns.
Mes suppositions étaient justes car en suivant mon nez je tombai bien vite sur l'Élu, adossé à une des voutes, un mégot entre les doigts. Je n'eus pas beaucoup de mal à la reconnaitre avec son visage d'Apollon et son masque relevé. Je souris et m'avançai vers lui en sortant les mains de mes poches. Il ne devait pas être particulièrement ravi de ma présence. En temps normal je l'aurais laissé seul comme les quelques fois où je l'avais croisé dans la forteresse, sauf que cette fois-ci j'avais quelque chose à lui dire. Contrairement à beaucoup de Laycaïstes, je n'avais pas spécialement peur de lui. À vrai dire, j'avais appris à ne pas me fier aux ragots. Toutefois je devais admettre que ce jeune homme dégageait quelque chose que je qualifierais de dérangeant sans pouvoir expliquer pourquoi. Peut-être était-ce la perfection de son physique doublé de l'agressivité de son style vestimentaire et de tous ses accessoires qui le rendaient un peu macabre ?

- Bonsoir. Navré de vous déranger. D'un habile mouvement de bras, je fis glisser au creux de ma main le paquet de clopes abandonné que j'avais rangé dans les manches bouffantes de ma chemise blanche. L'avantage de ce genre de haut c'était qu'on pouvait y fourrer un peu près tout et n'importe quoi. Vous n'avez pas idée de tout ce que je cache dans mes deux manches. Enfin qu'importe. Sans cesser d'afficher ce sourire amical, je tendis le paquet au jeune homme. J'ai trouvé ceci par terre ce matin dans un des couloirs. Serait-ce à vous ? Si oui, pouvez-vous, s'il vous plaît, éviter de laisser trainer ce genre d'objets ? Il y a des enfants qui habitent ici, je ne voudrais pas que l'un d'entre eux soit tenté de commettre une quelconque bêtise avec ça.
J'avais toujours trouvé dommage de voir des gamins fumer. En fait, quand on m'avait appris qu'aujourd'hui certains adolescents commençaient la cigarette dès 14 ans, j'avais été profondément choqué. Je n'avais rien contre les fumeurs : chacun menait la vie qu'il entendait après tout, mais je pensais que c'était un peu triste de voir des gamins de plus en plus jeunes s'enfumer les poumons et devenir dépendant à la nicotine. Au moins, sur AJE, il n'y avait pas de marchand de tabac, ce qui permettait de protéger de façon plus ou moins relative les habitants les plus jeunes de tous les méfaits de la cigarette et même des substances illicites.
Je ne souhaitais pas vraiment faire la morale à une personne qui m'était hiérarchiquement supérieure, mais je tenais tout de même à lui faire savoir ce petit point. Minutieux, je pouvais parfois devenir très collant et même carrément embêtant en rabâchant ce genre de commentaires, mais c'était plus fort que moi.
Allez Monsieur Raphaëlita, je suis sûr que vous n'êtes pas aussi méchant que ce que les gens aiment faire croire.
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyVen 29 Juil - 2:35


Personne ne se souviendra de moi.


Personne ne viendra m'emmerder ici. Personne.
Non. Absolument personne.
J'ai confiance. Tout le monde ici a peur de Layca. Layca a décrété le couvre-feu, tout le monde respecte le couvre-feu. Sans parler de Layca, tout le monde ici me craint. Sauf Kamui, mais c'est qu'un morveux sans intérêt qui se prend pour le fils d'une divinité. C'est pas pareil. C'est un détail, même. Enfin. Tout le monde me fuit, de peur de voir sa cervelle recouvrir les murs. C'est légitime, quelque part. Ils savent à quoi s'en tenir. Après, c'est arrivé que je fasse exploser l'encéphale des gens par inadvertance. Comme quand, par exemple, je me fume une cigarette et qu'on tient à me parler à ce moment-là. Si on m'emmerde, je râle. Si je râle, je parle. Si je fume, j'n'ai pas mon masque. Relation de cause à effet, CQFD. J'sais pas, même moi qui suis pas forcément logique je comprends ça. 'Fin bon. C'est malheureux, on en a perdu deux ou trois comme ça. J'en tue pas mal aussi, en général. Alors j'suis pardonné. C'est si facile à corrompre, parfois. Tellement aisé. Je me suis fait un nom, chez les laycaniens. Je suis un monstre. Je suis l'ange à la voix démoniaque. Je suis l'Elu cruel aux pulsions sadiques. Je suis l'ordure finie sans sentiments aucun. Je suis Maena Aiolia Méryl Raphaëlita. Ici, je suis connu. Là-bas, je me ferai connaître. Ailleurs, l'on me célèbre. Je le sais. Le garçon qui vient rendre visite à Maena dans le monde du passé le lui dit souvent. Je suis juste merveilleux. Ils sont jaloux de mes talents. De mon physique plus qu'aguicheur, de mon pouvoir sans limite et destructeur. Je ne suis pas foncièrement idiot non plus, ce qui peut faire envie à pas mal de crevettes sans cervelle résidant entre ces murs. Je joue avec ma lèvre inférieure. La cendre a le temps de se répandre sur la pierre. C'est pourtant si simple.
La clope revient à sa place. Elle est délicieuse. C'est juste... Oh non... Non. Non, non, non. Putain, c'est pas vrai. Non mais sérieux, non, j'veux pas. J'veux pas, ducon, fais demi-tour. Aller... Aller! Rebrousse chemin, fais demi-tour, volte face, j'sais pas, bouge de là. Aller, bouge... Mais non mais viens pas par là, pas par làààà... Putain, Layca, j'ai fait quoi pour avoir la poisse comme ça, dis? J'suis tant que ça un connard? Tu m'en veux pour ton fils? Mais c'pas ma faute si c'est qu'un merdeux de quinze ans, quoi... Aller, sois sympa, quoi! Aller, tourne! Tourne! Tourne, mais tourne, putain! Mais j'en ai marre, franch'ment... Putain, en plus faut que ce soit lui, quoi. Avec ses yeux phosphorescents. Il a pas d'chance, lui, quand même. C'con d'avoir des yeux comme ça, 'fin moi ça m'fait rire. Il éclaire la nuit, ça doit être pratique pour lire, héhé! En plus, c'est nul pour lui, mais j'ai complètement oublié son nom. Alors là... J'sais plus. J'l'ai entendu au travers d'une conversation, rapidement, j'l'ai croisé plusieurs fois dans les couloirs et tout, mais de là à retenir son prénom... Kael? Kastel? Kalem? J'sais plus... Ouais, bon, tant pis. Il doit pas non plus connaître le m... Et merde, tout l'monde me connait! Bwarf, ben tant pis. J'lui demand... Mais je suis con ou quoi? J'suis trop con! Il vient m'emmerder! J'vais pas lui faire des politesses! Non mais j'y crois pas, j'deviens complètement stupide! Non mais ça s'arrange pas, mon pauvre Maena... Ca va même plus du tout, mais alors plus du tout!
Il approche toujours, ça le freine pas cette histoire. J'prierai bien pour le faire déguerpir la queue entre les jambes, or comme visiblement mon copain Layca n'est pas de mon côté cette nuit, on évitera. Bon, je fais quoi? J'l'invite à boire un thé? Et le voilà qui s'approche, et voilà... 'Tain que j'en ai marre, que j'en peux plus... Il se campe devant moi. Et il ne bouge plus. Il est là, et bien décidé à y rester. C'est franchement pas ma veine, ce soir. Pas du tout. Je n'oscille pas non plus. Plonge mes yeux perçants dans le blanc des siens, soleils. Et son odeur m'envahit. Quelque chose d'effrayant. Quelque chose qui me répugne, me révulse. Je ne t'aime pas. Je ne t'aime pas, et tu te dois de le comprendre. Tu sais pourtant qui je suis, étranger, anonyme. Bien sûr que tu le sais. Tout l'monde sait tout, ici. Qu'est-ce que tu fous là, toi. T'es perdu? Et c'est moi que tu viens voir? Ha. Qu'est-ce qui t'a attiré dans mes filets, la cigarette? Tu fumes? T'en sais rien. Pauvre con. Pauvre imbécile. Je te regarde, méprisant et malsain. Tu es plus petit que moi, physiquement parlant. Tu es peut-être plus âgé, qui sait. Tu dois comprendre qu'ici, maintenant, je peux te tuer. D'un coup. En même pas un seul mot. À cette distance, je suis certain de ne pas te rater. Tu es à ma merci, petit homme. Je peux mettre fin à tes misérables jours comme ça, selon ma volonté. Ici, et tout de suite.
Mais ce serait sadique. Non, le mieux serait de t'ouvrir. De t'ouvrir le ventre pour en vider le contenu et observer. Arracher ton coeur encore battant de ta poitrine, casser au passage plusieurs de tes côtes. Remonter jusqu'à ta gorge, te l'arracher. T'ouvrir le foie, le fouiller. T'ouvrir et t'observer. T'ouvrir et t'étudier. Toi, l'homme de la mer. La femme de la mer. J'l'ignore. Tu pues l'océan. Tu sens l'eau à plein nez, espèce d'imbécile.

- Bonsoir. Navré de vous déranger.

Dégage. Dégage, c'est pas assez clair? Toi et tes putains de billes pluvieuses, allez vous faire voir. Dégagez de là, hors de ma vue, de mon chemin, c'que tu veux mais fous l'camp. Fous l'camp loin d'ici. Tu tends de ta main aquatique un paquet de cigarette. Tu te demandes si c'est à moi, je suppose. Et bien non. Maintenant retourne au lit et reste loin de moi.

- J'ai trouvé ceci par terre ce matin dans un des couloirs. Serait-ce à vous ? Si oui, pouvez-vous, s'il vous plaît, éviter de laisser trainer ce genre d'objets ? Il y a des enfants qui habitent ici, je ne voudrais pas que l'un d'entre eux soit tenté de commettre une quelconque bêtise avec ça.

Putain, mais j'ai fait quoi, Layca, pour mériter ça?
J't'en prie tais-toi. Au moins ça. Fais moi l'honneur immense de fermer ta grande gueule de poisson. Les battements s'accelèrent, j'ignore pourquoi. Je ne t'aime pas, tu le sais? Parce que je ne t'aime pas, sois-en sûr. La cigarette m'enfume, me préserve de ton parfum pestilanciel. Ta chair sent la terre humide. Pas la boue. La terre mouillée après une averse. Moi, je sens le tabac chaud. Ce n'est pas exactement la même poésie, tu en es conscient? Et cela ne t'effraie pas. Intrépide marin d'eau douce, tu n'es qu'un vulgaire bigorneau dans mon océan à moi. Mon océan sans eau. Pas la moindre goutte. D'eau. Tu es affreux, tu le sais, ça? Non, tu n'sais pas, tu n'sais rien. Tu n'es rien, pauvre idiot. Face à moi, tu n'es rien. Mon regard n'a pas tremblé une seule fois. Tu l'as vu, pusique que n'a pas détourné le regard. Où peut-être l'as-tu fait, en fin de compte. J'n'en sais rien. Je me fous de tes faits et gestes. Je me fous de toi, de ta personne, tu n'es rien, rien du tout. Tu n'es rien face à moi, eau. Et tu m'inspires la pire des terreurs, eau. La pire des frayeurs de ces mondes entrelacés. J'ai peur. Divinement peur. Je suis Ariel. La sirène qui fuyait l'océan.
Je n'ai pas d'autre choix, à présent. Je ne t'arrache pas le paquet des mains, pas encore. Ce n'est pas l'envie qui me manque. Mais tant que tu seras là, fumer me sera impossible. Et je ne souhaite qu'une chose, te voir foutre le camp de mon couloir. Te casser d'ici pour ne plus jamais revenir me voir. Jamais. Tu ne m'obéiras pas. L'eau ne m'a jamais obéit. Cette garce. Et toi, tu n'es pas grand. Et je savoure ma prise de pouvoir sur ton corps si frêle. Ce corps si chaste, si symétrique, que l'on croirait voir une femme. T'as la gueule d'une femme, tu le sais? Tu devais... Non, non. Laisse tomber. Je ne peux ouvrir la bouche. En ce cas, je recrache la fumée nocive par les narines. Je dois avoir l'air très con, et je t'interdis de rire. Puis je t'attrape par l'épaule. Ton contact est tout, sauf apaisant. Ta peau est glacée, la mienne aussi. Mais ta chair est gonflée par l'eau. Tu n'es pas un méditérrannéen. Ta texture n'a pas non plus l'onde de l'écume océanique. Tu dois venir du Nord. Tes lèvres sont charnues et surplombées par cet anneau disgrâcieux. L'eau est encore plus laide avec les artifices qu'elle s'octroie, tu sais. Mes phalanges entrent en contact avec tes saloperies de cheveux. Tu n'imagines même pas toute la haine que tu m'inspires. Je ne chercherai pas à te la communiquer. L'eau n'en fait qu'à sa tête et ne m'écoute jamais. Les algues que tu abordes sans honte aucune me rappelle les immondes gélatines vertes anglaises. T'es anglais? Ca m'étonnerait pas. Je tâte ce que je touche. Je veille à ce que la clope ne s'éteigne pas à ton contact sordide et mesquin. Ton regard défit le mien. Saches que personne n'est plus beau que moi. Tu sais qui je suis? Mais oui tu le sais! Je te retourne, te pousse vers l'avant. Comme l'ordure que je suis, brutal, violent et pathétique. Tu te fous de moi, avec ton sourire narquois et tes pupilles dilatées. Tu te fous de moi, ne le nies pas. Tu es gluant. Gluant et atroce. Je ne veux plus te voir, et je me cache derrière la colonne. Le mégot tombe au sol, la feraille de ma chaussure l'achève. Les sangles m'étranglent, les verroux retrouvent leur jumeaux. Et je te reviens, homme de la mer. Je te reviens ainsi. Je te retrouve, et je suis plus calme. Je soupire à ma guise. Tu es horriblement laid, tu le sais? Mais je m'approche de toi, homme de la mer. Je m'approche, et je te ravis le paquet que tu m'attribues. Et je te regarde. De mon unique oeil lagon je te fixe.

- La plupart des gosses de ce squat sont morts, vieux. Et dans le pire des cas, ils reviennent à la vie. Mais j'dis pas non à un paquet offert.

Je l'ouvre. Elles sont trempées. Trempées par sa main odieuse. Il y en a cinq. C'est toujours ça de pris. Je les cache dans la poche de ma veste. C'est à moi. Et tu ne fumes pas, puisque tu ne gardes pas le paquet pour toi. Ou alors tu me voues un culte, ce que je conçois tout à fait. Mais toi, je ne t'aime pas. Je t'exècre par tous les pores de ma peau, homme de la mer. Et pourtant tu me fascines. Tu m'intrigues, homme de la mer. Tu incarnes ce dont j'ai le plus horreur. Et tant de laideur ne peut être qu'admirée. Paradoxe? Pourquoi pas, après tout. Ta peau grise m'inspire le métal. Le fer. Comme quelque chose de... de solide. Tu n'aurais pas du hériter d'un élément aussi vulgaire que l'eau. Tu devais valoir plus que cela, et tu t'es fais entuber merveilleusement. Ton épiderme acier te sied bien. Cela ne jure pas, sur toi. Tu as de ces yeux, si tu savais, homme de la mer. On dirait ceux d... de... d'une sirène. Dis, homme de la mer. Qui est le plus beau? L'homme au phare, dégustant sans peine les côtes ravagées par les vagues houleuses, ou la sirène séraphique, mécanique, créée pour envoûter quiconque s'éprendra de ses mélopées incessantes?

- Puis, j't'en prie, n'me vouvoies pas. Je n'te vouvoie pas, moi, alors ne me vouvoies pas.

Même si je te suis supérieur, et si j'ai tous les droits sur ta misérable existance, homme de la mer. Tu me trouves brutal? C'est bien. Tu me trouves immoral? Tu t'approches de la vérité. Tu me hais? Tu as raison. Sois soumis à mon joug, homme de la mer. Tes larmes tièdes, tes vagues polaires, tes ondulations tropicales ne m'atteindront pas. J'ai quitté ton royaume pour gouverner le mien. Si tu es Dieu, je suis Lucifer. Si tu es Belzeneff, je serai Layca. Maintenant tu n'es plus rien. Tu n'es plus rien pour moi, eau. Alors fuis, ploies devant moi. Choisis ta destinée, obéis-moi. S'il te plait.

- Qui tu es, toi? Navré, j'ai du mal avec les prénoms.

Parce qu'homme de la mer, ce n'est pas très ergonomique. Tu me pardonnes, eau?
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Le spleen de l'océan

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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyJeu 4 Aoû - 18:40

Bleu de désert.
Oh. Je crois que c'est officiel : je suis un aimant à ennuis. Je me demande bien pourquoi d'ailleurs. C'est vrai ça ! Je ne pense pas être quelqu'un de difficile à vivre et puis c'est pas comme si je passais mon temps à cracher sur les gens, bien au contraire. Sans vouloir me lancer des fleurs, je me décrirais plutôt comme une personne foncièrement aimable et sympathique. Si on passait outre le côté un peu maniaque bien entendu. Mais ça n'expliquait pas pourquoi est-ce qu'il me regardait comme ça ce garçon. C'est drôle parce que lui aussi avait des yeux d'un bleu hypnotisant. Un peu comme les miens. Mais complètement différent pour peu qu'on sy attarde. Mes yeux étaient océan d'eau, paysage aquatique bercé par les vagues. Les siens étaient mer d'aridité. Céruléens mais pourtant déserts. Affreusement secs malgré les reflets qui ondulaient dans ses pupilles. Peut-être était-ce l'aversion dans son regard qui avait retiré toute trace d'humidité. C'était la première fois que je tombais sur de pareils iris. Et je n'arrivais pas à m'en détacher quand bien même il me prenait par l'épaule, éveillant en moi un brutal écoeurement.
Tiens ça y est, je me souviens pourquoi je m'attire souvent ce genre de problèmes : parce qu'une fois de plus je n'avais pas fait attention à l'aura que dégageait l'Élu. En fait, ce n'était que maintenant qu'il avait posé ses mains sur moi que je me rendais compte qu'il me haïssait par tous les pores de sa peau. Son corps entier semblait me crier « Bas les pattes ! Va voir ailleurs si j'y suis ! Je ne t'aime pas. Non en fait je te déteste carrément ! ». C'est vrai qu'au premier coup d'oeil, il avait pourtant cet air de grand méchant psychopathe. Si j'avais été un peu plus prudent, j'aurais tout de suite réalisé que m'approcher de Maena, même avec un grand sourire, était profondément stupide. Sur le coup j'avais voulu faire le petit malin et jouer avec le feu. Par curiosité sans doute. Et aussi parce que j'ai ce besoin maladif d'aller vers les gens, quitte à me prendre des mandales titanesques. En l'occurrence, je commençais plutôt à regretter mon geste. Mais je n'allais pas rester vingt ans avec ce paquet de cigarettes, si ? Au moins maintenant je pourrais confirmer les rumeurs sur la gentillesse du grec.
Enfin, maintenant j'avais l'Élu réputé le plus violent et le plus antipathique de la forteresse sur le dos. Bien. De toutes façons qui ne l'avait pas sur le dos ce misanthrope de Maena ? Bon c'était un peu hâtif comme affirmation parce qu'en réalité je n'avais absolument aucune idée de ce à quoi pouvait bien ressembler son entourage en supposant qu'il en ait un. Mais là n'était pas la question. Mon coeur se soulevait au contact des mains glaciales qui s'étaient renfermées sur moi. Ses doigts s'étaient posés sur mon épaule et pourtant ils me faisaient l'effet de cinq épées qui se plantaient dans ma chair. Je voulais bouger, crier, le repousser d'un grand geste du bras mais je me contentais de rester pétrifié, la bouche entrouverte comme un poisson arraché à l'océan. Calme-toi. Respire. Ce n'est rien. Non. Je ne voulais pas. Je ne voulais pas qu'il me touche. Lâche-moi ! Recule ! Ne t'approche pas de moi ! Mes yeux restaient plantés dans les siens. Impossible de se détacher de mon bourreau. Physiquement comme mentalement. Je le regardais comme un animal figé au milieu du route, absorbé par la lueur des phares de la voiture qui allait l'écraser. Écraser oui. C'était ça. Il allait m'écraser, me broyer, m'anéantir. On disait qu'il en était capable. Et moi, j'étais incapable de me défendre. Quand bien même j'en aurais eu le courage et l'envie. Je ne savais pas trop. Même quand on s'en prenait à moi, je ne pouvais pas me résoudre à recourir à la violence. J'avais vraiment un instinct de survie qui laissait à désirer. Mais je préférais mille fois prendre sur moi la colère des autres que blesser quelqu'un. Qu'importe la personne. C'était contre ma nature. Mon sourire s'était effacé, remplacé par une moue de peur tandis que l'océan de mes pupilles s'assombrissait, remué par des vagues inquiètes sous un ciel qui se couvrait de nuages gris. Mon corps était alors agité par de petits tremblements. Comme s'il tremblait de fièvre. Chut, Castiel, tu peux le faire. Ne panique pas. Pourquoi il ne dit rien ? Je détestais son silence. Parce qu'il m'obligeait à aller chercher par moi-même les mots muets de haine qui m'étaient adressés. J'en étais encore plus mal à l'aise. Ma gorge s'était asséchée comme si son regard sec avait fait évaporer toute la salive de ma bouche. Les sons s'étouffaient sous ma langue avant même de naitre. Avortés. Moi non plus, je ne disais rien. Je le laissais lire toute la peur en moi. Je le laissais lire en moi comme je le laissais jouer avec mes cheveux. Je ne devais pas faiblir. Je n'étais pas si faible que ça. Réveille-toi. Je sentais son souffle chaud empoisonné par la nicotine, ses mains si glaciales comme imprégnées sur ma peau, son regard laser aride qui m'ouvrait en deux. Il était en train de me brûler. Vivant. Mais il était beau dans sa colère bouillonnante, je devais le reconnaitre. Sans doute cette rage ardente qu'il dégageait devait faire partie de son personnage et embellissait son charme animal, macabre. Je finissais enfin par déglutir mais j'avais l'impression d'avaler de la cendre. Ma gorge me faisait toujours mal. Mon épaule aussi. Même mes cheveux semblaient s'être carbonisés à son contact. S'ils n'étaient pas déjà d'un noir charbonneux, je suis sûr qu'ils le seraient devenus. Mon regard se raffermit, la mer se stabilise de nouveau, bercée par une légère brise humide. Je ne le laisserais pas tarir mon océan. Un sourire aimable se redessine sur mes lèvres fendues par cette boucle fer. Quitte à jouer avec le feu, autant le faire jusqu'au bout. Je ne craignais plus la mort. Mon assurance me revenait.
Je sentais désormais la bête blessée derrière le monstre imbuvable. Maena, qu'a-t-il bien pu t'arriver pour que tu devienne si... desséché ? Pauvre enfant. Te serais-tu noyé dans les remous sur Terre ? L'eau t'aurait-elle avalé dans son estomac aquatique ? Aurais-tu... peur ? De moi ? De l'humide ? Du froid ? Je ne saurais le dire. Mais après la peur, il m'inspirait comme une certaine... pitié. C'était sûrement prétentieux comme affirmation mais j'avais un peu de peine pour ces êtres si renfermés, si glacés qu'ils en étaient devenus agressifs, brutaux. Incapables de contenir leur rancoeur souvent née dans la même peur qu'ils infligeaient désormais aux autres.
Il me lâchait. Enfin. Je laissai échapper un soupir de soulagement, mon coeur soudainement libéré de son emprise brûlante. Je le sentais à nouveau rebattre, irriguer mes veines de sang. Mes yeux se fermèrent un moment. Je repris ma respiration, toujours en souriant. Sourire, c'était tout ce que je vais faire. Il devait me croire méprisant ou moqueur. Mais je préférais ça à une expression de peur triviale. Quand je les rouvrais, il écrasait son mégot. Il avait laissé de la cendre partout. Cendre de sa cigarette ou ma cendre à moi ? Je sentais encore le contact de ses mains sur moi et la morsure qu'elles m'avaient infligées. Son masque était rattaché. Drôle d'accessoire d'ailleurs. Je trouvais ça dommage de devoir dissimuler son visage de mauvais ange derrière tout cet amas de sangles et de liens. Mauvais ange. Oui. Il avait ce visage angélique, trop beau pour appartenir à n'importe quelle créature mortelle mais l'expression mauvaise qui s'en dégageait en corrompait la magnificence. Un ange brûlé, consommé par la colère. Il n'y avait maintenant plus qu'un seul rayon bleu qui me fixait. Il s'approchait à nouveau de moi. J'étais tenté de reculer, mais je restai droit devant lui. Que vouliez-vous que je fasse ? Je n'allais pas m'enfuir en hurlant et en agitant les bras de façon ridicule. J'avais encore un tant soi peu d'intelligence. Et puis, je suis certain que les personnes de la forteresse de Layca adoreraient être réveillées par un énergumène insomniaque qui gueule au milieu de la nuit parce qu'il a croisé un vilain Élu. Je me vois tellement bien expliquer à Kamui que parce que Maena m'a agrippé les épaules je me suis mis à beugler comme un veau pour me défendre. Surtout qu'en l'occurrence, de nous deux, ce n'est pas moi qui possède une voix capable de faire exploser les tympans de quiconque l'entend. Quelque chose échappa à mes doigts. Ah oui. Dans le feu de l'action, j'étais resté planté avec ce paquet de cigarettes. Que ça lui appartienne vraiment ou pas, au moins le méchant ange avait gagné de la nicotine gratuite dans l'histoire. Ce fut alors qu'un son, plus clair, plus envoûtant que tout ce que j'avais pu imaginer s'échappa de son masque disgracieux.

- La plupart des gosses de ce squat sont morts, vieux. Et dans le pire des cas, ils reviennent à la vie. Mais j'dis pas non à un paquet offert.

Je restai un moment pétrifié de stupeur sous l'effet de sa voix enchanteresse. Quel dommage que les mots formés par ce chant céleste soient aussi rudes.

- Puis, j't'en prie, n'me vouvoies pas. Je n'te vouvoie pas, moi, alors ne me vouvoies pas. Je fronçai légèrement les sourcils. Qui tu es, toi? Navré, j'ai du mal avec les prénoms.

Penchant un peu la tête, j'hésitai à répondre. J'aurais l'air stupide de prendre la parole après lui, de lui faire entendre ma voix affreusement laide comparée à la sienne. Et pourtant c'était ce qu'il attendait que moi. Allons, allons Castiel. Qu'importe. Ce n'était qu'un détail insignifiant. De toutes façons, on aurait dit que tu étais insignifiant face à lui.

- Pardonnez-moi, vous m'êtes hiérarchiquement supérieur et c'est la première fois que nous nous rencontrons. En conséquent, je ne saurais me résoudre à vous tutoyer. En revanche, vous pouvez tout de même tutoyer, je n'en ai que faire.

J'avais du mal à tutoyer les gens. Question d'éducation. Bien que je n'avais aucune aversion particulière pour mon interlocuteur, je ne le considérais pas assez proche de moi pour pouvoir le tutoyer. Ce n'était pas mon ami, ce n'était pas une personne particulièrement chère à mon coeur. Je n'avais aucune raison de le tutoyer s'il ne m'en donnait pas une plus convaincante.

- Mon nom est Castiel. Bras Droit de Linoa. Ravi de faire votre connaissance.

J'aurais également ajouté "Monsieur..." mais je ne connaissais pas son nom de famille, en supposant qu'il en ait un. Moi-même je n'en avais plus. Et je n'osais pas non plus l'appeler par son prénom.
Il fallait que j'ajoute quelque chose quand même. Je n'allais pas rester béat et silencieux à le contempler jusqu'à ce qu'il daigne m'envoyer paître ou me poser une nouvelle question. En plus, ça ne me ressemblait pas. Oui j'étais un peu bavard. Voilà qui expliquait encore pourquoi j'avais l'habitude de me retrouver nez à nez avec quelques soucis qui me dépassaient.

- Excusez mon apparition, je ne souhaitais pas vous contrarier. Si vous souhaitez que je vous laisse seul à vos activités dîtes-le sur le champ et je vous laisserais à nouveau seul.

C'était idiot de l'aborder pour ensuite proposer de me retirer mais je ne trouvais rien d'autre à dire. J'aurais menti en affirmant qu'il ne m'impressionnait. Sa prestance m'écrasait mais pas encore suffisamment pour me faire faire demi-tour. J'étais curieux de le connaître, peut-être même de l'apprivoiser un peu bien que je n'avais pas la prétention d'en avoir les capacités. Et puis, Maena n'était pas un animal. À lui de voir s'il voulait de ma compagnie ou préférait me réduire le cerveau en bouillie.
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyDim 14 Aoû - 17:25


I said I don't believe in you.


Casten. Castiel.
Castiel. J'crois qu'c'est ça.
Il a un piercing à la lèvre. J'ai jamais trouvé ça joli, dans le monde du passé. Ca a pas changé, à mon avis. J'préfère ceux à l'arcane. J'ai pas eu l'temps de m'en faire un, tant pis. C'est que j'devais pas en avoir. Ouais, j'crois en la fatalité. J'ai plus qu'ça pour me consoler l'soir dans mon lit. J'rêve plus de rien, j'espère pas grand chose. Alors quand je suis pas en train de me faire emmerder par un clochard dans un couloir pendant que je m'en fume une, j'pense à l'avenir. J'me dis que y'a plus beaucoup de choses à faire, que le temps s'est en quelques sortes arrêté depuis mon arrivée ici. Encore plus depuis ma promotion d'Elu. J'suis un taré. Mon pote Charly devrait adorer l'idée, j'suis sûr. J'aime bien rêver, pourtant. Mais j'suis plus inspiré. J'en ai ma claque de cette vie de merde. J'en ai plein les couilles de me lever avec un foutu rayon de soleil artificel dans les yeux, j'en ai marre de devoir faire exploser des crânes pour être félicité, j'en ai soupé de cette guerre de pacotille, et j'en ai franchement ras les miches de devoir porter ce putain de masque pour pouvoir pousser ma beuglante. Ouais, j'sature. Mais j'rêve pas souvent. Alors j'm'éclate pas mal.
Lui aussi, d'ailleurs. J'aime bien sa peau argenté, c'est un style. Par contre, son parfum est immonde. Puis non, tout en lui est moche. Ses cheveux sont moches, son visage est moche, son piercing est moche, sa peau et ses yeux sont moches, son sourire, outre sa mocheté, est con, tout en lui puisse sa source dans la plus néfaste des horreurs. Il est laid à en crever. Ca doit être dur de vivre comme ça. C'doit être dur de m'supporter là maintenant. Rien à carrer. L'avait pas qu'à venir me voir. J'sais pas ce qu'il cherchait en voulant me trouver. En général, les blaireaux au service de... De machin, là... Layca, ouais, ben ils restent pas des jours avec moi. 'Fin j'veux dire qu'en règle générale on a plutôt tendance à m'éviter. T'sais, celui que tout le monde craint. Celui qui s'est fait une réputation de merde. Eh bien le voilà fac à vos yeux ébahis. Génial. L'androgyne face à moi est, faut le reconnaitre, courageux. J'dirais même qu'il a de sacrées couilles à venir me chercher des poux, genre, à l'heure de la sainte clope. Il doit pas avoir peur de la tempête, ce marin. Il doit en avoir l'habitude. Il ne m'inspire rien de bon. C'est cette impression d'humidité qui m'encercle qui me donne la gerbe. La flotte, quelle invention. Si je tenais le connard qui l'a proposé au conseil général des dieux de la loose, il aurait droit à une purée cérébrale sans assaisonnement futil. Bwarf. Il venait de la mer. Il était... nieuh. J'sais pas. Différent. Ouais. Pas foncièrement différent non plus. Non, il avait forme humaine, sans réellement l'avoir. Comme s'il pouvait se liquéfier à tout instant. J'veux dire, on en voit des trucs spéciaux en traînant dans l'coin. Mais de là à rencontrer ce genre de spécimen, j'crois pas. En fait, il semble constitué d'eau. Comme s'il venait directement de l'océan. Un peu comme moi. Sauf que lui ne renie certainement pas ses origines honteuses. Je suis sûr que si on l'ouvrait, si on l'vidait, on ne verrait que de l'eau. De l'eau de partout. Il incarne mon cauchemar. Moi qui pensais que le positif de cette histoire était de ne plus rêver. Il doit me détester, c'est tant mieux. Je ne dois me lier à personne d'aussi inférieur. Ils le sont tous. Le seul qui aurait pu m'être légèrement supérieur, c'est ce mioche d'Elu primordial, mais comme c'est un mioche il ne compte pas. Après, faire peur aux autres, c'est facile. Tss. Bande de larves misérables. J'en ai marre d'être ici. J'veux bouger. Dégage, homme de la mer. J'en peux plus. J'ai besoin d'air, d'oxygène. Retire tes vagues de mon nez. Fous le camp d'ici. Par pitié.

À quoi tu penses?
À rien.
Ce n'est pas possible, tu sais.
Ah ouais. Pourquoi?
Une merveille comme toi ne peut s'empêcher de dénigrer ce qui l'entoure. Au moins cela.
Tu es chiante, Méditérrannée.
Comme toujours, mon grand. Comme toujours.


Castiel. J'parie que c'est ça.
Il est toujours là et ne bouge pas. Je voue un culte au paquet qu'il m'a offert. J'me demande bien à qui il est, j'savais pas qu'il y avait d'autres fumeurs dans le coin. P't'être qu'il est à moi, en fait. J'sais plus. J'm'en cogne. Les iris lagon m'effraient. Je sais qu'il le sait. Mieux, il vient de comprendre qu'il n'avait rien à craindre de moi. J'ai jamais osé affronter l'eau en ayant cette optique dans la tête. Rien que la frôler m'insupporte. Je n'ai jamais pu, je ne pourrai jamais. C'est ça, la fatalité. Et alors quoi? Il faudrait que je pleure? Il faudrait que je crie? Tu n'as absolument rien compris, ma parole. J'en ai marre de cette vie. J'en ai marre de devoir errer dans un couloir miteux pour fumer une seule malheureuse cigarette et au final être intercepté par le seul clampin présent à ce moment-là dans mon asile. J'en ai, si tu savais, plus rien à foutre de savoir si Layca va gagner la guerre contre Oppse, plus rien à foutre de trouver un moyen de retrouver mes souvenirs. J'ai beau tout noter, analyser chacunes des feuilles que j'accroche à la colonne en face de mon lit, rien n'y fait. Je veux sentir la pluie contre moi. Je veux la sentir contre moi, ouais. Juste elle et moi. Affronter sa morsure angevine, ses crocs empoisonnés. Me dire qu'au final, elle n'est rien face à ma souverraineté. Me dire qu'il n'y a que moi, rien que moi. Que je suis le plus puissant. Que la flaque qui se formerait à mes pieds me dise que je suis le plus beau. Haha, ouais. Que même l'eau me soit soumise. J'aimerai découvrir la vie, à nouveau. Que ce semblant de coeur dans ma poitrine s'égosille à nouveau. [Arrachez-moi la gorge, je vous sifflerai mes chansons.] J'aimerai, j'sais pas. M'instaler sur un toit et ne plus jamais redescendre. Être trempé jusqu'à m'en rendre malade. J'aimerai bien avoir la voix cassée à tel point qu'elle ne servirait ni à Layca, ni à Oppse, ni à mon microphone. J'aimerai qu'on me foute la paix, ce qui n'est visiblement pas du goût de tous. J'aimerai avoir toujours raison. J'aimerai pouvoir sourire à nouveau. J'sais pas. J'sais plus. J'aimerai juste pouvoir dire que ce que je fais me plait, le déclarer avec un rictus immense. Sans le masque qu'on me fait porter. Mais c'est beau de rêver.
J'ai mis la main dans cette énorme flaque, tout à l'heure. J'ai cru que j'allais mourir.
J'sais plus où j'suis, où j'vais. J'suis perdu. Complètement perdu.
Tu me crois si je te dis que tu me plais? Moi non.
Je sais plus ce que je dis. Fous-moi la paix.
Je pense à une mélodie douce et apaisante. Le genre de sonorité qui s'oublit dès la partition close. J'adorerai quelque chose de nébuleux, de répétitif, de comateux. Quelque son qui puisse te rendre narcoleptique, carrément léthargique. Qui puisse me calmer. Des basses sourdes, presque inexistantes, pas plus de dix notes sur toutes la partition, très calme. Celle qui faut écouter les yeux clos. Celle dont tu connais la suite avant même de l'avoir écoutée une fois en entier. J'aime les choses métaliques. Il faudrait que l'acier soit comme... fondu, dégoulinant, pour correspondre au creux de l'écoute. Quelque chose que, même si l'on entend rien, ne doit pas s'écouter à plus de trente cinq en guise d'indice de volume. Une sonate à la fois délicieuse, toutefois linéaire au possible et sans charisme aucun. Une musique électronique. Pas d'instruments réellement identifiable. Un hall, un harem naturel. Pas de fleurs. Juste des plantes. Des plantes vertes, proliférantes, majestueuses. Le genre de sylfe féérique qui donne à voir et à entendre. Le mieux, dans une pièce sombre, noire, la nuit, à la seule lueur du lecteur en marche. À demi-mot, la menace des surprises naïves. L'amertume sur la langue des regrets. Celle de la promesse rompue. Celle qui se noie entre la coupe de rouge viticole et la pâleur fantômatique d'une lune pleine dégustée contre la fausse terminaison du balcon du trente neuvième étage. Hauteur et splendeur. Celle qui est inaccessible à tous ceux qui n'ont pas de programme crypté compatible dans leur carte-mère. Disque dur faussé, rayé. Copyright enfin utile, quelque part, impossible de retrouver les mêmes tonalités. C'est ce genre de musique sur lesquelles on peut parler alors qu'il n'y a rien d'extraordinaire à en dire. Celle qui s'écoute sans piper mot, durant la saison où dorment ceux qui cherchent à survivre un jour de plus. Les yeux clos. C'est la chanson qui fait penser à...

- Pardonnez-moi, vous m'êtes hiérarchiquement supérieur et c'est la première fois que nous nous rencontrons. En conséquent, je ne saurais me résoudre à vous tutoyer. En revanche, vous pouvez tout de même me tutoyer, je n'en ai que faire.

T'es franchement chiant, tu le sais? J'aime pas ça, qu'on m'vouvoie, j'ai l'impression d'avoir soixante-dix balais passés. J'te jure que rien que pour ça tu mériterais de te fais plomber la gueule. Mais tu sais quoi? J'connais un proverbe asiatique, là, nippon j'crois, qui dit : sakasuki no naka no mangesou wo nomu. Ca veut dire "boire la lune dans une coupe de saké". C'beau, hein? En gros, c'est le fait d'être calme. Sérénité du Bouddha, tu vois. Ben mon vieux. Va m'en falloir, du saké, avec toi.
Je parie deux cent boules que c'est Castiel, son nom.

- Mon nom est Castiel. Bras Droit de Linoa. Ravi de faire votre connaissance.

Quel dieu, j'vous jure. J'suis fantastique. Ravi de même, cloporte.
Bras droit. Ca ne m'est pas si lointain, et pourtant j'm'en souviens plus. Ben, faut bien commencer quelque part, vieux. Courage. Quant à Linoa, j'ai strictement aucune idée de qui c'est. J'ai déjà entendu son nom, j'l'ai sans doute croisé des milliers de fois, mais comme j'ai une mémoire instantanée de six secondes j'sais plus. Puis j'm'en cogne. C'est toi qui m'intéresse, pas Linoa.

- Excusez mon apparition, je ne souhaitais pas vous contrarier. Si vous souhaitez que je vous laisse seul à vos activités dîtes-le sur le champ et je vous laisserais à nouveau seul.

Foutu con de tes parents. T'es pas venu m'saoûler pour finalement me foutre la paix dix secondes après, si? Alors tu restes là. Tu restes là, et tu fais pas chier. J'sais que j'ai pas besoin d'un insecte comme toi, ouais, mais bon. T'es là, tu restes. M'en fous. Tu restes là et c'est tout. Non mais tu t'es cru où, coco. Saleté. J'te hais. J'sais pas pourquoi j'te retiens. Tu m'plais. Tu m'plais pas. Tu crois que quoi? Tu sais quoi? Non, j'm'en cogne. J'suis perdu. J'sais plus rien, Castiel, plus rien. Je sais juste que j'me noie dans tes yeux bleus. J'me noie dans tes prunelles hypnotiques. Tout est corrompu. Tout est foutu, ici, avec toi. J't'implore, Castiel, j'implore tes efforts pour te débarrasser de moi. C'est un complot, c'est ça? Tu veux me tuer, en fait. C'est ça, j'suis sûr. J'en ai marre de toi. J'en ai marre de ma défensive, de ces saloperies de coquillages que tu ramènes avec toi de tous tes voyages. Je me fous de tes voiles, Castiel, alors range-moi cette embarcation. Non, je n'veux pas prendre la mer. Non, sérieux, non. J'veux pas, tu l'sais, pourquoi, Castiel. J'ai pas envie. J'en ai marre de ton écume, quand tu parles. J'en peux plus, tu m'dégoûtes. Descends de ce pont, Castiel. Descends de ce bateau et reviens sur la terre ferme. Ouais, j'suis une vache, et la terre c'est mon plancher. Mais j'en ai cure, Castiel. Je n'en ai cure, Castiel, je me fous de tout cela. J'veux juste... que tu... J'sais pas. Arrête. Arrête d'être toi-même, et sois un autre toi. J'sais pas, ouais, change. C'est mieux. Quitte l'eau pour un nouvel élément. Même l'espace d'un instant. J'ai envie de te voir, toi. Je suis las de la pluie qui t'entoure, tu sais. Disparais sans un cri. Deviens un soleil. Rien que pour moi.
Et ne mets plus jamais ce parfum, Castiel. Ca sent l'eau stagnante.

C'est dans ces moments-là qu'on a besoin de contact.
Je ne sais plus à quoi l'on pense après cela. Juste une espèce de chagrin, de mélancolie. Aucune idée. C'est le genre de moment où l'on sait qu'être seul ne fera que nous enfoncer un peu plus dans ce spleen qui envahit notre univers. Point de suture sur les plaies béantes. J'en tremble. J'en tremble, et je sais que ça ne passera pas avec le temps. Castiel, toi qui viens de la mer, dis-moi ce qu'elle est. Conte-moi les vagues, songe-moi l'écume, rêve-moi les voiles, fabule-moi la brise. Je t'en prie, Castiel. Toi qui me fait si peur. Toi qui me tient en haleine, toi qui possède des hanches si fines pour un mousse. Toi, l'homme de fer, argenté et pourtant volatile. Je trembles, et toi tu attends la réponse à ta question. Je ne sais quoi te dire, Castiel. Je n'ai plus aucune idée de ce dont j'ai besoin ni de ce qui puisse me faire envie en cet instant. Quoi, tu attends? Par tous les saints, attends donc. J'en ai rien à foutre, de toi. Tu ne peux que m'obéir, de toutes façons. Tu es sous le charme de ma voix. Personne ne peut en réchapper. J'ai froid. J'ai horriblement froid. C'est une période glacière. Mes ongles sont bleus. Mes yeux se plantent dans tes phosphorescents. Je sais plus ce que je fais, pose plus de questions. J'suis même plus sûr de tout comprendre. J'comprends plus rien, c'est foutu. Tais toi, putain. Tu fais mal au crâne. Je ne suis qu'un pauvre malheureux petit androide paranoïaque. Je suis le plus merveilleux des pauvres malheureux petits androides paranoïaques. J'dois faire quoi. Te serrer dans mes bras, te tuer? J'en sais quoi, moi. Conjure le sort, Maena. Tu n'peux faire que ça. On te fuit. Tu es un monstre. Tu es une enflure crainte, faisant fuir tous ceux qui te connaissent. Tu sais quoi? J'suis un foutu paumé. J'comprends plus rien, eau. Tu ne sens pas comme Méditérrannée. D'où tu viens, coquin? Quand j'aurai pris le contrôle de cette galaxie de fous, tu seras le premier à sentir ton encéphale clamser contre le mur. J'sais plus quoi faire, Castiel. Tu m'écoeures et me chagrines, me troubles et m'intrigues. J'en ai marre de toi. Alors comment se fait-il que je te souris de la sorte? Comment ça se fait que je t'attrape à nouveau par l'épaule en te donnant de petites tapes amicales, et que je m'approche de toi comme si on s'connaissait depuis toujours?

- Ravi de te connaître, Castiel. Je suppose que je n'ai pas besoin de me présenter, mais si tu pouvais faire au moins l'effort de m'appeller par mon prénom, ça m'éviterait de te buter accidentellement...

Pourquoi je ris? Pourquoi je veux que tu puisses rire avec moi? Pourquoi j'ai peur d'avoir été trop brutal? Pourquoi je regrette? Pourquoi j'ai envie d'être avec toi? Pourquoi je ne fuis pas en t'exorcisant de toutes mes forces tout simplement parce que ton parfum colle parfaitement avec celui des plages dont j'ai horreur? Pourquoi tout cela me paraît aussi normal? Pourquoi j'ai l'impression de me changer en Bisounours? Pourquoi j'ai pas envie de te laisser partir?

- Et tu peux rester, tu sais. J'ai peut-être pas d'coeur, mais j'suis pas tout à fait un monstre.

Mon unique oeil se plisse. Je me sens sourire comme un fou sous le masque. Tu parles d'une vie, toi, j'sais même plus ce que je fais. En tout cas, je lui lâche l'épaule. Il serait temps, j'ai l'impression d'être trempé. J'suis foutu, mec, foutu. Je pose mes poings sur les hanches. C'est nouveau, ça, tiens. Et je soupire. Ouais, voilà, là j'veux bien. Je sais que c'est le moment où la solitude n'est pas la solution. Il me faut juste... un peu de compagnie. Une toute petite compagnie. Et il a fallu que ça tombe sur le seul mec à transpirer l'eau à des kilomètres à la ronde. J'te jure, c'est vraiment la crise.

- Ca te dit de bouger de là? J'ai envie de m'balader dans les couloirs. On peut faire connaissance, comme ça.

J'suis taré.
Tu as juste besoin de te poser un moment et de boire un verre, Maena. À force de vivre reclu, tu t'en fais mal.
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyMar 6 Sep - 18:41

All is well.
Je te regarde, tu me regardes. Ça n'en finit pas.
J'avais souvent entendu ce vieux dicton qui disait que les yeux étaient le miroir de l'âme. Je suppose qu'il tire sa signification dans le fait que le regard d'une personne reflète généralement ses émotions. Or, dans les yeux de Maena je ne voyais que... du vide. Un vide agressif, démesuré et étrangement bleu. Comme si je me tenais sur le bord d'une falaise, prêt à sauter à la différence que le ciel se trouvait sous mes pieds. Il me donnait le vertige. Pourtant je n'avais pas peur de l'altitude. Pourtant j'aimais le bleu. Alors pourquoi je me sentais inexorablement pris au piège dans l'azur de ses prunelles ?
Je suis une fourmi. Un tout petit insecte perdu dans un désert bleu. J'aurais beau en retourner tous les grains de sable, je ne suis pas sûr d'y trouver autre chose que du céruléen. J'aimerais bien qu'il s'illumine un peu ce désert. Pas d'une lueur violente, intimidante, colérique. Je parle d'étoiles. Je voudrais un peu d'étoiles dans ce désert. De la douceur, un peu d'apaisement, de sérénité et peut-être même un semblant d'allégresse. Il me semble qu'il est bien sec de gaieté ce paysage.
J'avais peur. Mais j'avais de la compassion en même temps. Toujours de la compassion pour ceux à qui les miroirs de l'âme avaient des reflets de vide.

Je tremble. Tu sembles trembler aussi.
Il faisait froid dans les couloirs de Layca. Je ne savais pas si c'était la température ambiante ou la majesté du personnage qui se tenait devant moi qui me donnait la chair de poule. J'avais la sotte impression que lui aussi était tétanisé à sa façon. Je le sentais. Vaguement. Comme s'il était en proie à un conflit intérieur. La façon dont il me dévisage, dont il me parle, dont il se tient. Quelque part, il a envie de m'écraser, de me réduire en grain de sable et de l'autre, il ne veut pas me faire de mal, être craint. Être solitaire ? Son masque était si laid, si menaçant à contrario de la figure qu'il dissimulait. Était-il possible que derrière le désert de ses prunelles se cache une âme incroyablement pure et admirable ? Je ne savais pas. Je voyais du bien et du beau partout, dans chaque recoin, dans chaque parcelle de chaque chose. Je suis d'un optimisme navrant, d'une idiotie sans bornes et doublé d'une fabuleuse naïveté. Mais j'étais ce que j'étais. Le bon petit samaritain qui tendait les bras et la joue à tous en fermant les yeux sur les sacrilèges humains. Vous pensez que notre Père Belzeneff qui est aux Cieux - ou sous terre, ou dans la mer, ou au fond d'une grotte ou même sous ma semelle droite après tout - ait un jour souhaité avoir un fils ? J'aurais du m'appeler Jesus. Je vais demander à Kamui de me rebaptiser. Jesus Castiel. Ou Jesustiel. Ça sonne bien non ? Logiquement, Layca et Oppse avaient tous deux des fils, à la différence que l'un d'eux était bien loin de répandre la bonne parole, donc pourquoi pas Belzeneff ? Mais je voyais mal Belzeneff en bon dieu miséricordieux. En fait j'avais du mal à croire qu'ils étaient tous des Dieux ces trois drôles-là. Sans doute parce sur Terre j'étais un fervent chrétien et j'avais du mal à assimiler la possible existence d'autres divinités, surtout quand celles-ci se gorgeaient du sang de leurs enfants en les jetant dans une guerre illogique et impitoyable. Ah, je m'égare encore !
Je restais là, droit, la figure sereine tandis que mon esprit était toujours divisé entre un besoin urgent de fuir ce potentiel prédateur et un désir paradoxal de me livrer en pâture à la bête. Ma réponse semblait l'agacer. J'ai toujours été d'une politesse énervante. L'aurais-je un peu plus offensé en plaçant cette révérencieuse barrière invisible entre nous deux ? Oui je m'étais rapproché de lui, physiquement, mais j'avais gardé mes distances en continuant de le vouvoyer. Je me disais que c'était par habitude quand inconsciemment ce devait être un effet de ce qui subsistait de méfiance en moi. Si je n'avais pas la force de le repousser s'il m'agrippait à nouveau je pouvais toujours m'éloigner mentalement parlant. Comme si c'était censé être rassurant comme raisonnement... En tout cas, je n'avais nullement l'attention de le froisser, ce pourquoi je m'efforçais de rester souriant. J'étais aimable mais pas forcément abordable. Il me fallait encore un peu plus d'assurance, un peu plus de confiance en ce curieux personnage. Je ne laissais pas n'importe quel navire s'égarer dans les océans de mon être.

Je suis figé. Tout comme toi. Pour l'instant.
Je continuais à contempler sa figure, émerveillé, fasciné, mitigé. Toi qui regarde dans mon miroir : es-tu aussi confus par ce que tu y observes ? Je me demandais s'il me prenait pour un niais petit pion trop bien éduqué ou quelque chose dans le même genre.
Il y a eu ce moment de silence. Nous nous sommes regardés, yeux dans les yeux. Bleu dans le bleu. J'en aurais presque vu mon propre reflet dans les miroirs de ses pupilles. J'en avais presque le tournis. On se croirait dans un mauvais roman. Cette rencontre, ce tête-à-tête avait tout d'une mise en scène caricaturale et pourtant c'était la réalité : c'était bien la première fois que je tombais sur une personne aussi... mirifique. Ça pourrait durer des années, je ne m'en rendrais pas compte. Je suis en train de me perdre dans ton désert bleu. Je voudrais ouvrir la bouche, rajouter quelque chose, ne pas rester pétrifié devant la magnificence de cet Élu mais je n'y arrivais pas. Les mots me manquaient. Il faudrait que je baisse les yeux. Ce n'est pas convenable de fixer quelqu'un d'une telle façon. Mais je n'y arrivais pas.

Soudain, comme pour me tirer de son emprise, je le sentis tapoter contre mon dos. Gentiment cette fois. Le contact de sa paume contre mes omoplates me ramena brutalement à la réalité. Je battis des cils un peu abasourdi, comme une demoiselle qui vient de rencontrer son Prince Charmant et tira un sourire franchement amusé par ma balourdise, agréablement surpris par ce geste qui se voulait sympathique bien que mon corps s'était raidi par automatisme. Il voulait bien de moi en sa compagnie. Quel soulagement. Enfin, ça n'a pas duré longtemps. Jusqu'à l'entente des mots « buter » et « monstre » en fait. « Ravi de te rencontrer ». Ça avait pourtant bien commencé. Mais je supposais qu'il était ironique. En tout cas, même ce qui pouvait sembler être des menaces sonner merveilleusement bien dans le ton dans sa voix.

- Aha... J'avais lâché un semblant de rire gêné. Je l'admets, j'ai toujours du mal à faire la différence entre le premier et le second degré, surtout chez les personnes que je ne connaissais guère. Je ne savais pas si je devais interpréter littéralement ses paroles ou non... Bon de toutes façons, je n'avais aucune idée de quel pouvait bien être son patronyme.
Quel est ce soupir ? Mais je n'ai rien dit encore ! L'aurais-je déjà déçu ? Pourquoi est-ce que je stresse autant ? Ça ne me ressemble pas. Enfin pas trop. Il faut dire que je n'ai pas croisé beaucoup de gens capables de me faire sauter la cervelle en quelques secondes dans la forteresse. Ma nervosité pouvait donc être excusée, non ? Ah d'accord j'étais ridicule. Je passais une main à l'arrière de mon crâne et remettais une énième fois en place quelques mèches charbons en essayant de me détendre et de trouver une réponse pas trop débile à lui fournir. Mais, devinant sans doute mon anxiété, il me proposa une balade dans les couloirs. « Pour faire connaissance ». Ah flûte. Il essaye d'être amical et moi je suis trop cruche pour lui rendre la pareille. Vraiment Castiel. Prenant mon courage à deux mains, je débitais enfin quelque chose d'intelligible :

- Oh, biensûr ! Je serais honoré de vous tenir compagnie ! C'est la première fois que j'ai l'occasion de vous parler ! En ce moment les autres Élus ont l'air débordé je ne les vois plus trop. Surtout ma Linoa mais ça ne change pas car elle n'est jamais à la forteresse. Mais cela fait un moment que je n'ai pas eu de discussion avec Kamui. J'espère qu'il va bien... C'est minable. Il va me haïr. Je viens de le réaliser. Je m'arrêtais un court instant et repris aussitôt, soucieux de ne pas couper mon élan maladroit pourtant plein de bonnes attentions. Er, pardonnez-moi je radote. Arrêtez-moi tout de suite quand je pars dans mes divagations. Si possible sans me faire sauter la cervelle, merci.
Ha de l'humour ! Nul ! Il ne manquerait plus que je me mette à parler du beau temps. Là je toucherais enfin le fond.
Voilà je suis encore plus mal à l'aise maintenant. Je triturais mes doigts puis lui fis un geste de la main, l'invitant à marcher à mes côtés. Où ça ? Je ne savais pas trop. Nos pas se mirent à résonner sur le marbre des couloirs, entrecoupés par le cliquetis de mes chaines puis le son disgracieux de ma voix. J'essayais de me rattraper aux branches. Ou aux racines. Au choix :

- J'aime bien la forteresse la nuit. C'est... apaisant. Enfin jusqu'au moment où l'on tombe sur une pipelette comme moi, bien entendu. Je dors plutôt mal dans les dortoirs, donc plutôt que de me tourner et me retourner sous ma couette je me me ballade dans le coin. Et vous, Maena ? Il ne me semble pas souvent vous avoir croisé au cours de mes périples nocturnes. Bien que je dois admettre que je ne passe pas souvent pas cet endroit. Normalement je me dirige plutôt du côté des cuisines.

Voilà, comme ça les prochaines fois il saura où aller pour esquiver un boulet comme moi. C'est pas possible. Dites quelque chose Maena, coupez-moi la parole, frappez-moi - enfin pas trop fort s'il vous plaît -. Sauvez-moi ! Empêchez-moi de me noyer et de vous inonder par la même occasion dans ce flot d'absurdités vaseuses.
Quelle situation grotesque. Je voudrais que le sol se collapse à mes pieds et m'emporte avec. Pourtant, j'adorerais « faire sa connaissance. Maintenant, je crois que de son côté, ce n'est plus vraiment le cas. Mais je suis censé lui parler de quoi ? Je fais la couture, la cuisine et le ménage toute la journée. Je ne me bats jamais et je ne démembre personne... La dernière fois où je me suis querellé avec quelqu'un ce fut en courant après une souris qui m'avait volé une aiguille dans la cuisine. Et c'était une des créatures de l'adorable Jerry. Et en plus c'était plus une poursuite amicale qu'autre chose. Maintenant que j'y pense, ma vie est palpitante.
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyDim 11 Sep - 22:10


Notre seul point commun, c'est le lit.


- Oh, bien sûr ! Je serai honoré de vous tenir compagnie ! C'est la première fois que j'ai l'occasion de vous parler !

Je serai honoré de TE tenir compagnie. Que j'ai l'occasion de TE parler. Putain, j'comprends pourquoi tu m'la jamais tenu, la compagnie.
Il est si niais. C'doit être invivable, à force. Toujours sourire, toujours rire. J'sais pas. Moi j'serai chié à un moment ou à un autre. Ou sinon il a toujours été comme ça, ce qui n'est pas forcément mieux. Il est tout gêné. J'l'impressionne. Ca fait ça pour tout l'monde. On voit qu'il n'a pas l'habitude de parler avec un tueur. C'est une faiblesse minable. Il n'a aucun cran. C'pas lui qui ira hausser la voix pour être entendu. Castiel, j'suis sûr, c'est le genre de type à se laisser écraser, du moment que rien ne changera. On peut bien le faire chier au maximum, du moment qu'on touche pas à son super Elu de la mort ou qu'on lui fout la paix cinq minutes avant de reprendre, il dira rien. C'est insupportable. J'aime pas ces gens, trop cons pour gueuler quand il le faut. Soumis de base. J'peux pas. En plus... merde, quoi. Il sent la flotte ignoble de la mer. Salée, âcre. Mais comment il fait pour pas être énervé rien qu'à cause de ça, quoi! Bwarf, j'sais pas. C'est un fou. Vraiment Castiel. T'es un cas, dans ton genre. Mais t'es pas méchant. T'es pas méchant pour deux balles. Toi, tu sais qu'on peut te faire confiance et les autres le savent aussi. Tu n'as rien à devoir à personne, t'es un homme de parole. Même si t'es sage, tu restes utile. J'sais pas à quoi, vieux. Mais t'es là. Et si t'es là, c'est qu't'as forcément une fonction. J'm'endors, avec toi. Et crois-moi, loin de moi le négatif. Ca fait des jours que j'ai pas dormi. J'cauchemarde, maintenant. J'vois des scènes atroces, Castiel. J't'ai jamais vu. Quand j'y pense, j'suis heureux. J'aimerai pas te voir en dehors de ce monde, Castiel. Ce qui se passe dans mon crâne est trop ignoble pour toi. Tu ne mériteras jamais ça. Tu es si bien comme tu es, Castiel. Ne sois pas honoré d'être avec le monstre que je suis. Ne le sois jamais.

- En ce moment les autres Élus ont l'air débordés je ne les vois plus trop. Surtout ma Linoa mais ça ne change pas car elle n'est jamais à la forteresse. Mais cela fait un moment que je n'ai pas eu de discussion avec Kamui. J'espère qu'il va bien...

Ah, ce Kamui. Ce gosse. Lui et sa gueule de merdeux. On l'sait, qu'c'est un bisounours, Castiel. En plus, c'est l'morveux d'Layca. Alors tu vois, intouchable, je sais. J'espère qu'il se fera descendre durant sa prochaine mission. C'est tout ce que j'lui souhaite. Mais bon, ça n'arrivera pas, c'est super Kamui. Tout comme Linoa c'est super Linoa. C'est bon, j'le sais. Tu connais qui, encore? Enfin, tu les connais tous, j'suis con. À côté de toi, j'suis pas foutu de retenir les prénoms. Les Elus? J'sais même plus qui c'est. J'te dis, y'a que moi. Y'en a beaucoup, encore, des surpuissants? Parce que franchement, merde. Je sais qu'ils sont tous parfaits. Vous l'êtes tous. Au nom de Layca, hein. Pour la justice. Mon cul. Blaireaux, j'te jure. Vous ignorez jusqu'au but de cette guerre, j'en suis sûr, et vous prétendez être fantastiques. Vous vous trémoussez comme des gnufs et ne l'ouvrez jamais. Comment pouvez-vous ne serait-ce que vivre de la sorte, j'pèterai les plombs à votre place. Enfin. Vivez comme vous le sentez. Et toi, Castiel, tu as le devoir de m'apprendre tous les noms de gens que tu connais. D'ailleurs, t'as pas l'air au courant. Y'a des missions, en ce moment, pour les Elus et pour les autres gens. Et sont tous partis, les vieux. Ah. Pourquoi j'suis pas avec eux. Hé, si j'suis blessé ils me laisseront crever. Tant qu'à faire, j'aime mieux être seul. Ah ouais, puis aussi j'ai pas la foi et j'suis une feignasse. Qu'est tu veux, on est pas tous parfaits.

- Er, pardonnez-moi je radote. Arrêtez-moi tout de suite quand je pars dans mes divagations. Si possible sans me faire sauter la cervelle, merci.

C'est mieux quand c'est toi qui parle, Castiel. Quand j'l'ouvre, c'est pour gueuler. Toi, tu partages. Tu envoûtes, quelque part. Pas que ça me plaise, vas pas te faire d'idées. C'est ta symphonie. C'est t'avoir à côté de moi. T'as pas à avoir de complexes, toi. Celle qui te maintient en vie, c'est celle qui cherche à me tuer. Il n'y a qu'à côté d'elle que j'agonise, Castiel. Et elle semble t'adorer. T'es dégueulasse, en fait. Mais vraiment. Et t'arrives à vivre dans ta crasse. J'sais pas comment tu fais, ça m'dépasse. Je suis sûr qu'elle t'empêche de dormir. C'est pour ça que tu es là. Ou sinon, c'est qu'elle aime m'emmerder, plausible aussi. Un jour, essaye de t'en débarrasser. Tu reviendras me voir. Je veux pouvoir te toucher sans avoir l'impression de me noyer. Tu me fais signe d'avancer. T'es pas timide, juste mal à l'aise. N'est-ce pas, Castiel? C'est quoi qui te gêne à ce point? Moi? Non, avoues que tu te fous de moi. Je suis rien pour toi, j'le sais. Tu n'sais pas ce que tu rates. Alors c'est quoi? Qu'est-ce qui te fait baliser? Mon masque. J'suis sûr que c'est ça. Tu penses que j'fais sauter les crânes comme je veux, et t'as pas tort. Je te souris, Castiel. Tu sais reconnaitre tes faiblesses, tu sais te soumettre. Moi-même j'en suis incappable, alors tu vois. Tu vaux mieux que moi, Castiel. Sur quasiment tous les plans. Alors ouais. Peu importe ton style, je tue comme je respire. Mais j'suis pas un monstre. Pas tout à fait. J'suis pas un monstre. Et je ne tue pas ceux qui me surpassent, Castiel. Je ne tue pas mes rivaux avant de les avoir dépassé. Et toi, vu comme c'est parti, je n'te dépasserai jamais.
Tu baisses les yeux, on avance. On approche de ma zone, sans bien s'en rendre compte. Tu ne le sais sans doute pas, mais je te regarde. Tu es plus petit que moi, c'est drôle.
Je souris comme un demeuré. L'eau grille le cerveau, à ce qui paraît.
Tu fais quoi, dix centimètres de moins que moi? C'est comique. Je te regarde comme je regarderai mon frère. Tu es si petit, Castiel. Si petit.
Et je souris comme jamais je n'aurai pensé sourire. Je suis horriblement jaloux.
Tu joues avec tes doigts. Tu ne sais pas où te mettre. Tu me crains, tu as peur du faux pas. J'suis pas devin, c'est toi qui ne sait pas mentir. Du moins pas à ce sujet. Moi. C'est quoi, l'sujet, Castiel? On parle de toi. C'est toi, l'sujet. Pas moi. Tu imagines, Castiel? Tu me... Tu... L'enfoiré. Même, toi et ta connasse. Vous... chié. J'ai pas la foi. Là, je ne pense qu'à toi. Tu m'apaises. Ton courant est doux, Castiel. Même ton nom sonne bien. Bon, le mien est toujours plus beau, mais je ne peux pas t'en vouloir. Toi non plus, d'ailleurs. C'est parce que tu fraternises avec l'ennemi, Castiel. Tu serais parfait, si seulement tu n'étais pas aussi proche de l'humidité. Elle ne te fait pas peur? Tu sembles même la dominer. Tu es immonde, Castiel. Jamais je n'changerai d'avis. C'est si laid. Tu es le calme que je n'aurai jamais. Tu m'as volé le peu de tranquilité dont on m'a affublé. Tu n'es qu'un salaud de partisant. Tu n'es qu'une enflure, Castiel.

- J'aime bien la forteresse la nuit. C'est... apaisant. Enfin jusqu'au moment où l'on tombe sur une pipelette comme moi, bien entendu.

C'est vrai que t'es un boulet. À débarquer comme ça sans prévenir. Mais bon, t'offres des clopes. Vu les temps qui courent, j'pense que beaucoup aimerait te rencontrer la nuit. Puis même, Castiel. Tu ne t'en rends pas compte? T'es tellement niais, c'déprimant.
La forteresse la nuit, c'est apaisant.
La forteresse la nuit avec toi, c'est l'Eden.

Je n't'écoute plus, Castiel. Tu me fais chier, à parler. Mais j'aime savoir que tu parles. Entendre, ouais, ce serait mieux. M'en fous. 'Fin, j'aurai pu être poli, t'as vu. Ben même pas. Dis, Castiel, toi qui baise l'eau quand tu veux, tu sais ce que ça fait de se noyer? Moi, j'sais pas. Enfin si, je sais. Mais je sais pas non plus, j'suis jamais allé jusqu'au bout. J'crois pas. C'est ignoble, de se noyer. Le liquide qui t'emprisonne, tes poumons qui se saturent, ton corps qui s'engourdit, tes défenses qui s'amenuisent. Tu te vois mourir, Castiel, quand tu te noies. Je ne veux pas connaître ça. Pourtant, j'ai l'impression de le vivre, à côté de toi. Je sais que je marche. Je sais que j'n'ai rien à craindre. Je marche à côté de toi. J'sais que tu m'laisseras crever si j'suis blessé, ça changera pas. Même si j'me noie, de toutes façons. Tu me noies. Pas seulement sous tes paroles inconscientes. Tu me noies, tu m'étouffes. À côté de toi, je suis malade. J'aime pas être à côté de toi, et j'y reste. J'ai pas peur non plus. Si je n'y étais pas déjà, j'irais volontiers. J'dois être maso, quelque part. Et franchement, j'assume. J'assume entièrement. Pour rien au monde je partirai. J'suis trop bien, ici. Vraiment.

- Et vous, Maena ?

Et TOI, Maena. Ouais. D'ailleurs, et toi, Maena? Qu'est tu vas foutre, maintenant, vu que t'écoutes que dalle, hein? Non mais j'te jure, les jeunes. C'que j'peux être con, des fois. J'sais pas c'que j'vais répondre. Moi j'te r'garde. Ca m'suffit, jusque là. Bon. Admettons que tu finisses ta tirade dans moins d'une minute. Dans l'éventualité que tu te la fermes moins d'une demi seconde, j'pourrai en placer une. Putain, j'ai pas intérêt à rater mon coup, sinon il va me raconter toute la nouvelle bande dessinée Picsou et là j'serai foutu.

- Cuisine... Viens. J'vais te montrer quelque chose.

Bravo, vieux. T'es génial.
J'accelère le pas, ne le regarde plus. J'espère que personne ne l'a vu. Mais non, personne l'a vu. Personne ne voit jamais rien, de toutes façons. Puis même, si quelqu'un l'a vu, il n'aurait pas osé y toucher. Si c'est à Maena, c'est presque -voire plus- sacré qu'Layca. On touche pas. C'est trois étages plus haut. Niveau du carrefour. J'appelle ça comme ça parce que y'a toujours au taqué de monde. Ben, en général, les dortoir ssont pas loin et t'es obligé de passer par là pour aller dans les salles principales ou les bassins. C'toujours blindé, c'est comique. Je cours presque, mais j'entends ses pas à proximité. Ca va. J'm'en voudrais de le laisser seul. Attends... J'ai dit quoi, là? ... Non, j'ai pas dit ça, quand même. Puis attends, comment j'lui ai parlé pour de bon ça fait trop pédophile! J'suis taré, moi! Et pourquoi j'm'excite autant? Mais j'm'en cogne, de lui! Putain, Maena, qu'est tu nous fait, ce soir? Tu parles, c'pas grave. Non, c'pas grave. T'as déjà courru comme un ninja, Castiel? C'est très con. Tu courbes le dos, tu le penches, tu laisses tes bras se balancer en arrière, tu lèves la tête, tu regardes au loin... Et tu montes les escaliers à fond de boîte.
Si Morphée ne t'aime pas, Castiel, c'est parce qu'il est en toi. Morphée ne s'endort pas. Il n'a pas besoin d'une attention pareille. Morphée, il endort les gens. Il leur apporte la paix. C'est noble, tu trouves? Ouais, pourquoi pas... Quoi, tu attendais que ça aboutisse à quelque chose? Mais j'disais ça comme ça, qu'est tu croyais?
On est arrivés. Enfin, j'suis arrivé. Mais il est pas très loin. Tant mieux. Face à moi, un matelas, un oreiller, un drap. Un lit tout bien fait. C'pas moi qui l'ai fait, j'aime pas faire mon lit. Par contre, c'est moi qui l'ai foutu en plein milieu du carrefour pour faire chier tout le monde le matin. Quoi, c'est cruel. Layca donne pas de chambres individuelles où dormir, j'm'en trouve une. Et la nuit, y'a personne. T'es tranquille. Pareil le matin, y'en a pas un pour te fait chier, vu que tu dors sans masque. Ah, c'est beau la vie. Je garde le visage en direction du pieu. Il est bien, mon pieu. Mais merde, j'trouve ça affolant...

- C'est mon coin à moi. Et tu vois, j'sais pas qui vient s'emmerder à faire le lit tous les matins, mais il est trop con vu que quoiqu'il arrive j'le défais. Ca sert à rien, ce qu'il fait, c'crétin.

J'commence à rire. Je le sens à côté de moi, alors je viens à la rencontre de son visage. Bizarrement, il ne sourit pas comme d'ha... Oh merde. Non. C'pas possible, m'dis pas q... non. Le con. Le con. Oh la boulette. Merde, j'suis censé dire quoi, là? j'peux même pas m'excuser... Putain, le con de moi, j'y crois pas. Bon. Zen, Maena. Pas grave, hein, pas grave. Ok... Je tousse. Discrétion zéro, vieux. J'suis plus à ce détail près remarque. Mais j'pouvais pas savoir qu'il jouait la femme de ménage, merde! C'pas ma faute! Pourquoi les accidents de la loose, ça tombe toujours sur moi. Rah puis merde. J'm'affale comme une merde sur le matelas, et je chope mon oreiller. J'suis pas bon hôte. J'ai jamais l'occasion de l'être, alors forcément. Je fouille l'intérieur de mon coussin pour les trouver. Et j'les trouve. Deux barres de céréales au chocolat. C'est pas du caviar, mais c'est la classe à une heure pareille. J'me redresse et lui en tend une. J'suis pas un monstre.

- Tiens, c'est pour toi. Tu peux aussi t'asseoir, s'tu veux. Et tu as des yeux presque aussi beaux que les miens.

Fallait bien que ça sorte.
Je suis pas un monstre. Et toi, tu sens l'eau, mais tu n'es pas Poséidon. Je dois rougir. Enfin, j'ai chaud sous le masque. C'est l'un des rares moments où j'peux l'enlever, et j'suis avec un connard qui pourra pas y résister. Pareil, j'pourrais enlever deux minutes les bandes pour les changer, mais non. Il les verrait. Et imagine s'il les voyait. Maena le balafré. Maena le difforme. Putain. Je te regarde en contre plongée. Tu es grand, d'un coup, tu sais.

- Dis-moi, à part faire des lits, tu passes tes journées à quoi faire? Non parce que perso, j'me fais chier comme un rat mort.

Voilà, cash. La subtilité, c'est pour les gonzesses.
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Le spleen de l'océan

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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyLun 26 Sep - 6:39

In the darkness of the lake.
Ça grinçait des dents dès que ça entend un « vous ». Pardon ? Je voyais bien qu'il n'appréciait pas du tout de se faire vouvoyer. Mais vraiment pas. Pourquoi ? C'est si laid que ça un « vous » ? Oh je vois. C'est encore moi. C'est ma voix. Des sirènes je n'en avais que l'odeur d'humide et les iris abyssales. Ma voix, je la sentais écorchée sur les coraux, rongée par le sel et cassée entre les va-et-vient de l'océan. Et en toute logiquement, ça me mettait encore plus mal à l'aise. Parce que chaque son sortant de ma bouche sonnait comme un grognement difforme en comparaison des mélodies prononcées par l'Élu. En plus, ces phrases superflues, ces bruits agaçants qui s'échappaient de mes lèvres résonnaient sur le marbre des couloirs, ricochaient sur la pierre et me revenaient en pleine figure. Aïe, ça fait mal. Mais en même temps je préférais m'assommer avec mes propres mots plutôt que de laisser le silence de la forteresse nous engloutir.
Ça en devient ridicule quand même. Je veux dire, encore plus. Cet espèce de malaise qui nous séparait. Ou alors qui me séparait. Je ne savais plus trop. J'avais un peu l'impression qu'il s'était détendu. Il a du réaliser que je suis un idiot pas fini. Ça ne mord pas un idiot. Nous les naïfs crétins bavards sommes une espèce rare d'individus totalement inoffensifs. La plupart du temps. Mais jusqu'ici je n'avais jamais considéré l'idée d'attaquer un coup de dents une personne vivante. Je n'étais donc pas dangereux et ça devait le consoler. En même temps, de base, je n'avais pas l'air agressif. Bon alors ça devait le rassurer de réaliser que lui au moins n'avait pas une voix immonde avec laquelle il comblait pathétiquement le vide sonore ambiant.
Mais bon. De quoi me plaignais-je ? Ça m'allait très bien. On peut être un crétin mais un crétin heureux. Oui. J'étais pas si mécontent d'avoir quelqu'un pour me tenir compagnie dans mes divagations nocturnes. Surtout que cet Apollon-là, ce n'était pas seulement un quelqu'un ordinaire. Il avait vraiment quelque chose de particulier. Comme un champ magnétique. Il attirait et repoussait en même temps. Je crus le voir sourire. Si ce sourire n'est pas un mirage alors, j'étais un crétin heureux. J'aimais voir les gens sourire. Ça me faisait sourire aussi par un mécanisme d'automatisme un peu débile. Oui, le sourire était contagieux, comme le rire ou le bâillement. Et j'étais très sensible au sourire. Alors naturellement, mes lèvres s'étaient un peu plus étirées et je m'étais un peu détendu moi aussi avec ce sourire de crétin heureux qui avait remplacé mon sourire de crétin gêné.

Vint alors la question fatale. « Et vous Maena ? ». Je sais. Ma voix fait un peu mal et le vous aussi. C'était un peu bas comme coup. Je renvoyais la balle. À votre tour Maena. Vous n'aurez pas de mal à faire la conversation, vous dont la voix ferait tomber les anges. De plus, vous ne me semblez pas être un idiot. Loin de là. Mais j'avais besoin de reprendre mon souffle, avaler un peu ma salive. Je n'allais pas parler tout seul pendant vingt minutes entières, si ? D'abord, s'il voulait s'exprimer, il me fallait m'arrêter et lui tendre une perche. Le sujet était tout ce qu'il y avait de plus ordinaire. Pas vraiment très intéressant. Même pour la commère que je suis. J'avais rajouté deux phrases histoire que la question passe un peu mieux et puis je m'étais tu.
Moment de vérité ? Allait-il m'envoyer paitre ? Me faire comprendre que je parlais trop ? Rester muet ? Ou bien me sortir une réplique absolument banale et après j'enchainerais sur une conversation encore plus banale, puis on finirait par devenir meilleurs amis du monde et gambader dans les corridors main dans la main en gloussant comme deux midinettes jusqu'à ce que les rayons du jour ne viennent ensoleiller nos yeux bleus d'océan et de désert. C'est beau l'imagination.
Je disais donc, que Maena allait me répondre. Ma respiration sembla s'arrêter l'espace d'un quart de seconde. Ou bien était-ce le temps qui s'était arrêté ? Je crus que tout mon corps s'arrêtait, essayant de se préparer au son de la voix mirifique qui allait hypothétiquement sortir de la bouche magnifique du visage sublime de ce personnage fabuleux du nom de Maena. Moi qui avait un peu réussi à me relaxer, c'était un peu nul de me raidir à nouveau, là d'un coup, comme ça.

« Cuisine… »
- Cuisine ? Oui ? Quoi ? Que ? Il manque pas un morceau de phrase là ? Un frisson me parcourut. Comment ça, il allait me « montrer quelque chose » ?
Il ne me laissa pas le loisir d'acquiescer ou même de me faire la remarque comme quoi c'était un peu tordu comme réponse et que ça faisait même très mangeur d'enfants - attends je ne suis pas un enfant, je suis même un des plus vieux Laycaïstes même si on ne dirait pas - qu'il se remit en marche. Et je jure qu'il me semblait qu'il avait accéléré le pas. Ça devait vouloir dire qu'il ne voulait pas que je lui réponde une autre ânerie. D'accord.
Je me hâtai de le rattraper à grandes enjambés mais curieusement, plus je me rapprochais, plus il marchait vite. De ce fait, je restai toujours derrière. Il voulait pas de moi ? Mais pourtant j'avais bien entendu un « Viens ». On aurait quand même dit qu'il essayait de me semer. Mais moi on ne me berne pas si facilement ! Je n'allais pas le laisser s'échapper comme ça ! Poussé par la curiosité, ce fut à peine si je remarquai que je m'étais mis à courir et bientôt nous nous retrouvâmes à galoper entrer les piliers au beau milieu de la nuit comme deux garçons venant de faire le mur. C'était presque comme dans mon délire non ? En plus viril, sûrement.
Je suis pas ami avec les escaliers. Que ce soit pour monter que pour descendre. Mais surtout pour descendre en fait. Ceci dit, il y a une catégorie d'escaliers que je déteste par-dessus tout : les escaliers en colimaçons. Ceux qui tournent, tournent et tournent jusqu'à l'infini, qui résonnent devant, derrière, au dessus, en dessous de toi et tu sais jamais quand ça va s'arrêter, quand tu atteindras le bout. J'avais eu une certaine impression en apercevant la silhouette de Maena s'engouffrer dans les marches, toutefois je ne comptais pas m'arrêter après un si beau début de course. Je perdis rapidement le compte des marches, puis des étages. Mon coeur s'emballait dans cette course infernale et je voyais les marches défiler sous mes propres pieds au fur et à mesure que j'essayais d'accélérer l'allure pour le rattraper dans une cacophonie saccadée de bruits de pas. Cependant j'étais pas si mal que ça. J'étais même presque euphorique sous l'effet de l'adrénaline. J'étais un petit chiot tout content de pouvoir cavaler après quelque chose, quelqu'un. Néanmoins, je n'étais pas mécontent d'arriver en haut et de me sortir de ces affreux escaliers. Non, les escaliers n'étaient pas mes copains. Et maintenant je commençais à être un peu essoufflé. Pas assez pour abandonner. Je continuai donc à courir après ce bellâtre endiablé. La persévérance ça payait toujours. Peut-être que j'arriverais à le rattraper avant le lever du jour ?

Brusquement, il s'arrêta. C'est fini ? Il abandonne ? Aha ! Je vous l'avais dit ! On ne me la fait pas à moi, Castiel l'acharné ! Castiel le fanatique ! Mais j'ai plus d'air. Je m'arrêtai aussi, à quelques mètres devant lui et me courbai, mains sur les genoux pour reprendre rapidement mon souffle mais me redressai au bout de quelques secondes, conscient d'être totalement ridicule dans cette pose. Passant mes mains dans les poches, je m'approchai doucement et me posai à ses côtés, m'interrogeant sur la raison de ce brusque arrêt. Suivant la direction de son regard, je remarquai enfin... le lit. Impeccable. Les draps bien blancs, bien tirés sans une bosse. L'oeuvre d'un véritable artiste ! Mon oeuvre !
Dommage, ça ne l'impressionnait pas le moins du monde puisqu'apparemment c'était son lit, son « son coin » et que celui qui l'avait fait était un « con » parce qu'il le défaisait juste après. Ahem.
Il rit. Je me tournai vers lui. J'avais encore les poumons un peu tordus à cause de la course alors je ne ris pas. Puisque je ne ris pas, ça lui coupe toute envie de rire. Je tournai un peu la tête, le visage un peu confus. Oui, il a compris. Le crétin c'était moi. Mais je m'en fichais. J'aurais bien ricané avec lui mais j'avais le coeur qui battait la chamade et la gorge sèche. Je réalisai alors dans son regard et à ses toussotements gênés qu'il croyait que j'avais mal pris sa remarque. Ah flûte. Quand c'est lui qui fait une blague et se moque de moi, je rigole pas. Et toute à l'heure quand je me suis moqué de moi-même il a pas rigolé non plus. 1 partout. Ça remettait les buts à zéro. Sauf que c'était important. On était pas dans un match de football. Je m'apprêtais à lui répliquer que c'était pas grave mais il s'était affalé sur sa couche en attrapant son coussin pour fouiner dans la taie d'oreiller. Je souris. Je faisais ce lit tous les matins, alors naturellement que je savais qu'il y avait quelque chose de caché dans le polochon. Seulement je n'avais jamais eu l'impolitesse de regarder ce que c'était. Je le regardai s'agiter sur le matelas et je ne pus m'empêcher de lancer une petite pique amusée sur un ton malicieux dans l'espoir de faire retomber la tension.

- Vous savez, s'il n'y avait eu pas de crétin pour faire ce lit, vous n'auriez jamais eu le plaisir de vous emmerder à le défaire.

Donc ce lit, c'était celui de Maena. Bon à savoir. Je connaissais donc l'identité du petit malin qui avait laissé son lit trainer au milieu du couloir comme ça, pour embêter le monde. J'avais jamais eu le courage de le bouger parce que si ça plaisait à quelqu'un de dormir ici, pourquoi pas ? Mais oui, je m'amusais à le faire et à le refaire tous les matins parce que quitte à laisser un lit tout seul, paumé au milieu du couloir, autant s'arranger pour que ce soit un lit fait et bien présenté. J'aime pas les lits défaits. Je faisais déjà ceux des dortoirs alors un de plus, un de moins.

Sa voix angélique m'arracha du fil de mes pensées. En baissant les yeux vers lui, je me rendis compte qu'il me tendait une barre chocolatée en me complimentant sur mes yeux - car oui c'était un compliment -. J'étais un peu rouge. Même beaucoup. On dira que c'était à cause de la course. Il n'y avait pas que mes yeux qui étaient multicolores : mon teint l'était aussi. Je passais très facilement du gris au rouge.

- Merci ! C'est adorable.

Je faillis ajouter que c'était la première fois qu'on m'offrait du chocolat au milieu de la nuit mais je trouvai que c'était complètement débile comme remarque. Timidement, je m'assis à ses côtés et le regardai en tenant la précieuse barre entre mes deux mains.
Mince. J'aimais vraiment son visage. Même sous cet affreux masque. Ça devait pas être pratique de respirer là-dessous. J'aimais pas la chaleur de base, mais je n'osais même pas m'imaginer dans en plein soleil avec une telle chose sur le nez. Ah. Arrête de le dévorer des yeux Castiel, il va finir par croire que tu veux le bouffer. Bref. Je regardai vaguement ailleurs jusqu'à ce qu'il ne me demande ce que je faisais en journée parce que visiblement lui s'ennuyait.

- Ah bon ?

C'était sorti tout seul. Je croyais que quand on était Élu on passait son temps à s'occuper et à chouchouter ses pions. Hm. En observant de plus près Maena, j'avais du mal à l'imaginer en Élu poule. Mais il n'avait pas de missions ? Linoa elle, partait toujours en mission aux quatre coins du monde. Enfin c'était ce qu'elle me disait. Elle n'avait jamais aimé restée entre quatre murs. Cette femme était une amazone. Toujours à vadrouiller par-ci, par-là. Du coup c'était plus ou moins moi qui s'occupait de tout son boulot administratif. J'étais là pour ça. Je m'assurais donc de temps à autres que ses pions allaient bien, distribuait quelques missions, interrogeait des nouveaux et recueillait les rapports. Toutefois, la situation était étrangement calme en ce moment et puis, Linoa n'avait pas beaucoup de pions. J'étais loin de crouler sous le travail.

- Je vérifie parfois que les personnes placées sous la protection de mon Élu aillent bien et je m'occupe également de l'entretien de la Cité. Je travaille aussi dans les cuisines et quand j'ai du temps libre je couds et je lis un peu.

J'avais soif. J'osais pas manger le chocolat. Encore une fois, c'était crétin parce qu'il allait fondre entre mes doigts. Mais c'était la première fois qu'un Élu m'offrait du chocolat, j'allais pas me jeter dessus comme un sauvage quand même ! Posant le précieux présent sur mes genoux, je fermai les yeux et me concentrai. Je repensais à ce que Kamui m'avait appris. Bien se focaliser sur un objet précis, se le représenter mentalement. La couleur, l'emballage, le froid du plastique, les petits froissements du papier de présentation. Une douce lueur bleutée apparut entre mes mains. Une bouteille d'eau. J'avais soif. C'est fou le nombre de choses qui donnent soif ! Le sport, la chaleur, le sel, les bonbons... Les bonbons ! L'aura bleutée entre mes paumes commença alors à s'effriter, à se diviser en des petits lucioles colorées qui se mirent à virevolter entre mes doigts puis il y eu un grand ploc et... Oups. Je voulais une bouteille d'eau et je me retrouvais avec un collier de bonbons enroulé entre mes doigts. On allait faire comme si c'était prévu. Avec un ton faussement décontracté, je tâchais de couvrir ma boulette en enchainant :

- Si vous vous ennuyez vous pouvez me donner un coup de main en journée ! Inconsciemment, je souris en imaginant Maena avec son masque effrayant et son allure de mauvais garçon en train de balayer le marbre des couloirs. Mais vous ne sortez pas de la Cité ? Avec votre rang, vous n'avez pourtant rien à craindre des monstres ou des subordonnés d'Oppse.
Je crois que ça ne lui plaisait pas trop comme idée. Ou alors c'était encore le « vous », « vous » qui lui faisait mal aux oreilles.
- Ah désolé. Ça ne vous plait vraiment pas d'être vouvoyé. Euh... Je sais pas quoi dire. Je n'osais vraiment, vraiment pas le tutoyer. Mon cerveau ne peut pas se faire à l'idée de tutoyer quelqu'un que je viens à peine de rencontrer. Même si la personne en question m'avait offert du chocolat. Le « Tu » était bloqué, verrouillé, solidement enchainé quelque part. Ça sentait le sucre : j'avais toujours ces maudites friandises dans les mains. Je lui tendais le collier de fortune. Bonbons ?

Bin oui. Tout le monde aime les bonbons.
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyVen 30 Sep - 20:22


Alors, la petite sirène leva ses bras transparents vers le soleil de Dieu et, pour la première fois, des larmes montèrent à ses yeux.


Au large dans la mer, l'eau est bleue comme les pétales du plus beau bleuet et transparente comme le plus pur cristal; mais elle est si profonde qu'on ne peut y jeter l'ancre et qu'il faudrait mettre l'une sur l'autre bien des tours d'église pour que la dernière émerge à la surface.
Et tu cours sur le piano comme si tu étais possédé par... qui ça, déjà? Ah oui! Chopin. Tu te défiles et tu agrippes les notes pour ne leur laisser aucun espoir de réchapper à ton cachot despotique. Ta démarche semble lente, délivrante, et il n'en est rien. Tu te contentes de fuir sur ce qui aurait pu être un monceau d'arbre, ce que tu as troqué contre un plastique honteusement industriel. Un pauvre misérable instrument à cordes pincées. Ta plume est dépourvue d'encre, tu ne t'en conduis que mieux. L'huile ténèbre n'a jamais été ta dulcinée, et tu avais le don de broyer chaque cartouche avant même que la feraille de la plume ait touché le cartel. Tu aimes la provocation. C'est ce qu'on appelle... comment, déjà? Ah, oui! Un artiste sinoqué. Tout est blanc, autour de toi. Tu ne peux rien voir. Les touches? Tu les as oublié. Tu as arrêté de jouer. Tu n'es pas dans un jeu. Ce qui t'arrive est réel, Maena. Tout ce que tu vois, c'est devant toi. Arrête, s'il te plait. Pourquoi ne vois-tu pas la vérité en face? De quoi as-tu peur? Tu ne fais que fuir. Il est bel et bien là, Maena. Il est là, avec toi. Près de toi. Il t'effraie, peut-ê... Non? Tant mieux. Un peu plus, et tu lui offrirais tout ton être. Dis-toi qu'il n'est que lui. Non, lâche ce piano. Arrête. Arrête tes conneries et...
Tu es là. Je te sens, derrière moi. Je te sens, et tu ne le sais pas mais je frémis. C'est idiot, je sais. Mais j'en peux plus. Tu es ce que je crains le plus. Toi et tes yeux, tes si beaux yeux océan. Les même que ceux de Poséidon, très certainement. Fils, je te hais. Je te hais de tout mon être. Je ne sais pas quoi jouer, avec toi à côté. Je ne sais que faire. Te composer ma plus belle mélodie, ou poser quelques notes malheureuses sur l'unique corde d'un sitar pourri. Je n'ai ni l'envie, ni les moyens de te rendre le dégoût que tu m'offres. J'ai une sainte horreur de toi. Je t'exècre par toutes les fibres de mon corps. Je n'ai qu'un rêve, te voir mourir. Maintenant, ici. Je ne t'aime pas. Je ne t'aime pas, c'est tout. Je ne sais plus quoi penser, mais je n't'aime pas, c'est juste impossible. Non, haha. Impossible...
Pas l'ennemi. Ne pas fraterniser avec l'ennemi, Maena. Tu l'sais, pourtant... Je ne veux pas de toi, je ne veux pas de ton corps, je n'veux pas de ta présence. Casse-toi, bordel. Eloigne-toi, au moins. Arrête de me regarder, j't'en prie. Tu n'vois pas à quel point je peux être ignoble? Détourne le regard, par pitié. Non, pas ton prénom. Tu n'es que... que quoi, déjà? Ah ouais, une flaque d'eau. Une immonde flaque d'eau qui n'a rien d'autre à faire de ses journées que de m'épier, me surveiller, me fliquer comme jamais on n'm'a fliqué. Putain, Ca... Arrête, s'il te plait.

- Vous savez, s'il n'y avait eu pas de crétin pour faire ce lit, vous n'auriez jamais eu le plaisir de vous emmerder à le défaire.

Chaud, un gros mot. C'pas bien, Castiel. Sale voyou. Toutefois, tu n'as jamais eu autant raison qu'en cet instant, si tu veux mon avis. Et moi, comme un con, je souris. Et j'souris pour de vrai. Un sourire qui veut dire "merci de parle pour moi". "Merci de me porter cette attention". "Merci d'être là". Merci d'être là, près de moi. Ne me quittes pas, pas ce soir. Reste avec moi, ne pars jamais.
C'est une vague calme. Une trace d'écume sur le sable. Tu me touches pas, je n'approche pas. Je frémis. Tu n'dois pas monter davantage, je dois pas me laisser emporter. Tu es... comment, déjà? Ah, captivant, oui. Tu es la seule parcelle d'eau à ne pas m'agresser. T'es celle qui vient en paix, douce et pacifique. J 'aime pas ça, Castiel, je n'aime pas ça du tout. Rien que ton nom me fous la trouille. J'me souviens de toi. J'me souviens de ton pouvoir. Je connais tes yeux, Castiel. Je sais que je t'aime pas, que je ne dois pas t'aimer, que j'ai aucun droit pour ça. J'ai horreur des systèmes aussi géométriques, j'peux pas, ça m'tue. Tu es l'ennemi, celui qui veut me noyer. Je veux pas... Putain, mais qu'est-ce que j'fous là, moi? J'dois partir d'ici, mais ce serait m'avouer vaincu... Merde! Tu... non, rien. Arrête, arrête arrête. Qu'est-ce que tu comptes faire, maint'nant? J'suis à ta merci, tu crois pas? Oh puis merde. Fais ce que tu veux. J'ai pas le coeur à ça, Castiel. Comment tu fais pour vivre avec ton corps...? Je suis sûr qu'il est gorgé d'eau. T'es de l'eau, Castiel... Tu n'te rends pas comptes?! De l'eau! Rah putain... Et dire qu'il a touché mes draps tout ce temps, bordel... Non, quoi, non...
C'est ignoble, Castiel... J'ai honte, tu sais. J'ai honte de moi. Et dire que pendant tout ce temps tu essayais de me noyer, Castiel. Tu le sais, pourtant. Tu le sais que j'ai horreur de toi. Je m'arracherais le coeur pour te le vendre, Castiel, tant et si bien tu me foutes la paix après. J'en peux plus, de ton inquisition feinte. J'en peux plus, Castiel, je sature. Range tes yeux Castiel. Range-les, je n'veux plus les voir. Je craque, Castiel. Tu as fait ce lit, tous les jours. Tous les soirs, j'étais dedant, et je me disais que tu étais sacrément sympa mise à part ta connerie. Je te trouvais gentil, moi, Castiel. Un peu con, mais adorable. Tu m'as trahi. Les attentats, tous les jours tu les portais. Tu voulais faire tomber le roi. Mais quel roi, Castiel? Regarde-moi. Je suis bien piètre acteur devant tes armées céruléennes. Je ne suis rien, comme ça. Rien. Et j'n'ai rien vu. Tu m'as empoisonné, un peu plus tous les jours, et je n'ai rien vu.
Je suis d'une connerie sans pareille, je crois.
Et j'm'en fous comme de l'an quarante.
Tu as beau vouloir ma peau, je ne veux que ton sourire.

- Merci ! C'est adorable.

À qui l'dis-tu.

- C'toi qu'est adorable. 

Tu rougis comme une pivoine. Moi aussi. T'as rien entendu, comme j'ai baragouiné, ou t'as rien compris, à voir. Sachant que même moi j'ai pas compris... Enfin, j'ai pas compris la langue dans laquelle j'ai parlé. C'est con, les sons sont familiers, mais j'suis incappable de savoir d'où ça vient. Enfin, l'essentiel, c'est qu'il est rien capté. Et que je ne rougisse pas autant que lui, sans compter le fait d'arrêter tout de suite mes conneries. J'ai presque oublié que t'avais la peau grise, Castiel. Tu t'abaisses, cherches ta place à mes côtés. Tu ne sais pas quel honneur t'est offert, imbécile. Tu as largement de quoi poser ton cul, je suis pas obèse. Et je trouve encore le moyen de m'écarter. Réflexe. P't'être qu'avec un peu d'chance tu croiras que c'est pour m'éloigner de toi et de ton odeur atroce. Du moins, pas par politesse, et encore moins par pur bonheur de t'avoir là. C'est par défaut que tu peux t'asseoir là-dessus. T'étais plus grand que moi, et j'ai aucune envie de me lever. Alors non, Castiel. Ne fais pas le moindre faux pas. Commence par retirer tes deux putains de prunelles vicieuses de mon visage. Ôtes tes sales globes oculaire de mon masque. Lâche-moi, fous l'camp. Toi et ton rictus infâme, voulez-vous bien me faire l'immense honneur de FOUTRE LE CAMP D'ICI TOUT d'SUITE?! ... Merci. Tu vois, c'est pas si compliqué.
Un temps. J'aurai cru qu'il me paraîtrait court, puisque tu ne parlais pas. Mes couilles. C'était horriblement long. C'est triste, d'être avec toi dans le silence. Tu n'es pas fait pour ça. Tu vaux mieux qu'être assis sur ce matelas minable en compagnie d'un energumène comme moi, Castiel.

- Je vérifie parfois que les personnes placées sous la protection de mon Élu aillent bien et je m'occupe également de l'entretien de la Cité. Je travaille aussi dans les cuisines et quand j'ai du temps libre je couds et je lis un peu.

Mais quel con, j'te jure. Je t'ai pas demandé de me raconter ta vie, j'veux juste savoir ce que tu fous en général. Ouais. Et tu es quoi, déjà? Ah oui, Bras Droit. J'faisais tout ça, quand j'étais Bras Droit? ... Noooooon. Pas possible. J'suis trop mou du bulbe pour faire tout ça. T'as au moins l'mérite d'être à fond travail. Hé mais... Qu'est-c'que tu fous? Ah, tu vas matérialiser un truc. Bwahahaha, j'ai hâte de voir le résultat. Tu n'as pas touché au chocolat. Bien fait pour ta gueule, Maena, t'as qu'à pas offrir tes provisions à des cons dans son genre. T'as qu'à pas partager du tout, remarque. Bon, de quoi t'aurais besoin, Castiel...? T'es avec moi. T'as besoin de lunettes de soleil, pourvu qu'elles puissent te protéger de mon éclat. D'accord, j'déconne. T'as p't'être soif, quoique c'est peu probable vu que t'es déjà plein d'eau. Alors quoi, tu veux m'offrir quelque chose? C'est trop mignon. Garde-le. Ah, on sent que ça va v'nir, ça vient, ça vieeeeent... Un collier de bonbons. Normal. T'es un boudin, haha.

- Si vous vous ennuyez vous pouvez me donner un coup de main en journée ! Mais vous ne sortez pas de la Cité ? Avec votre rang, vous n'avez pourtant rien à craindre des monstres ou des subordonnés d'Oppse.

C'est ça, change de sujet de conversation. T'es énorme, Castiel, des fois. C'est pour ça que je t'aime. Que pour me foutre de ta gueule. Et parce que tu as des yeux splendides. Mais ça faut pas l'dire. Bref. Tu fais genre, mais j'sais très bien que tu t'es chié niveau matérialisation. Attends, rien qu'à voir ta gueule, faut pas s'appeller Layca pour comprendre que tu ments comme je suis l'élégance incarnée. Puis, tes yeux transpirent tout ce que tu caches. C'est fou ce que tu peux être mauvais baratineur. À mon plus grand plaisir, remarque. Tu t'occupes de tout, c'bien. Moi j'suis pas foutu de gérer mes pions et autres, alors tu vois. Non, sérieux, j'sais même plus de qui j'suis sencé m'occuper, j'ai pas leur nom. Puis, t'aider... Mouais. Pas que je ne veuille pas t'aider, hein. Quoique. Mais j'suis pas une gonzesse, en fait. J't'assure, ouais. Donc... J'vais y réfléchir. J'suis pas complètement méchant non plus, Castiel. Hé, me blâmes pas. J'ai encore rien fait.

- J'aime pas sortir. Rien qu'aux alentours de la Forteresse, y'a tous les mecs qui peuvent pas m'sentir. Super pour commencer une journée. Et les missions, seul moyen d'aller plus loin c'est par groupe, et j'ai pas envie qu'on me laisse crever si je suis blessé méchamment. Tu sais pas combien vaut ma tête, pour certains de ce clan.

Je dis pas que j'suis une feignasse, il doit déjà bien l'savoir. Je le regarde, il semble mal à l'aise. Quoi, c'est l'masque? Tu t'y feras. Il hésite, plonge ses yeux dans les miens, les détourne, s'y replonge. C'que j'peux avoir horreur des ses iris, putain. Tu veux pas r'garder ailleurs, Castiel? S'il te plait. Pour moi, me faire plaisir. Non? Mais va t'faire foutre, connard. Il souligne que je n'aime pas être vouvoyé. Non, absolument pas, Castiel. C'est brillant, pour le coup. Il hésite encore. Aller, vieux, un peu d'cran, enfin! C'est pas comme si j'pouvais t'faire sauter le crâne! Il me tend son collier de bonbons multicolores, m'en propose. Faut vraiment qu'il arrête de dire des conneries. Non, faudrait lui clouer le bec, en fait. C'parti, Maena. Mon index part de lui-même pour se poser sur ses lèvres. Tais-toi, enfin. Un peu. Je m'approche. Enfin, je bascule mon visage près du sien. Ses yeux disolvent les miens. J'en ai marre de lui. Je dois faire trop psychopathe, pour le coup. Bwarf, c'est pas comme si c'était complètement faux non plus. On s'y habitue, t'inquiète. Je souffle un sifflement qu'il peut interprêter comme une sorte de "chut". Au moins, il sait à quoi s'en tenir. Puis je m'éloigne, à peine. Ma phalange n'a pas bougé, et ce n'est que maintenant que je le retire pour montrer la grille sur mon faciès. Non, je n'peux pas, Castiel.

- Navré. À moins que tu n'aies pas peur d'avoir mal à la tête... Puis, j'aime pas trop ça, les bonbons.

Sincèrement. Je suis complètement, vraiment, absolument désolé, Castiel. Je n'ai pas envie de te faire du mal. Quel progrès. Juste, peut-être t'arracher les deux yeux. Mais c'est un détail. ... Rah puis merde, non. Je veux pas. Je lui vole le collier des mains. J'y crois toujours pas que je vais faire ça. Et ben si, j'le fais. J'étrangle mon poignet avec cette immondice. J'déconne pas. Je le regarde, m'écarte. Détourne-le, ton regard. C'est moi qui le fait. Et je me projette dans sa chevelure sombre. Nouée en une simple queue de cheval, j'ai jamais vu un homme avec une tignasse aussi longue. C'est énorme.

- M'enfin. Refuser un cadeau, c'est malpoli. Et t'en fais pas pour le vouvoiement, j'm'y ferai.

Je me suis laissé basculer en arrière, me suis allongé pour de suite me relever. J'comprends rien à c'que j'fais, et je m'en fous comme pas permis. Quand je me redresse, je m'arrange pour être dans son dos. Tu m'vois, tu m'vois plus. Et je lui retire son élastique. Ses cheveux sont muets, mais je les entends me remercier de les avoir libéré. Enfin des gens pas trop ingrats. J'attrape une mèche, deux, les caresse. Une horrible sensation de plongée sous-marine dans les veines. Comme quand tu trempes ta main, que tu la portes à l'eau comme ça, sans préavis. C'est juste vomitif, et pourtant c'est génial. On voit ses mains à travers l'eau. Ne te débats pas, Castiel. S'il te plait.
Soudain elle vit ses sœurs apparaître au-dessus de la mer. Elles étaient pâles comme elle-même, leurs longs cheveux ne flottaient plus au vent, on les avait coupés.
- Nous les avons sacrifiés chez la sorcière pour qu'elle nous aide, pour que tu ne meures pas cette nuit. Elle nous a donné un couteau. Le voici. Regarde comme il est aiguisé ... Avant que le jour ne se lève, il faut que tu le plonges dans le cœur du prince et lorsque son sang tout chaud tombera sur tes pieds, ils se réuniront en une queue de poisson et tu redeviendras sirène. Tu pourras descendre sous l'eau jusque chez nous et vivre trois cents ans avant de devenir un peu d'écume salée. Hâte-toi ! L'un de vous deux doit mourir avant l'aurore. Notre vieille grand-mère a tant de chagrin qu'elle a, comme nous, laissé couper ses cheveux blancs par les ciseaux de la sorcière. Tue le prince, et reviens-nous. Hâte-toi ! Ne vois-tu pas déjà cette traînée rose à l'horizon ? Dans quelques minutes le soleil se lèvera et il te faudra mourir. Un soupir étrange monta à leurs lèvres et elles s'enfoncèrent dans les vagues.

Je me suis mis à chantonner. Bouche fermée, j'suis pas complètement fou au point d'vouloir réveiller tous les dormeurs. And we keep driving into the night. It's a late goodbye, such a late goodbye... Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, vous me rendez l'azur du ciel immense et rond; Sur les bords duvetés de vos mèches tordues je m'enivre ardemment des senteurs confondues de l'huile de coco, du musc et du goudron. Longtemps! toujours! ma main dans ta crinière lourde sèmera le rubis, la perle et le saphir, afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde! N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde où je hume à longs traits le vin du souvenir? J'ai écrit ça, un soir. C'est trop bien pensé pour que ça vienne de moi. Tant pis. Je suis plongé dans ses fils ébènes, plus rien n'a d'importance. L'eau, tu parles. Ils sont souples, soyeux. Il doit utiliser de bons cosmétiques, impossible autrement. Quand j'y plante mes griffes, il n'y a aucun noeud. Ca m'change de ma tignasse, personnellement. Tu me fais sourire. Je ne dois pas m'en rendre bien compte, je pousserai une beuglante sinon. J'ai entamé un tresse. Je dois tirer un peu fort, parce que j'entends un petit gémissement, une sorte de micro-cri. Si ça s'trouve, ça n'a rien à voir avec mon... mon semblant de... ben de coiffure, en fait. J'sais pas. Mais j'm'excuse. J'm'excuse tout bas, un espèce de murmure dont j'ignore tout. J'en ai marre de rien comprendre à moi-même. C'est galère de tresser autant de cheveux d'un coup. Surtout avec mon niveau de tressage de ch'veux, ça va être mythique. 'Fin m'en fous, j'm'éclate. Castiel, il doit rien comprendre. C'est quand on est beau qu'on l'ignore. Et fait chier.

- Dis, Castiel. Ne te coupes jamais les cheveux.

J'me souviens, de Castiel. C'est celui qui prend soin de tout le monde. C'est celui qui court de partout dès qu'il y a une tâche à nettoyer, un ménage à faire ou un blessé à soigner. Il ne s'arrête jamais, et il est connu pour son sourire inébranlable et sa bonne humeur communicative. Ouais, youpi. Et dire que j'voulais juste fumer en paix. Mais maintenant, que je te connais, Castiel, je sais que tu n'es pas mauvais. Tu es trop gentil, trop attentionné. Mais pas mauvais. Tu es simplement un noyé, Castiel. Un noyé qui cherche à attirer les hommes dans la même débâcle que toi. Tu es un marécage, pas une mer. Quand j'approche ta natte du masque, je sens le sel de l'océan. C'est une feinte, j'en suis certain. C'est tellement ignoble que j'en ai la gerbe. ... Mais merde, Castiel. Toi aussi, toi aussi, t'as besoin d'être chouchouté.
La petite sirène écarta le rideau de pourpre de la tente, elle vit la douce épousée dormant la tête appuyée sur l'épaule du prince. Alors elle se pencha et posa un baiser sur le beau front du jeune homme. Son regard chercha le ciel de plus en plus envahi par l'aurore, puis le poignard pointu, puis à nouveau le prince, lequel, dans son sommeil, murmurait le nom de son épouse qui occupait seule ses pensées, et le couteau trembla dans sa main. Alors, tout à coup, elle le lança au loin dans les vagues qui rougirent à l'endroit où il toucha les flots comme si des gouttes de sang jaillissaient à la surface. Une dernière fois, les yeux voilés, elle contempla le prince et se jeta dans la mer où elle sentit son corps se dissoudre en écume.
Mais abattez-moi, putain. Qu'est-c'que j'fous là...

- Hé! J'y pense, vieux, deux minutes. T'es pas un peu timbré de te taper tout les travaux ménagers d'chez Layca? Des fois on laisse de ces pourritures, sérieux... Rien que pour ça j'aimerai t'aider, en fait. Mais j'te cache pas que je sais plus foutre le bordel que l'ranger.

Faites-moi taire, bordel de chiasse. Pitié, tuez-moi maint'nant, là, tout d'suite.
- Où vais-je ? demanda-t-elle. Et sa voix, comme celle des autres êtres, était si immatérielle qu'aucune musique humaine ne peut l'exprimer.
- Chez les filles de l'air, répondirent-elles. Une sirène n'a pas d'âme immortelle, ne peut jamais en avoir, à moins de gagner l'amour d'un homme.

Tu suintes l'eau de partout. J'ai envie de lâcher tes cheveux, mais j'vois le bout de ma tresse. Yeah. J'veux attraper l'élastique à mon poignet, j'y arrive pas. Bien sûûûûûûûr. Aller, gymnastique des doigts... Un, deux, aïe! Mais qu'est-ce que... Hé, d'où je saigne du pouce? D'où je saigne du poignet? Rho putain, j'ai un truc dans le poignet. j'y crois pas! J'ai pas assez d'cicatrices comme ça, non? C'est quoi, une aiguille? Une épingle? Mais va chier!

- Putain, qu'est' t'as mis dans ton élastique, Castiel?!

Ca fait mal, ta connerie. Il a peur de quoi, lui, j'allais pas l'agresser! Mais c'est... hein? Une aiguille de couture? Mais qu'est-ce que ça fout dans ses ch'veux?! Aïe, merde... C'est super bien planté, en plus... Non, j'lâche pas la tresse. Va chier, je lâche pas la tresse. Il est trop sublime comme ça, je lâche pas ma tresse et c'est tout. Conasse, j'aurai bien lécher le sang, mais avec cette merde sur le visage, j'peux pas. Normal, t'sais quoi. Putain les draps, on dirait que j'ai saigné un poulet. Ma réputation va pas s'arranger, tiens. Castiel, franchement...
Cor Cordis. Ca fait putain de mal.
Alors, la petite sirène leva ses bras transparents vers le soleil de Dieu et, pour la première fois, des larmes montèrent à ses yeux.
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Le spleen de l'océan

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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyDim 23 Oct - 12:36


On est mignons tous les deux. Assis sur le lit avec les joues un peu barbouillées de rouge. Tu as rougi, Maena je t'ai vu quand je t'ai remercié à propos de ton adorable présent. Tu as même bafouillé et je peux t'affirmer que c'était adorable comme tout. Je n'avais même pas compris ce qu'il m'avait dit mais je devinais qu'il s'agissait probablement d'un retour de compliments ou quelque chose. Il n'y a de plus de agaçant que les gens qui ne font que vous retourner vos remerciements et vos louanges. Et j'en faisais partie. Mais vraiment, vous croyez que lorsque je m'efforce de faire un éloge digne de la personne qui va la recevoir je m'attends à ce qu'elle me retourne la pareille ? Je n'attendais rien. Je voulais juste qu'elle prenne mes félicitations et qu'elle les garde pour elle, ces petits mots qui faisaient toujours plaisir. Je ne voulais pas qu'on me les renvoie ces petits mots qui faisaient parfois rougir. C'était embarrassant. Je ne savais pas pourquoi. Paradoxalement je le faisais. Je ne savais si c'était une question d'éducation ou de personnalité mais j'avais appris que la moindre des choses lorsqu'on reçoit un présent c'est d'en retourner un d'une valeur au moins égale. En fait, cela me semblait même diablement inapproprié de ne pas le faire. Mais cette règle ne s'appliquait pas à moi. Je n'aimais pas qu'on me retourne la pareille. Je donnais sans rien attendre et cela m'allait très bien. La gratitude d'un visage heureux était une suffisance bien plus grande que n'importe quelle parole ou cadeau. Je ne savais pas si Maena raisonnait de cette façon aussi. Probablement pas. En fait, je ne savais pas vraiment s'il était dans ses habitudes d'émettre des petits gestes, des petites démonstration d'affection polie comme il me l'avait fait pour la barre chocolatée. L'idée d'être une exception faisait effectivement plaisir à mon petit ego.
Le fait est là. C'est qu'on est tous les deux sur un lit et on est embarrassés. Le joli petit couple d'adolescents. C'en est touchant. Si je voyais la scène d'un point de vue extérieur, j'aurais eu un sourire moqueur. Mais je la vivais la scène. J'étais le Castiel timide, la pucelle un peu gênée devant le bellâtre à la voix angélique. Je ne savais pas pourquoi mais l'air était un peu lourd. Humide même. Il y avait quelque chose dans l'atmosphère qui m'étouffait un peu. On m'appuyait sur la poitrine sans raison apparente. Je savais pas pourquoi je n'étais pas totalement dans mon assiette face à l'Élu masqué. Enfin si, concrètement parlais je pensais le savoir : il était beau, il avait une voix sublime, il était fascinant et pire que tout, il avait pas l'air si méchant. Moi, je ne savais pas trop comment me comporter face à pareil personnage. On aurait dit qu'il était distant tout en étant chaleureux. Mais d'une façon adroitement bien dosée. Pile ce qu'il vous faut pour se faire passer pour un mauvais garçon sans rien exagérer. Il ne me faisait plus peur, en tout cas je n'avais plus vraiment peur qu'on me violente. Mais j'étais au milieu du froid et du chaud, dans cette situation où je ne savais pas si je devais retirer mon haut ou rajouter un pull parce que j'avais chaud et froid à la fois. Il ne parlait pas beaucoup, il avait l'air un peu loin et pourtant on aurait dit qu'il ne voulait pas que je parte. Je pense qu'il me l'aurait fait savoir sinon. Il avait l'air doué pour signaler ce genre de chose. Devais-je lui courir après ? Je n'aimais pas particulièrement courir. Mais si c'est ce que tu attends de moi alors je te courrai après comme dans les escaliers. Peut-être même que j'arriverais à te rattraper. Il va me falloir de l'entrainement.

J'avais fini mon petit discours. Je sonnais vraiment creux face à lui. Était-il possible de m'arracher les cordes vocales et de lui présenter en lui demandant gentiment de me les retaper pour qu'elles sonnent aussi bien que les siennes ?
Il me disait que lui non plus ne sortait jamais. Trop dangereux. Je pense. Je le regardais parler, buvant toujours chacun de ses mots, les aspirant précieusement dans mes oreilles pour en garder leur angélique résonance. Au final, trop concentré sur les échos mélodiques de sa voix, je filtrais presque le sens de ses phrases. Je devais avoir l'air d'un abruti le plus complet à le contempler là comme ça, à avaler ses paroles. On s'est regardé un moment, les regards se sont croisés, entremêlés, perdus, noyés dans les bleus des iris. Collision maritime. Et puis j'ai fini par émerger. Lui aussi. Je voulais ajouter quelque chose, lui dire que Linoa elle, sortait toute seule et qu'il ne lui arrivait jamais rien. C'est vrai qu'elle était forte Linoa quand même. À toujours courir dans la nature comme une sauvage et à revenir en un seul morceau avec les plus beaux trésors d'AJE. Linoa était une aventurière des temps modernes là où Maena était une sorte de conte d'épouvante un peu trop vieilli. Ça me faisait bizarre de savoir qu'au final, il errait toujours dans la Forteresse. Moi je ne me souvenais pas l'avoir souvent rencontré au détour d'un couloir. C'était un peu comme le monstre du placard (ou si vous préférez la version moins classe, disons le monstre de la cuvette). On en parlait beaucoup mais on le croisait pas beaucoup. Ça devait être parce que je ne me promenais pas souvent dans les placards ou dans les toilettes (sauf pour y faire le ménage, mais je m'amusais rarement à aller astiquer les latrines en pleine nuit et tout le monde savait que le monstre de la cuvette ne montrait le bout de son nez qu'une fois le soleil tombé et les parents couchés). Puis, au final, c'était comme une peur d'enfant. Passé l'apparence du grand vilain méchant, il y avait une personne assurément pas vilaine, bien au contraire, et pas si méchante que ça.
Du moins, c'était mon opinion du moment. Et il était encore un peu tôt pour être sûr qu'elle soit la bonne. Il s'avançait. Je n'osais pas reculer. J'étais déjà au bout du lit, un mouvement brusque me ferait basculer par-dessus bord. Je n'allais pas m'enfuir comme un lâche après cette poursuite infernale. J'avais eu mon quota de course pour la soirée. Alors je le laissais venir. Mais j'étais surpris par cette soudaine proximité. Je ne voulais pas qu'il me reprenne comme toute à l'heure. Je ne voulais pas. Ma respiration s'accélérait. Machinalement, mes mains lâchèrent la barre chocolatée et se crispèrent sur le drap, créant des petits plis en plus sur la surface impeccablement blanche. Un doigt se posa sur mes lèvres, se collant contre l'anneau en argent incrusté dans la chair. Je frissonnai tandis que ses pupilles se figeaient dans les miennes, m'emprisonnant une fois de plus dans leur aridité océanique. Il y avait quelques mèches noires qui balayaient ses yeux, immobiles trainées noires qui s'ajoutaient sur le tableau de son infini céruléen. Bouées de secours. Si je me concentrais sur elles, je pourrais peut-être garder la tête hors de l'eau. Mais l'eau désertique m'appelait. De plus en plus fort. Elles abritaient sûrement des sirènes de sable au grain de voix aussi enchanteur que celui de leur propriétaire. Alors je restai muet, accroché à ses iris, comme un insecte accroché à la peau. Je ne cherchais pourtant rien. Je ne voulais pas m'immerger dans ses cicatrices, me délecter son sang. Je voulais rester là et je voulais fuir avant de déverser toute mon eau dans son désert. Son emprise était si forte que j'y pouvais laisser ma peau dans cette étendue de bleu. Il pouvait me vider si tel était sa volonté. Moi, je me sentais pas encore prêt à m'abandonner ainsi à quelqu'un. Ne me touche pas. La peau de son doigt sur mon bijou. Le chaud contre le froid, encore. La bataille de la chaleur du corps humain contre la froideur du métal planté dans la lèvre. Je ne pensais pas pouvoir gagner. Une brise passa, balaya l'ensemble du paysage que m'ont offert ces yeux. Est-ce le sifflement des serpents ou la berceuse du vent qui vient caresser les vagues de sable ? Cela ressemble à « chut ». Pense-t-il vraiment que je suis en mesure de parler quand un simple regard me laisse ainsi sans défense, seul au milieu de cette étendue perdue qui me donne le vertige ? J'ai eu une main qui se lève, effleure presque le poignet fin du bout des ongles sans oser le toucher puis reste plantée en l'air quand le doigt se retire. J'avais toujours les iris noyés dans les siens. Il me tenait toujours. J'avais peur qu'en baissant les yeux je n'y laisse les miens. Mes prunelles resteraient agrippées aux siennes et tomberaient de mes orbites, pendues. Quelle étrange frayeur.
Je me suis alors détendu. Mais pas trop. Il restait trop proche. Un peu de mal à comprendre l'origine de ce geste. Je parlais trop ? Espérait-il que je me taise et que je le contemple silencieusement ? À ma connaissance, ce n'était pas ainsi que se déroulait une conversation. Il pointa on masque, et me fit savoir qu'il ne pouvait pas manger et donc par conséquent accepter mon présent. Ah oui, bien évidemment. Quel idiot. Moi j'avais toujours soif. Mais tant pis, ma sublime matérialisation ratée était définitivement inutile et percée à jour. Je devais avoir l'air un peu déçu tandis que je baissais les yeux vers ce stupide collier de bonbons accroché à mon poignet qui s'apprêtait à se baisser quand, voyant ma figure dépitée, je sentis quelque chose m'échapper et il me déroba la friandise. Je relevai alors la tête, toujours aussi surpris, mais cette fois-ci on se rentre pas dedans avec nos iris trop décorées d'azur. Je vis qu'il a passé le présent de fortune à son propre poignet. Un petit sourire mutin sur les lèvres curieusement frôlées il y a quelques instants. Mais voilà qu'il s'en prend à mes cheveux. Je me raidis un peu puis me relâchais. Ce n'étaient que des cheveux. Je ne sentais pas le contact de ses mains. Je laissais passer.

J'étais devenu une poupée ? Ou une tête à coiffer. J'avais vu beaucoup d'enfants décapiter, mutiler, scalper leurs pantins sans jamais vraiment comprendre pourquoi. Il fallait juste espérer que Maena ne fasse pas partie de cette catégorie de gamins virulents. Ça me ferait mal de devoir attendre des années et des années de plus pour faire repousser mes cheveux. Quoiqu'ils avaient toujours été comme ça. Longs, soyeux et lisses. Layca avait bien fait son travail. Je n'avais pas beaucoup de mal à les entretenir malgré l'épaisseur de ma tignasse. Je devrais le remercier.
Je m'étais tourné, offrant mon dos à l'Élu pour qu'il puisse disposer de ma chevelure. Ça lui éviterait sans doute de tirer dans tous les sens. J'ai laissé tomber l'élastique et les cheveux qui allaient avec se sont étalés comme une ribambelles de petits serpentins sur le tissu de ma chemise. Je ne bougeai pas, je ne parlai pas. Cela semblait lui convenir étant donné qu'il chantonnait et murmurait quelque chose. Je ne faisais pas vraiment attention, je me laissais juste bercer par les mouvements de ses doigts parcourant ma chevelure et la berceuse à demi-étouffée qui s'échappait du masque. Mais il tirait un peu fort et sans savoir, si c'était volontaire ou un effet de sa maladresse, je couinais un tout petit. Juste assez pour qu'il comprenne que j'étais un être de sang et de chair et non pas une marionnette dont on pouvait tirer les fils de n'importe quelle façon. Je me demandais ce qu'il était en train de faire. Le résultat promettait d'être intéressant. J'aimais bien manipuler les cheveux des autres, mais moi, on me manipulait rarement. Je ne laissais guère aux gens le loisir de me pomponner et puis, je suppose que la vue même de ma crinière noire devait faire passer l'envie aux gens de s'occuper d'un tel cafouillis de mèches noires. Le temps semblait s'écoulait au ralenti. Je me laissais dorloter. C'était un peu embarrassant mais pas si désagréable que cela au final.
Il me déclara que je ne devais jamais me couper les cheveux. Ce n'était pas dans mes intentions. C'était tout de même un bien gentil compliment. Et puis soudain, il déclarait qu'il était prêt qu'il aimerait bien m'aider. Je notai. Je plaisantais quand je lui proposais de venir me donner un coup de main en journée mais, l'idée de pouvoir plus tard taquiner Maena avec un balai rendait tout de suite les journées à venir plus palpitantes. Il avait dit qu'il m'aiderait. Je ne souhaitais faire travailler personne à ma place, mais je retenais quand même. Je pourrais lui ressortir un jour pour m'amuser. Mais si j'avais réellement besoin de deux bras en plus pour faire le ménage, il était clair que je ne m'adresserais sans doute pas à un Élu.
Je m'apprêtais à outrepasser son commandement et à ouvrir la bouche pour lancer une gentille petite pique quand soudain, il y eut quelque chose qui le piquât vraiment et je le sentis sursauter. Il s'agrippa un peu à mes pauvres cheveux mais passa tout de même l'élastique en jurant.

- Oh, vous avez retrouvé mon bobby pin, c'est fantastique ! Me suis-je alors exclamé avec un petit rire tout en me retournant. Mon geste de tête a fait voler ma tresse. Elle s'est défaite à moitié. Et puis en y jetant un coup d'oeil rapide c'est fait grossièrement. Ça n'avait pas été assez serré et les mèches enroulées étaient d'épaisseur inégales. En toute honnêteté, je ne savais pas qu'il était possible de faire un tel genre de tresse. Intéressant. Mais mes éclats de rire s'effaçaient bien vite en voyant le sang s'écouler de son poignet. Mais que s'était-il passé ? Il s'était littéralement battu avec mes cheveux. Avait-il été mordu ? Sans réfléchir, je lui pris les mains et les posai sur mes genoux, faisant fi du liquide vermeil qui pointait sur la peau blanche de l'Élu.
- Ne vous inquiétez pas, je laverais les draps. Comme je l'avais toujours fait.
Oh il était fort celui-là. Il s'était empalé ma pince à cheveux, ce gros malin. Je n'avais jamais vu pareil carnage avec un si petit accessoire. Bon d'accord, j'avais tellement utilisé mon bobby pin que la peinture s'était écaillée et le bout était devenu un peu pointu, mais je n'aurais jamais imaginé pouvoir blesser quelqu'un avec. Je suis désolé. Je tirais d'un coup sec sur l'objet, l'enlevait de la peau pour le poser à côté puis secouai une de mes manches bouffantes pour en faire sortir une petite boite de pansements. Oui, j'étais une pharmacie ambulante et un magicien de surcroit. Je pouvais cacher n'importe quoi, n'importe où. Ça s'arrêtait déjà de saigner. J'estimai qu'il n'y avait pas besoin de désinfecter, une pince à cheveux n'ayant jamais tué quelqu'un (auquel cas, il battrait un sacré record) et prenais un pansement pour le poser sur la petite plaie.
- C'est la première fois que je vois une personne se faire mal avec une pince. La vie dans la Forteresse de Layca est au final bien dangereuse. On peut se faire agresser rien qu'en coiffant quelqu'un. Ai-je plaisanté, tout de même amusé par le ridicule de la situation. J'ai reposé les mains sur le main le lit désormais taché en souriant. Bravo, Monsieur Raphaëlita, je vous annonce que vous n'êtes officiellement plus en danger de mort.

J'ai repris la pince à cheveux agressive et ai essuyé du revers de la manche les quelques gouttes écarlates qui avaient recouvert le fer gris avant de m'approcher de sa propre tignasse. À mon tour. Je saisissais les mèches qui engloutissaient son visage et les passait sur son crâne avant de les attacher avec la pince.
- Voici le trophée de votre victoire.
Maintenant que sa figure était à découvert je pouvais presque la contempler pleinement. La mèche grossièrement fixée au crâne était comique et lui donnait un air nettement moins intimidant. Je me retenais de glousser, mais le sourire sur mon visage devait en dire long sur l'apparence que lui conférait la pince à cheveux. J'en profitais pour mieux observer ses traits fins, parfaits. Si seulement il n'y avait pas cet affreux masque qui venait défigurer les traits parfaits de son faciès. Je me surpris à vouloir lui enlever et fis de mon mieux pour ne pas rougir devant cette pensée.

- Vous avez un joli visage, c'est dommage de le cacher.

Ce n'était pas ce que je voulais dire. Ça m'avait totalement échappé. Je voulais le penser mais je l'ai clamé, voilà, comme un idiot. Et dire qu'il m'avait demandé de faire silence. Mais je ne le laisserais pas me faire taire à nouveau. Posant mes mains sur les épaules, je me plaçais dans son dos, les genoux sur le lit et prenait à pleine mains ses cheveux. Ils étaient un peu emmêlés. Pas vraiment moins fins ou moins épais que les mains. Juste un peu emmêlés. J'aurais voulu avoir une brosse mais malheureusement entre toutes les babioles que je trimballais sur moi, je n'avais pas la place de me promener avec une brosse. Alors je fis de mon mieux avec mes doigts, séparai rapidement les cheveux en trois grandes mèches que j'enroulais autour de mon doigt pour plus de facilité.

- C'est plus facile d'enrouler les cheveux sur eux-mêmes pour les tresser. Cela permet qu'ils ne s'emmêlent pas lors du processus.

Rapidement et en douceur, je tressais alors habilement une tresse parfaite que je nouais en détachant mon propre élastique. Le travail achevé je la passais par-dessus l'épaule de son propriétaire afin qu'il puisse voir. C'était sans prétention que je lui montrais ceci. Je ne souhaitais pas me faire passer le meilleur, surtout qu'il y avait plus distingué comme titre que « meilleur tresseur de Layca ». Mais il fallait bien qu'il apprenne, non ? Bon d'accord, j'imagine qu'il y a plus palpitant comme compétence que tresser des cheveux, mais vous avez compris mon point.
Je repensais à ce qu'il m'avait dit. Il était peut-être temps de rebondir sur le sujet :

- C'est très gentil de votre part mais je suis assez grand pour m'occuper des taches ingrates de la Forteresse. Ceci dit, méfiez-vous car je retiens votre offre. Mais dîtes-moi plutôt Maena... J'hésitais un peu. Ma question était-elle trop hâtive ? Qui est-ce qui vous en veut ?

J'imaginais très mal un Laycaïste capable de faire du mal à un autre. Même à Maena. Presque tout ceux que je connaissais n'auraient sûrement jamais laissé un camarade en mauvaise position sur le champ de bataille. À part peut-être... Non, non, ce n'était pas le moment de faire des suppositions hasardeuses et de commencer à cracher du venin sur quelques Laycaïstes un peu plus... comment dire ? Rochons ? Turbulents ? Perturbés ? Mal-aimables ? Alvairables ? Ah non ! J'ai dis qu'on allait pas commencer les potins de mégères !
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyMer 26 Oct - 18:58


L'air ne fait pas la chanson.


Castiel.
Toi et tes épingles, j'te jure, vous m'perdrez un jour. Attends, qu'est-ce que tu fous? Eh, Castiel, j'peux savoir à quoi tu joues? Hé, j'te cause. Oh, l'marrant, qu'est-ce qui t'fait rire? C'est à cause de toi que j'pisse le sang, hein! Mis à part ça, tout va bien, hein. Enflure! Mais balance pas ta tête comme ça, enfin! Ma tresse, t'as... T'as buté ma tresse! Chié, Castiel, sérieux! T'as défait toute ma coiffure magnifique! J'ai passé dix plombes sur une tresse, et toi en huit millièmes de secondes tu la ruines. J'suis blasé, là. Et j'fais quoi, du coup, hein? J'attends d'me vider? Ouais, c'est bien, ça, Castiel, normal. La prochaine fois que t'auras la merveilleuse idée de te fourrer des aiguilles dans les ch'veux, tu m'f'ras signe, comme ça j'pourrais t'en foutre une comme il faut avant de t'jeter d'la corniche! Toi et tes réflexes à la con, Castiel, j'te jure que vous pouvez aller vous faire foutre. J'te jure que si j'chope une saloperie à cause de ton réflexe d'auto-défense de merde, je t'en fais bouffer cent de tes aiguilles. Puis c'est même pas une aiguille d'après c'que tu m'chantes, là. C'est une épingle pour les ch'veux. Tu veux bien m'dire à quoi elle sert, toute seule, ta putain d'pince? Dans TA tignasse, quoi. T'as vu l'épaisseur? Si y'en avait une trentaine j'aurai bien voulu comprendre, mais là elle fait pitié ta pince. Comment t'as dit qu'ça s'appelait, déjà? Bobby spic, un truc comme ça, j'sais plus. Non mais sérieux, arrête vieux. Si c'est pour empaler les veines des gens, tu prends... Tu... Que, tsss. Va t'faire foutre, Castiel.
Contact. C'est le premier venant de toi, Castiel. La toute première fois que tu oses poser tes mains sur moi. J't'en veux pas, Castiel. Mais j'n'en veux pas. J'en veux pas, Castiel. C'est salé et ça irrite. Ça va infecter la plaie. Dégage, Castiel, bouge-toi d'foutre le camp.
Touche pas.
Non, touche pas.

- Ne vous inquiétez pas, je laverais les draps. Comme je l'avais toujours fait.
- J'm'en occuperai, c'est bon.

Touche pas, j'te dis, arrête. Arrête tes conneries, Castiel, j't'en prie. S'il te plait. Pour moi. Non, lâche. J'vais bien pouvoir l'enlever, Castiel, je suis grand maintenant. Puis t'as quel âge, Castiel? La vingtaine? À peu près, non? Laisse-moi, Castiel. Laisse, j'te dis. J'vais m'débrouiller tout seul. Pitié, Castiel, non. Pas ça. Pas là, pas comme ça. Pas toi. Pas toi Castiel. Pas toi. T'as pas l'droit d'me faire ça, Castiel. Ça s'fait pas. C'est vil, et cruel. Castiel, non, s'il te plait. Si ce n'est pas pour moi, fais-le pour toi. Pour tes yeux. Présèrve-les de ça, s'il te plait. Ne les vois pas, s'il te plait. S'il te plait. C'est pas pour rien qu'il y a des bandes autour des poignets, Castiel. Castiel, réfléchis. S'il te plait, Castiel. Tu vas les voir, il va les voir, j'suis sûr. Il ne doit pas les voir, putain. Il ne doit pas. Castiel. Je t'en conjure Castiel, arr/Aïe! ... Castiel j't'avais dit d'lâcher mes poignets. Tu bouges, et les courants d'air que tu créés, bien qu'infimes, ils transportent ton odeur. Similaire au Rem, de Réminiscence. Soixante et onze euros, un peu plus j'crois. Odeur des vagues, Castiel. Odeur de l'océan. Il ont du se servir de toi. C'est pour ça que tu as la peau grise. Des expériences. On a du te presser. Te presser jusqu'à la moelle pour te faire dégorger toute ton essence et la mettre dans un flacon. Te droguer pour ne pas supporter tes cris de douleurs. T'injecter je n'sais quoi pour que tu oublies les séances de torture qui t'étaient infligées chaque jour, chaque nuit. Ils ont bien joué leur coup, les types. La preuve, tu trouverais ça absurde si je t'en parlais. Qu'est t'en sais, Castiel. Si ça s'trouve c'est ça. Tu t'en fous. Rien n'égalera la source, et ça, tu le sais. Et crois-moi, tu as plus que raison. Aucun parfum au monde ne peut aussi bien suinter l'âpreté mesquine et putréfiée que le tien. Toi, tu es l'origine de cette ignominie, tu l'sais. C'est de ta faute, Castiel. Tout est ta faute. Si toi et ta pute d'eau n'aviez pas été là, moi non plus je ne serai pas là. Je n'aurai pas été moi, et personne n'aurait eu besoin de ma présence ici. J'aurai pu crever en paix j'sais pas où, et jamais j'n'aurai été invoqué dans ce monde de tarés. Jamais personne n'aurait eu besoin de moi, et jamais j'n'aurai eu à te rencontrer. Jamais j'n'aurai eu à te les montrer. Ma hantise, pour le coup, ce serait que tu les voies, et que tu m'questionnes dessus. Je sais pas d'où elles viennes, t'as compris? J'en sais rien. Elles sont là, c'tout. Ah, tu bouges. Je n'te r'gardes plus, tu sais. J'ai les yeux rivés ailleurs, tu l'as bien compris. Je regarde le poignet que tu t'amuses à panser. J'me dis que la nouvelle plaie est un peu trop haute pour que tu puisses les voir. C'pas plus mal, remarque. C'est bon, j'vais pas mourir. 'Fin, tu le sais aussi bien qu'moi vu que tu m'fais chier avec ça. Ouais non mais c'est bon, Castiel, j'ai bien compris qu'tu t'foutais d'moi. Tu peux la boucler maintenant. Putain... Bon, ça y est, t'as fini de m'envoyer dans la gueule tes piques médisantes? Pauvre enfoiré. Bon. Résultat, j'me r'trouve avec un pansement sur le poignet, moi. Et quel pansement. Layca, dis-moi franch'ment. Est-ce que tu m'détèstes? Non parce que. M'envoyer le plus gros boulet du monde, à la limite je comprends. Me ridiculiser, dah, ça passe encore. Mais là, m'obliger à porter un pansement rose bonbon avec une tête de chat genre... un peu dessin japonais, t'sais, toute blanche avec un gros nœud rose autour d'une oreille... J'le mérite vraiment? J'suis désolé, Layca. Sérieux. Peu importe c'que j't'ai fait, mais pardon, vieux. Sérieux.
Enlevez-moi c't'horreur du poigneeeeet!

- Bravo, Monsieur Raphaëlita, je vous annonce que vous n'êtes officiellement plus en danger de mort.

Gnagnagna. Ça va, pas besoin d'en rajouter non plus. J'veux te tirer la langue et te faire une grimace. Sauf que tu sais quoi? J'PORTE UN MASQUE. Haha, génial. Bon, on fait quoi maintenant? J'te saute au cou en hurlant merci, puis on réveille tous les calus d'chez Layca et on se fait lapider sur le Champs de Mars? Ouais, bon plan ça. Non, en fait non. Tu bouges. T'arrêtes pas d'bouger, toi. Et qu'est-ce que tu fous? Tu veux que j'te dise? Tu fais une connerie, vieux. T'sais pas c'qu'il fait, ce débile. Ben il chope les mèches devant mon œil et le masque et il les attache avec sa pince de merde sur le sommet d'mon crâne. Yeah. Ultra funky. J'fais ma tête de blasé. J'force pas des masses pour la faire, remarque. Erm. J'vais l'immoler.

- Voici le trophée de votre victoire.

Haha, super marrant. Ducon, tu crois que j'ai qu'ça à foutre? J'dois avoir l'air hyper malin pour le coup. Ouais, voilà, on va dire que c'est pour faire plaisir à Castiel hein. Tu la mériterais, la grimace, j'te jure. D'ailleurs j'sais pas c'qui m'retient. T'as rien à craindre avec une grimace. Juste, j'te tire la langue. C'est rien, ça, tirer la langue. Ouais, sans doute. Ah oui mais non. Y'a les marques. Pas touche au masque. J'peux pas assumer ça. T'as d'la chance, Castiel. T'as d'la chance d'être ignorant. C'est la tienne, de victoire. J'en ai pas branlé une, comme d'hab'. C'est à toi qu'il revient, le mérite. C'est pas moi qui ai du sang sur ma chemise. Mon sang. Quelque part Castiel, on est ensemble maintenant. Va faire partir une tâche d'hémoglobine complètement, tu reviendras m'voir quand ça sera fait. Même si c'est tout petit. Ça s'enlève pas, le sang. Ça se garde. Toujours, une infime trace. Et crois-moi, Castiel. J'suis tout sauf un menteur. Cette ridicule, toute petite, misérable petite tâche de sang, elle va pas seulement te pourrir la chemise. C'est par un pacte maudit que nous sommes liés, à présent. Quoi, t'y crois pas? C'comme tu veux, Castiel. Moi j'y crois. J'y crois à fond. Notre lien est enduit de malheur. J't'avais bien dit qu'traîner avec moi c'était la loose, Castiel. Viens pas te plaindre après. Enfin. Comme ça peut-être que tu comprendras qu'il ne faut pas jouer avec moi. J'ai les yeux rivés sur la tâche du lit. Putain, ça m'démange. Y'a tout qu'est blanc, et là d'un coup t'as du rouge. J'peux pas, ça m'rend malade. Putain. N'y pense plus Maena, relève les y-non! Faut pas que j'croise son regard. J'suis foutu sinon. J'peux pas. Je fais quoi, je fais quoi...? Bon reste sur la tâche. Au moins t'es pas obligé de te perdre dans ses yeux, hein. Au moins. Rah mais ça m'rend dingue, c'te tâche! Faut pas que j'me concentre trop d'ssus... Puis y'a l'pansement, aussi, j'vais pas supporter. Castiel, j'vais péter les plombs.

- Vous avez un joli visage, c'est dommage de le cacher.

Tsss. Tu parles d'un vis... Merde. Non, pas tes yeux. Pas tes yeux, non. Ne les regardes pas, Maena, non, non.

L'eau. Bruitage gravillonné des gouttelettes contre les galets. Une à une.
Compte-goutte.
Ferme les yeux et écoute.
Le jet d'eau contre la céramique. Toi, perdu entre ta raison et ton inconscient.
L'eau qui s'écoule sans but. Tes os fourbus, ton échine frêle. Le siphon qui laisse l'eau s'évacuer, propre et limpide, dans les égouts sales d'une ville pourrie. Les carreaux de la mosaïque au mur intacts. La plante verte encore debout sur son socle, la colonne fière et droite, les lumières parfaites, le miroir impeccable, la porcelaine ivoire du lavabo brillante, les jointures du carrelage au sol parfaitement alignées, les cosmétiques à leur juste place.
Tout est parfait. Absolument parfait.
Le miroir s'enfume. L'eau se met à couler. Le blanc n'est plus si blanc. Le rasoir disparait. La beauté diaphane réfléchie jusqu'à lors n'existe plus. Il s'en va, il s'envole. La baignoire et ses galets au sol. La mosaïque frappée de toutes ses forces. Il allume le jet, l'eau est glacée. Il n'a déjà plus de haut, déchire ses bandes, conserve son caleçon et le laisse se noyer. Ses yeux sont verts. Verts d'eau. L'eau roule. L'eau s'enfuit. Il est là et il regarde. Le rasoir se brise contre l'étagère, les lames tranchantes fusent vers la sainte terre. Nerveux. Il se retourne, d'un mouvement brutal envoie valser l'allégorie de la nature encore vivante. La fresque de Gautama se teinte d'eau. Les pleurs suintent les carrés bruns qui font de lui Bouddha. Le jet s'écrase au fond de la baignoire. Tout s'écroule autour de lui, mais lui n'a d'yeux que pour les diamants éparpillés çà et là autour de lui. Il s'effondre au sol. Tout l'imite. Les rétines sont brûlées par les rayons lumineux des ampoules basse consommation. Le gargarisme perpétuel de l'eau lui fait oublier son désarroi. Il en trouve un, devant lui. Il l'attrape, et il l'enfonce dans son poignet amaigri. Il a du mal à l'enfoncer. L'épiderme est aussi dur que le marbre. Il s'entaille. Il continue. L'eau s'écoule, et il devient fou. Il se relève, retombe à genoux pour en récupérer une autre, laisser tomber la fidèle, s'attaquer à l'autre poignet. Des contusions. Quelques bleus. Rien d'anormal, et il sombre dans les méandres les plus obscurs de son âme. Il plante l'épine, se fait violence pour ne pas crier. Il le veut. Il veut sentir. Il veut connaître. Il faut qu'il sache. Alors il assume. Il fait, et il ne regrette rien. Le cœur de tout. Leur essence à eux. Il veut découvrir. Être choquant, choqué. Il se scie. Il se tuméfie. Il s'entrave lorsqu'il se relève, il se laisse tomber dans l'eau contenue dans le bassin. Elle est devenue brûlante, et il adore ça. Le terreau s'est répandu sur le sol, et les racines issues de Gaïa prennent leur sève dans un carmin discret étalé un peu partout. Il renverse tous les flacons des étagères. L'odeur de Fahrenheit mélangée à celle du Cerruti 18881 donne un tout puissant. Ecoeurant. Il s'empare de leur corps en éclats, tranche avec leur aide son propre cadavre. Ses doigts se couvrent de coupures bénignes, ses poignets sont à bout de force. Le bain moussant remplit sa fonction avec brio, et les bulles s'élèvent au-dessus de son crâne. Il se laisse plonger dans l'eau, lui qui ne voulait pas se tremper. Ses jambes sont noyées. Ses cheveux commencent à suffoquer. La brume assiège son royaume, et il n'en a cure. Le dissolvant du parfum le fait grincer des dents. Il le lâche dans l'eau, attrape le jet, l'enfonce sur ses marques profondes. Rien n'est plus docile que l'empreinte ardente du fer rouge contre le carmin. Il s'éviscère, et il n'en a cure. Il se vide, il n'en a que faire. Ses diableries incessantes le feraient sans doute rire s'il s'en rendait compte. Mais il n'en a cure. Et il se relève, sans but. Il connait son destin. Il connait les mythes tragiques. Il est de ceux qui luttent. L'eau canalisée vient briser le miroir d'en face. Sous l'envol, il recule, et sa plante de pied hurle à l'attention. Le carmin s'en échappe. Il s'assoit, se laisse glisser contre le mur, arrache sans préavis le vestige du Tuscan Leather à plus de quatre cent vingt euros. L'oisiveté. Le luxe. La pléthore et l'opulence causeront sa perte. Il le savait plus que de raison.


Ils sont magnifiques, ces yeux.


Nous.


Gautama pleure. Il lui fait pitié. Il en jouait. Or et argent. Diamant, émeraude, rubis, saphir, topaze, améthyste, grenat, turquoise, corail, perle, ambre, jade. Si juvénile. Si peu précieux. Rien, non, rien au monde ne valait le savoir. Rien au monde ne pouvait prétendre concurrencer le pétrole. Le gasoil, l'essence. Le goudron. Le noir. La pâte visqueuse, collante et noir. Celle qui respire le corbeau. Celle qui noie l'hirondelle. Celle qui englue et dévore. Celle qui mazoute et qui pollue. Cette saloperie là. Celle qui est vécue, celle qui a vu du pays. Celle qui perd ses couleurs. Cette immondice. Il récupère un fragment du reflet, sourit, déchire son genou. Trésaille, s'écroule. Rien ne vaut l'éclat du carmin. Plus d'eau. Conduit encore actif. Il s'appuie là où il le peut encore, et voit ses paumes couvertes du carmin. Il défaille, tombe contre la céramique du robinet. L'ouvre, fait disparaître pour un temps la précieuse effluve, récupère le jet, le projette dans la baignoire. À sa juste place. Tout va tellement vite. Tout est tellement empêtré dans le brouillard. Il ne voit plus rien. Il tousse. Il y a un grand bruit derrière la porte. Il a jeté la clef dans le siphon. Navire apaisant, réclusion à perpétuité. Plus personne n'entrera dans son caveau aquatique. Plus personne ne jugera bon de défoncer cette porte. On le laissera là. En paix. Il s'allonge. Il profite de la morsure bouillante de l'eau pour anesthésier les plaies. Plus peur. Plus besoin de cette peur factice. Tout est si faux, ici. Tout est tellement fortuite. Rien ne compte. Plus rien ne compte, surtout pas la peur de voir ses poumons emplis de la substance la plus ignoble que ce monde ait eu à porter. Plus rien n'y fait. Le carmin ne sert à rien. Il veut savoir. Il veut connaître, il veut comprendre. Qu'est-ce que possède le carmin pour être aussi délicieux. Pour être aussi envoûtant. Il l'ignore et cherche la vérité. Alors il s'entaille la cuisse. Le verre se loge dans sa chair à de multiples endroits, et il ne sent rien. Ses cheveux sont trempés, il a inondé son Eden. L'eau s'infiltre sous la porte. Noyade. Marécage. Le robinet est toujours ouvert. Le carmin s'enfuit avec l'eau lorsqu'il ne s'incruste pas près de Gautama, sur les mosaïques ou entre deux carreaux du sol. Le noir autour de ses yeux perlent sur ses joues. C'est le seul instant où il juge bon de poser l'instrument de mutilation improvisé. Il écarte son maquillage avec ses mains. Ses mains couvertes de carmin, carmin lui-même provenant d'ailleurs. Le faciès n'est plus noir, c'est déjà ça. Légèrement rougi. Comme empoisonné. Il récupère l'éclat, le porte à sa peau. C'est à peine s'il frôle l'œil. Il le touche, en quelques sortes. Le coin. Et il l'étire. Il étire son empreinte. Il descend d'un cran, géométrie verticale. Tout ce qui est à la gauche est maudit. Tout ce qui est à la gauche doit être purifié. Visage y compris. Surtout le visage. Le carmin s'échappe de son être, accompagnant ainsi sa conscience. Il sait qu'il se blesse, et il sait qu'il se fait du bien. Il se libère de l'être de chair. Il acquiert le statut d'Éveillé. Gautama devrait être fier.
Des milliers d'éclats de verre, éparpillés autour de lui ou incrustés dans sa chair. La viande ne suffit plus. Il lui faut la nuque. Il entreprend sa découpe. Les coups sur le bois d'en face se font de plus en plus insistants, il ne les entend pas. Isolé. Expérimental. Puis plus rien. Le carmin s'enivre de cette nouvelle liberté. Il se dirige vers le bas-ventre. Ouverture horizontale. Belle. Il se sent si tranquille. Si peu angoissé, angoissé de rien. Il est bien, comme ça. Tout s'évacue. Tout s'enfuit. Mais il n'est pas satisfait et ne le sera jamais. Il approche ses griffes vermeille des lacérations de son poignet meurtri. Et il gratte. Il gratte comme jamais. Il gratte. Il ouvre. Il pénètre. Il gratte. Il écarte. Il se vide, il se vide, et il sourit. Son œil gauche ne répond plus, noyé sous le carmin. Tout le bassin est embourbé dans le carmin. Tout le territoire est recouvert par le carmin. Gautama pleure comme jamais il n'a pleuré. Les réceptifs olfactifs sont enivrés par le plaisir. Il y a du carmin partout. Les ampoules grésillent, se rallument en grands projecteurs. Le remous de ses vagues devient insupportables. Les racines ont trouvé leur bonheur dans une nouvelle sève. Les fleurs seront teintées par la passion. Amour différent de la tradition. Au Diable le protocole. Ils peuvent être heureux de le voir dans cet état de bien-être palpable. Éventuellement. Et la porte cède. Sur le coup, il ne réagit pas. Il se gratte encore et encore. Mais l'ombre qui s'approche se fait menaçante, et il sait que le châtiment approche. Il s'appuie là où il le peut, état léthargique. Il se dresse, tremblant, fragile, contre le mur. Narcoleptique. Ses yeux sont vides. Ni verts, ni bleus. La Toute-Puissance traverse l'océan de son empire en un rien de temps, lui bloque les poignets contre la paroi brûlante. Ses mains bienfaitrices se teintent du carmin ennemi. Le verre cède, s'écroule près du jet. Fracas cristallin. Et le cœur. Le cœur qui bat. Le cœur dont le rythme s'abaisse. S'affaisse. Celui du Tout-Puissant bat à tout rompre. Celui de la Sirène en mal de carmin s'échappe, à l'image de ses soupirs incessants. Comme si le souffle lui manquait. Les larmes conduisent le carmin là où personne n'y prêtera attention. Au creux des canalisations. Fuite.
L'Envoyée des Profondeurs accomplit son devoir. L'un atteint le bonheur alors qu'il devrait être enchaîné à jamais à sa stèle infernale, l'autre retrouve sa liberté suite aux troubles artériels dus à la condition de son porteur. Cette épopée trop euphorique est une vraie catastrophe. Mais il faut bien une fidèle à sa fonction primaire.
Il se met à rire comme un dément. Il y a du carmin partout.


Toi. Toi, tu as un beau visage, Castiel.
Elles sont là, elles le recouvrent. Je le sais, je les sens. je n'veux pas les voir. Elles sont immondes. Quoiqu'il en coûte, elles sont immondes. Elle ne sont pas naturelles. Elles sont laides à en mourir. Je n'veux pas, non. Je n'veux pas connaître leur forme. Je ne veux pas. Je n'veux pas les voir. Elles sont assumées, si. Sous les bandes. Derrière le masque. Elles n'ont pas à être exhibées, j'refuse. Pas moyen. Elles n'ont pas besoin d'être présentées au monde entier pour me pourrir. La preuve est là. J'en ai marre de ça. Y'a un truc qui va pas. J'décroche pas du sang. De mon sang. Une goutte. Un cercle étonnamment régulier, relativ'ment régulier on va dire, et un tout, tout petit filet à côté. C'est si infime que ça paraît complètement stupide de fixer ça comme ça. Et pourtant, depuis qu'c'est là, j'me sens plus. Ce que j'sens, par contre, c'est qu'on touche à mes cheveux. On les tresse. Ben tiens, après avoir foutu en l'air mon travail on veut s'faire racheter? Logiiique. Merci pour cette collaboration fabuleuse Castiel. Tu m'excuses, j'sais pas faire la cherleader et j'ai ni pompons ni jupette alors j'peux pas t'encourager. C'pas l'envie de m'foutre de toi qui me manque non plus, m'enfin ça f'rait un peu désordre quand même. 'Fin c'que j'en dis. Et c'est même pas cohérent deux minutes, c'que j'dis. Rien à foutre. Tu m'tresses la tignasse. Bon courage, putain, même moi j'ai abandonné l'idée d'les coiffer. Et en plus, tu fais des commentaires. Ben voyons, j'assiste à un cours de tressage de ch'veux. On a vraiment plus aucun amour propre. Daaah. Il tire à peine. En fait, j'le sens quasiment pas. J'suis sûr que c'est l'habitude de tresser les cheveux des gens. Tu parles d'une vocation, toi... Faut que j'me rappelle de pas traiter tout l'temps avec Castiel. J'ai finir par me prendre pour un espèce de gros nounours tout doux et tout gentil, à force. Bwarf. Au moins j'pourrai servir de peluche aux plus faibles et de punching-ball pour les plus virils. Elle s'rait cool, ma vie, putain.
Il finira jamais, Castiel. C'pas pour rien que j'mets une capuche, vieux, tu crois quoi? C'est incoiffable, comme touffe. Ce sont des nœuds, des nœuds, et encore des nœuds. Toute ma vie capillaire se résume à des nœuds. Je sais, c'magnifique et palpitant mais bon, j'suis pas encore tombé dans l'hypocrisie la plus totale. Ou dans la mythomanie, à voir. J'le laisse faire. T'as commencé, tu finis. C'comme ça. Et s'il a peur que j'me fasse chier, qu'il s'rassure direct: y'a l'sang pour m'occuper. Regarde moi c'te merveille. À peine là, et c'est instinctivement qu'elle vient détruire la plus pure des toiles. Y'avait rien, à l'origine, et il lui suffit d'une nanoseconde pour attirer l'regard. Elle est différente, elle est sublime. Elle vient de moi. Elle est rouge. Tout en moi est rouge. Ma viande est rouge aussi. Ce qu'il y a à l'intérieur de moi, c'est vermeille. C'est beau. Comme ce qu'il y a à l'extérieur, remarque. Et c'est d'autant plus vrai lorsque ma beauté intérieure s'intègre à l'extérieur. Regarde-la, si jolie. Toute seule, perdue au milieu de ce désert immaculé, juste elle, ici, là, comme ça. On s'ressemble un peu, quelque part. On s'retrouve là, tous seuls, sans réellement comprendre pourquoi on est sorti de notre chrysalide. Jusqu'à ce qu'on tombe sur un autre différent. Et on s'fait des tresses chacun notre tour, c'est notre passion commune. J'en ai marre d'être con.
J'ai une image dans la tête. Des gens. Quatre gens, pas plus. Tous derrière un espèce de cadre noir, dans lequel on a étiré un papier bizarre, un peu fluide, et coloré. Un vert, un magenta, un turquoise et un jaune. Ces gens, ils sourient. Et voilà.
À côté de ça, j'ai le regard gravé sur la carmine. Puis sur la grosse tête de félidé qui squatte mon poignet. Rond, chat. Rond, chat. Il se bat avec les pointes. Mais en fait, il est allé super vite. C'est moi qui perd la notion du temps. J'ai vraiment plus rien à foutre de ma vie, j'crois. J'commence à toucher l'hémoglobine. Elle est déjà bien encrée dans l'tissu, pas moyen de l'enlever. Alors pour me l'enlever de la tête, je la recouvre d'un pli du drap. Mais j'sais qu'elle est toujours là et ça me fait mal au cœur. J'le sens battre, c'est bizarre. En fait, j'le sens en canon. Je sais que celui du monde du passé respire toujours. Il vit, lui aussi. Tsss. J'regarde le chat, et j'commence à le gratter. J'aime pas ça. Ni le pansement, ni c'que j'fais. Je sais c'qu'il va s'passer. Faut pas qu'ça s'passe. Faut pas.
Je sens une masse sur mon épaule droite. Il a fini, visiblement. Dur. Il avait vraiment rien d'autre à foutre, cet abruti. Il aurait du les laisser là où ils étaient, mes ch'veux. Putain Castiel, t'as le don pour tout faire d'travers. Ça va plus du tout, Castiel. Ça va vraiment plus du tout. Faut que j'me débarrasse de la tâche ou ça va m'rendre cinglé. T'es fier de toi, ça se sent. Tu restes dans mon dos et c'est parfait comme ça. Ne t'approches pas de moi. Reste... loin, loin d'moi. Arrête de t'gratter, Maena, arrête. Regarde sa tresse. regarde c'travail. C'est beau, c'est vrai, c'est beau. J'la prends, j'la caresse. Ca m'plait. C'est bien d'avoir réussi à les coiffer. C'est même génial. J'dois m'gratter. C'est intenable, j'peux pas. J'ai l'regard perdu. Faut pas que j'me r'tourne, faut pas qu'il revienne face à moi. J'dois pas, j'dois pas. Il me parle. Teuh, il me dit qu'il se démerdera pour tout nettoyer. S'il y tient tant qu'ça... Et il va parler, encore. J'aime pas qu'on m'vouvoie. Puis, t'as pas une voix comme la mienne. T'es différent. T'es pas pareil, mais t'es pas laid. Pourtant j'suis la référence. Tout ce qui s'éloigne du modèle n'est pas beau, c'est évident. Tu dois être un modèle, toi aussi. Mais t'es pas pareil. J'suis fou, je sais. Et tu m'demandes qui m'en veut. T'es trop marrant. Tell'ment qu'j'en ris pour de vrai. Trop niais, j'te jure.

- C'est vrai que t'es pas un paria, Castiel. Désolé. Et merci pour la tresse, au fait. J'la lâche, la fait basculer face à lui, dans mon dos. J'attaque la tête de psycho-chat comme un parano. J'ai les ongles longs, pour une fois que j'me les bouffe pas, et j'deviens rouge. J'ai perdu l'habitude de m'gratter, j'aurai pas pris le risque de les laisser pousser sinon. Mais j'reste quand même solide. Même pas mal. - Tout l'monde, Castiel. Tout l'monde. Quand t'aspires pas aux même ambitions que la masse, tout l'monde t'en veut. Y'en a qui t'supportent plus que d'autres. D'autres, ça peut être à peu près n'importe qui, comme cet anoitos d'enfoiré de merde qui a voulu m'noyer dans les bassins. Le chien à ce merdeux qui nous sert d'fils à Layca, tu sais. Ce petit soumis là. Avec sa tête de chien battu tell'ment malheureux de d'voir mener cette guerre injuste et inutile au nom de cher patéras. Eux deux, ce sont les pires. Ils t'en veulent parce que t'as une sale gueule et ils t'disent rien. Ils t'laissent comme ça, et ils te font une réputation de fou furieux, de malade mental, de dégéréné derrière ton dos. T'as rien fait à personne, t'es lié à personne parce que t'aime pas être mêlé à ces gueux. Du coup, personne n'tient à toi. Ça m'irrite, et j'vois la tâche. Le pli est retombé, il faut la cacher ou j'vais craquer dans deux s'condes. J'abandonne l'pansement, j'm'attaque au carmin. On te fuit. On te fuit parce que tu fais peur, t'es craint entre les murs d'la Forteresse. T'as une sale réput' parce que t'as un pouvoir destructeur et pas dosable.

Ça part pas en grattant, putain. J'peux faire qu... L'épingle. Elle est où, putain? Mes ch'veux. J'l'enlève, me retrouve avec toutes mes mèches devant l'œil. Je tremble. J'me sens pas bien. J'suis pas malade, mais j'ai mal au crâne. J'te jure j'ai rien pris et j'ai rien fait. T'étais avec moi, de toutes façons. Ma tête va exploser. Bwahaha, le comble. J'vais crever et j'trouve encore l'moyen d'faire de l'humour. Pitoyable. J'ai relevé les yeux/j'les ai condamné à rester contre la tâche. J'plante l'épingle dans le tissu, et j'la plante plus loin. Le carmin a disparu. Il n'y a plus de carmin. J'retourne à mon poignet.

- Avec toi, il n'y a pas de demi-mesure. C'est marche ou crève, l'affaire est réglée. T'as pas d'empathie à avoir, t'ouvres la bouche et tu tues. T'es un psychopathe, tu fais qu'ça, tuer. Alors on a peur de toi. Toi qui tue, toi qui rend service à buter tous les cloportes ennemis, mais toi qui passe ta vie à écraser celle des autres. C'est ton rôle pourtant de servir l'patéras. T'es là pour ça. Et on t'renvoie qu'du mépris. D'la peur, d'la crainte. On a peur de ton pouvoir, on a peur de ton masque, on a peur de ce qui s'passe dans ta tête de taré, on a peur et c'est tout. Tu aiderais ce qui te fait peur, toi, Castiel? M'fais pas rire. Tu s'rais même content qu'ça disparaisse. J'ai plus d'poignet. J'viens d'arracher l'pansement. Ça saigne pas. Comme quoi Layca connait les miracles quand ça l'arrange. Ça va pas bien. Merde. 'Fin, c'est l'même principe. Tout l'monde, Castiel. Sans aucune exception. On a trop peur de risquer sa vie en la mêlant à la tienne, et si tu peux disparaître, c'est avec un immense sourire qu'on t'y encourage ou qu'on t'y pousse. Et c'est encore mieux si t'es fêlé comme moi.

J'ai atrocement chaud. Comme une énorme bouffée, je sais pas. C'est étouffant. J'recolle le pansement. Du moins j'essaye. Finalement, j'me contente de le reposer sur la plaie, puis voilà. Faut qu'j'enlève le masque, mais il est là. J'vais mourir si j'l'enlève pas de suite. J'dois pas l'blesser. J'dois pas. Ce serait comme empêcher mon cœur de battre. J'peux pas toucher à l'eau, j'peux pas. Elle glisse entre mes mains, tout l'temps. J'peux pas. J'peux pas. J'ai relevé les yeux, et je bouge plus. J'ai croisé tes yeux, et j'en décroche plus. T'es splendide comme ça. T'as pas l'air serein. 'Fin j'dis ça, j'suis pas psy. Mais t'as pas l'air rassuré. T'as jamais eu l'air rassuré avec moi, j'suis con. Là encore moins, du coup. Ha, t'as p't'être compris, final'ment. Ou alors justement non, et c'est ça qui t'angoisse. Tu parles d'une préoccupation, Castiel.

- Navré Castiel. j'dois vraiment l'enlever, j'en peux plus. J'le remets vite, c'est promis.

J'ris. J'ai vraiment qu'ça à foutre. Un engrenage dans le cou, deux, et je le retire. Les bandes sont toujours là. Rituel conséquent mais nécessaire. J'respire enfin. Avec toi, j'ai l'impression d'me noyer, Castiel. Tu devrais exister, mais en version sèche. En version zéro humidité. Là, tu serais aussi parfait que moi. Mes yeux n'ont pas quitté les tiens. Je suis navré, Castiel. Vraiment. Mais quand on croise ton regard, plus rien ne compte. Plus rien. Ils sont beaux, tes iris. Tellement doux. Tellement paisibles. Très légères vagues, sans plus. Ils s'obscurcissent lorsque tu es déçu, troublé, ou un peu en colère. C'est ça? J'sais pas. Je connais pas leur couleur de base, je peux rien dire dessus. Rien, sauf qu'ils sont toujours magnifiques. Quelque soit ton état d'esprit, Castiel. Ta force, ce sont ces deux marécages que tu as au milieu du visage. Rien d'autre qu'eux.
Tu es la banquise de mon volcan. Fils du Froid. Tu n'es pas laid, Castiel. Je n't'offrirai pas ce sourire si l'inverse avait été avéré. Tu peux les voir, mes lèvres. Tu peux voir la toute, toute petite marque sur l'inférieure. Je sais pas à quoi elle ressemble, j'ai jamais osé la regarder. Comme toutes les autres. Mais j'la sens. Quand j'pose le revers de ma main dessus pour expirer, et pour t'éviter au mieux un mal de crâne à s'en fracasser l'nez contre les murs. J'la sens. Tu ne la vois pas, j'veux pas. Tu n'la vois pas. Ca dure quoi, dix secondes à tout casser. Tu auras vu la plus belle merveille de ce monde pendant dix secondes. Tu peux être fier, Castiel. C'est rare, d'avoir ce spectacle pour soi. T'la joue pas, vieux. C'était rien que pour tes beaux yeux. Et j'le remets.

- Tu ne connaîtras jamais ces difficultés là, Castiel. Trop gentil, trop aimable, et surtout trop utile à la Forteresse. Tsss. Tu mérites mieux qu'ça, Castiel. Tu n't'en rends pas compte, c'est normal, ça t'concerne. Mais tu vaux mieux que c'traitement. Puis mon visage n'est pas joli. Il prend bien la lumière, c'est tout.

Ta lumière. La lumière que génèrent tes yeux. Je ferme les miens. Les roule, et les ferme. J'bascule en arrière. T'y es pas. Tu dois être sur le côté, j'sais pas où t'es. Mais t'es toujours près de moi. T'as pas bougé. T'es là, près de moi. T'es resté. T'es resté tout c'temps, déjà. J'veux pas qu'tu partes. J'te monopolise, je sais, j'adore ça. T'es là. J'ai fermé les yeux. J'ai vu une image. Les plastiques dans les cadres venaient d'être arrachés, et les quatre gens derrière avaient passé une main sur leur visage, avaient retiré l'élastique qui tenait le carton sur lequel figurait leur sourire radieux d'entre leurs dents, et ils regardaient face à eux. Complètement neutres. Assassins, furieux. Graves. C'est tout. Y'a toujours ton odeur près d'ma tête. T'es toujours là. J'me suis allongé sur le matelas. T'es pas loin. T'es par là. J'vois des cadavres au sol. Des cadavres de rongeurs. C'est l'psycho-chat, j'te dis, c'est l'psycho-chat qu'est pas net. J'savais pas qu't'étais partisan d'la violence à c'point, Castiel. Pur et chaste, ouais. Mais t'es là. Est-c'que j'ai tué des souris, récemment...? J'sais plus. J'pense pas. Mais y'a du carmin partout. Le carmin m'poursuit. J'ouvre les yeux, et je tombe sur les tiens. Dis-le moi Castiel. Dis-le moi qu't'es dans l'coup.
C'est l'carmin qui m'rend malade. Castiel, dégage de là. Fous l'camp. Tout d'suite.

- Dis, vieux. Pourquoi t'as la peau grise? Qu'est-ce qui rend tes yeux aussi... captivants? Non, désolé... Qu'est-ce qui te rend différent des autres gars d'chez Layca? Je lève mon auriculaire vers lui, pointe chacun des éléments un à un. Coeur, oeil, encéphale. C'est Cardia? C'est Ops? C'est Nous?

Il y avait jadis deux royaumes ennemis. Castiel, là c'est le moment où j'pète les plombs. Dégage, ça va mal se terminer. J'vais te faire mal, Castiel. J'vais te blesser, j'le sais. Protège-toi, Castiel. Arrête-moi, essaye, ou protège-toi. Fuis. Fais quelque chose, Castiel, j't'en supplie.

- C'est quoi, qui te rend différent, Castiel? C'est quoi qui t'rend si attirant? C'est comment, à l'intérieur de toi? C'est bleu? Moi c'est rouge. C'est sur toi, maintenant, aussi. Ta manche. J'attrape le col de ta chemise, te tire au-dessus de moi. J'aimerai coller nos fronts entre eux pour... Me plonger dans ton bleu. On s'rait pas malheureux, tu sais. Mais... Trop symbolique. Trop beau. Je te laisse une marge de survie. Juste infiniment étroite, assez pour tenter d'attraper la brume qui s'échappe de tes profondeurs. Ma nef. Ma nymphe. Tu n'imagines même pas ce à quoi je pense. Tu ne sais pas à quoi je pense. Moi non plus, j'en sais rien. Y'a trop de choses, Castiel, bien trop de signes, d'esquisses. Je veux qu'tu m'noyes, Castiel. Fais-le. C'est quoi, qu'il me manque, Castiel? Qu'est-ce qui me fait défaut par rapport à toi?

Je suis fou. Je suis malade. Je te lâche, tu t'éloignes. C'est normal. Je me déçois. Je ne voulais pas, Castiel. Je suis désolé. J'ai pris froid dans ton océan polaire, et j'ai envie d'en être immergé. Il fait doux, tout à coup. J'suis sûr que ton sang est bleu. Comme tes yeux. Et ta viande, ta chair, Castiel, c'est comment? Le Prince Ardent a toujours été un peu trop curieux, tu sais, Castiel.
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Le spleen de l'océan

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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptySam 5 Nov - 9:46

Let the only sound be the overflow.
J'aurais du le voir aux marques. J'aurais du comprendre tout de suite. Mais je ne l'ai pas fait. J'ai fermé mes yeux, j'ai fermé mon âme. J'ai fait comme si de rien n'était, toujours. Comme si j'avais peur d'être sur le point de découvrir une réalité trop laid pour être supportable. Au final, il me faisait toujours peur ce personnage masqué mais d'une façon différente. Ce n'était plus la peur d'être blessé physiquement qui me hantait mais celle d'être touché dans mon essence même qui me faisait mal au ventre. Mes oreilles s'étaient closes. Il grattait. J'avais beau faire mon possible pour ignorer le bruit des ongles sur le tissu, la peau mais au final ça revenait quand même. Comme une ritournelle infernale. J'essayais de réciter la même mélodie dans le coin de mon crâne.
Quand il me prend dans ses bras... J'aimais bien Piaf...
Je me suis reculé, je l'ai laissé observer la tresse avec un sourire satisfait et pas peu fier. Il fallait passer à autre chose. Les cicatrices tant qu'on y touche pas, elles finissent par se refermer avec le temps. Oui, du temps. Le temps emportait tout, les plaies, les maux, les souvenirs. Il ne laissait que de vagues trainées salées et amères derrière soi comme pour désinfecter ou... empoisonner ? Dans le fond, le temps était un océan. Il allait et venait et lavait tout sur son passage sans qu'on puisse l'en empêcher. Ses flots pouvaient être dévastateurs comme apaisants. Le temps s'en fichait des hommes. Il passait et c'était tout.
Des mots de tous les jours...
Je baissais les yeux et regardais les tâches sur ma chemise. Rouges. On avait tous le même sang, tous la même chair. On était tous pareils. On tâchait tous en rouge. La même crasse, la même souillure carmine dans les veines. Oh, Maena, vous et moi nous sommes pareils alors pourquoi se mettre dans un tel état ? Des yeux qui font baisser les miens. Je n'osais pas levais les yeux et les frottements sur l'épiderme agressée s'accélérait tandis que la chanson se déformait de plus en plus. Au final mon crâne grattait de l'intérieur. Il y avait un insecte qui galopait et ses pattes cliquetaient, résonnaient dans ma cervelle. Stop. Stop. Je voulais que ça s'arrête. Arrête ça Maena, arrête de te gratter. Fais quelque chose, dis quelque chose par pitié mais arrête ça. Tu te blesses. Et tu me blesses aussi. Tu ne le vois pas ? Mes doigts propres doigts s'étaient resserrés sur sa manche. Réponds-moi.
Un rire qui se perd sur sa bouche. Arrêt sur image. Fin. La bestiole de mon crâne est chassée mais maintenant il y a l'écho de son rire dans ma tête. Tétanisé je le lachais et le contemplais, un air d'incompréhension d'enfant terrifié sur ma figure. Pourquoi ? Tout s'arrête, s'accélère, revient en arrière puis disparait. Je n'avais plus la force de faire chanter Edith dans ma tête. Sa voix m'emplissait tout entier au risque de me faire couler.
Il me parlait de paria, puis il me sortit un discours terrifiant. Je croyais que son pouvoir c'était celui de pouvoir tuer en enlevant son masque. J'avais tort. Chaque mot était poison, épingle dans ma chair. Je ne comprends pas ce que tu dis Maena, je ne comprends. Au final, la voix angélique m'apparaissait maintenant comme infâme, difforme. Le son du Diable lui-même. Il n'y avait plus rien de beau parce que les paroles contenaient trop de rancoeur, trop d'amertume envers le monde entier pour sonner comme un chant gracieux. C'en était trop. Tu sonnais faux Maena. Tu es désaccordé et tu ne t'en rends même pas compte. Pourquoi est-ce que tu t'égares ? J'avais mal à t'entendre. Pourquoi est-ce que toi aussi tu parles aussi de Kamui d'une telle façon. Tu ne sais pas à quel point tu me blesses. Je me tournais. J'ai une lèvre qui tremble. C'était moche. Quelque part, il réveillait cette tragique réalité que j'avais tenu à distance depuis aussi longtemps. Et en plus il avait recommencé à se gratter.
Tu étais un flot venimeux. Tes phrases sont de l'acide. Tu me brûles avec ta colère, ton antipathie, ta misanthropie. Qu'elles soient justifiées ou pas, peu m'importait. Combien de fois je les avais entendues ces genres d'abomination ? Combien de fois j'avais avalé ce venin insipide d'une vie volée, interrompue, battue, souillée, décharnée ? Et à chaque fois c'était toujours la même chose, ce même refrain. Et à force de tourner et de retourner, le cycle semblait se rouiller et devenir de plus en plus acide comme si rien ne pouvait jamais le briser. Ce n'était pas pourtant faute d'avoir essayé. Je me cassais les dents sur quelque chose qui me dépassait. Moi non plus je n'arrivais pas à me briser. Tout recommençait, sans cesse et sans cesse. J'étais partie intégrante de la roue infernale. J'étais son engrenage. À force je finirais par contre que j'en étais le moteur. Et il ne m'était pas permis de m'arrêter ni même de me casser. Tout me rattrapait. Comme à cet instant précis.
Ça continuait. Tuer. Les ennemis. La peur. La tragédie me rattrapait. La réalité revenait à moi comme un poing au milieu de la figure. J'étais prisonnier du cycle. Plus que tout le monde. Pour des paroles de ce genre. Il fallait bien se faire à l'idée : partout où j'allais, elle revenait cette affreuse, cette sordide misère humaine. Le poids du monde, le malheur des hommes étaient accrochés à mon dos comme une punition que même le temps n'avait su emporter. Qu'importe les mois, les années, les siècles. C'était toujours cette même ritournelle.
Et maintenant je faisais quoi ? Je n'avais même pas le droit d'être fatigué par les stigmates de la vie. Alors qu'étais-je censé faire ? Continuer à nouveau le cycle, me braquer, m'écraser sous les roues du destin ? Quelqu'un tirait à nouveau les fils et cette personne ce n'était pas moi.

Il enleva son masque. On aurait dit une faveur. La douleur m'avait ôté toute curiosité mais je devinais que je devais au moins lui lancer un regard par politesse. Mais cela impliquerait le laisser voir mes yeux humides. Les nuages s'étaient formés sur le paysage marin des pupilles. Gris, chargés de souffrance et de lassitude. Prêts à déverser leur chagrin sur la terre. Au final, j'aurais préféré qu'il n'enlevasse jamais son masque. Le reste de sa figure est laide dans sa beauté déformée par les mutilations. Ça me mettait franchement mal à l'aise cette exhibition soudaine. Cette indifférence avec laquelle il me jetait son portrait laminé à la figure me rendait fou. Je ne voulais pas voir. Les cicatrices étaient déjà trop personnelles. Fallait-il qu'il me fasse l'étalage de sa chair, de ses maux dès la première rencontre ? J'avais encore plus mal que lui. Souffrait-il autant au point de me tout me montrer dès notre première rencontre ? Ou bien cherchait-il simplement à me faire peur ? Je ne comprenais pas. J'étais confus, embarrassé. C'était si intime, si grave l'auto-mutilation. En général les gens la cachaient parce qu'ils en avaient hontes. Hontes d'être faibles au point de devoir s'arracher la peau pour contenir leur douleur, je suppose. Mais arrivait fatelement le point de rupture, celui où les chairs atrophiées étaient mises à nues, exposées devant les regards salés. Ce regard c'était maintenant le mien. C'était presque comme s'il me montrait une partie trop profonde, trop secrète de son être. Je me sentais mal. Je n'étais pas prêt pour une telle confidence. Les choses m'échappaient. Et maintenant que j'avais vu, je ne pouvais pas oublier. Il n'y avait plus de marche arrière possible.
Nos regards se croisèrent à nouveau. Ils allaient finir par devenir de bonnes connaissances ces deux-là à force. Alors est-ce que tu peux voir à quel point ta bouche et tout ce qui en sort sont à pleurer dans le reflet de mes pupilles ? J'espérais que tu le voies. Mais j'espérais peut-être un peu trop fort puisque tu finis par remettre ton hideux cache-bouche pour continuer et tout nier en bloc. Il le faisait exprès de se voiler la face.
Il s'allongea sur le lit et moi je regardais vaguement les draps dont les taches remontaient à son poignet, la pince. Mon sang bouillonnait dans mes veines comme si lui aussi ne demandait qu'à sortir par solidarité avec le sien. J'avais trop chaud. Je tournais la tête, tentant de reprendre mes esprits mais ma tête semblait sur le point d'exploser sous l'effet de la souffrance et du mélange d'incompréhension, de surprise et de chagrin qu'il m'avait insinué par les oreilles. Je voudrais fuir mais je savais que ce n'était pas la solution. Je voudrais rester mais dans cet état, à ce moment précis je ne savais pas quoi faire. Alors forcément, forcément, lui, il ne me laisse pas le choix, pas le loisir de me remettre. Tout semblait rapide avec Maena. Les présentations, la course, le présent, les cicatrices... Tout allait trop vite à mon goût. Il se redressait, me demandait pourquoi j'avais la peau grise.
Mais très cher, c'est parce que toi et les tiens vous m'avez décoloré biensur. Le temps est venu avec tes semblables et ils ont tout pris. Presque tout. J'avais été trop souillé, lavé, essoré par les écumes temporelles pour en avoir pu en garder la couleur de mon épiderme.
Sans que je comprenne comment et encore moins pourquoi, on m'attrapait par le col. Me voilà au-dessus de lui. Trop proche, trop proche. J'étouffe, j'asphyxie devant cette proximité non désirée et la main sur mon col me coupe le souffle. J'avais trop chaud. C'en était trop.

Les nuages se sont percés et la pluie se faufile dans le coin de mes yeux. Je n'en pouvais plus. Je suis las. Si las. L'océan voudrait se fendre en deux mais hélas, il n'avait pas trouvé de Moïse. Je voudrais pouvoir me déverser, m'assécher à tout jamais alors je pleure. Voilà c'est tout. Il y a des trainées translucides qui se faufilent sur mes joues et dégoulinent sur Maena. J'ai clos mes paupières pour que tu ne puisses pas voir les flots à l'agonie maritime. L'écume grise chagrin sort tout de même du paysage oculaire fermé et s'éclate contre les rochers charbons de ta chevelure. Je pleurais en silence. Tristesse aphasique. Ce fut une bouillie de mots à demi-étouffés qui s'échappe de mes lèvres :

- Why ? Why so much hatred, so much anger in those words of yours ? Why don't you see that your rencour is a poison to your soul ? And it is wounding you. Oh poor fellow, you are wounding yourself and you keep bleeding. The agony you are suffering from is entirely yours and still, you persist in the act of making worst and worst everyday. Why is it so ? Why are you doing this when the path of healing is right ahead you. Why are you all acting in the same wicked way ? Perishing in your own faked death. Je sanglotais encore plus fort. C'était maintenant un orage salé qui s'abattait sur Maena. Ce que je disais n'avait aucun sens. I... J'hoquetais. I once had someone dear to my heart who told me the same things as you. I tried, I tried so hard to hold him back from his madness for he was his worst demon. But now he has slipped from my fingers and never I shall see him again as the good, kind-hearted gentleman he once was. And look at me, look at us. Look what we have become now. Look where it had lead us. Je ne savais plus pourquoi je bredouillais dans ma langue natale mais je couvrais mon visage dans un soubresaut de larmes. You remind me so much of him.

That's what the water gave [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien].

Silence gêné.
Au bout d'un moment, j'essuyai du revers de ma manche souillée les gouttes diluviennes sur mon visage. Je ne savais pas combien de temps j'étais resté comme ça. Au final, le temps ne comptait plus. Au bout d'un moment, on finit par arrêter de compter. Et ma main se posa sur son torse, du côté du coeur que je sentais battre sous ma paume.

- Vous avez un coeur qui bat comme le mien. Vous saignez tout comme je saigne, Maena. Alors expliquez-moi en quoi sommes-nous différents ? J'étais moi-même un peu étonné de l'assurance douce avec laquelle je prononçais ces paroles. Quitte à être en compagnie du Diable, autant le tenter.
Si mon esprit restait tristement incapable de faire du mal à qui que ce soit, je crois que mon subconscient a appris à s'auto-défendre. Il avait de l'eau sur le visage. D'un certain point de vue, je le tenais à ma merci. Savait-il ce que moi, je pouvais faire avec mon pouvoir ? Connaissait-il le doux pseudonyme de geôlier des abysses qu'on m'avait si aimablement attribué ?
Peut-être qu'elle venait de là cette soudaine confiance. J'étais un animal comme tous. Comme lui. C'était à qui aurait le dessus. J'étais au dessus. Non. Je refusais. La raison, la vraie c'était qu'il me fallait mettre fin à cette scène pitoyable. Et je voulais finir en beauté. Mes doigts s'accrochaient aux lanières, les décrochaient, retiraient le masque quitte à avoir l'esprit encore plus mutilé par le son de son souffle.
- Vous avez tort. Sur toute la ligne. La seule chose qui nous sépare vous et moi, c'est que vous vous noyez dans votre haine et votre ressentiment pour le monde entier. Un doigt impératif se posa sur ses lèvres, comme pour lui intimer l'ordre de ne pas m'interrompre. Et maintenant vous asphyxiez. Vos poumons sont remplis de cette souffrance ardente alors vous criez, vous vous débattez mais vous ne faites que vous enfoncer dans votre propre douleur. Alors vous vous dites que c'est vous, vous vous fermez aux autres et vous les haïssez encore car eux, ils respirent, ils sont vivants, ils sont joyeux pendant que vous, vous coulez. Ça devient leur faute. Vous n'êtes pas normal, vous ne l'avez jamais été. En conséquent vous n'avez pas le droit, pas la capacité d'être heureux, d'être comme eux. Ça vous rend encore plus aigri et il y a un chagrin âcre qui vous envahit l'estomac. Vous vous faites encore plus mal, vous criez plus fort, vous effrayez encore plus et vous vous fermez encore plus. Moi je vous demande, qu'est-ce qui vous rend différent des autres ? Votre pouvoir ? Vous m'avez parlé et j'ai bu vos paroles. Je me tiens devant vous, je suis le témoin même qu'il y a une alternative possible à ce cycle de noyade, à ce chemin de violence et de rancoeur sur lequel vous persistez à vous enfoncer. Dîtes-moi que je comprends pas, appelez-moi utopiste si cela vous chante. Mais quel âge avez-vous ? Que savez-vous de ce monde ? Avez-vous la prétention de connaitre toute la population de cette planète ? D'avoir été rejeté par tous ? Et quand bien ce fut le cas, qu'est-ce qui vous empêche de réitérez vos tentatives ? C'est tout alors ? Vous courbez le dos, les laissez vous traiter de monstre et de psychopathe ? Vous êtes aveugle. Vos efforts vers l'auto-destruction vous ont enlevé la vue et maintenant vous ne voyez qu'hypocrisie et faiblesse là où vous pourriez trouver bonheur et sérénité. Je ne vous permets de parler de Kamui ainsi dans la mesure où vous n'avez pas l'ombre d'une idée qui il est vraiment et de quoi il en est capable. Et je vous permets de m'adresser en des termes pareils puisque j'ai vu la douleur, l'asphyxie de ce monde qui est notre. Revenez à la surface Monsieur Raphaëlita. Respirez. Donnez-vous les temps. Vous êtes votre propre laideur, votre propre obstacle. Et pourtant, dans cette barrière à priori infranchissable que vous avez dressé entre vous et le monde, comme pour vous prémunir d'une quelconque attaque vous êtes beau sous ce masque, ces cicatrices et ces cheveux qui font ce que vous êtes. Vous êtes comme moi. Un être de chair et de sang. Vous ne l'avez juste pas encore réalisé. Quand bien même on vous tendrez une main vers la surface est-ce que vous l'accepteriez ?

Je m'arrêtai, reprenais mon souffle puis me dégageai, m'asseyant sur le rebord du lit sans le fixer.

- Je n'ai pas peur de vous. C'est cette noirceur, cette corruption qui vous ronge l'âme qui me fait peur et me chagrine. C'est un poison qui vous fait sombrer et vous continuez de l'avaler, la bouche grande ouverte. Si je n'étais pas de nature si placide, je pourrais être en moi-même en colère de la rencontrer à nouveau. Vous avez raison, je ne l'aiderais pas à s'étendre encore plus et je serais bien en aise si elle pouvait venir à disparaitre une bonne fois pour toutes. Oh et si vous voulez me faire exploser les tympans je vous suggère de passer à l'action dès maintenant, je vous avais prévenu : je suis une pipelette.
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyJeu 17 Nov - 0:25


The Binding of Water.


L'océan. Une, deux, trois gouttes. Un océan devant moi. Un océan face à mes yeux. Juste, là. Comme ça. J'y plonge une patte, la retire. C'est humide. C'est atroce. Je ne suis pas bien. Je ne sais comment faire. Je prends le large. Le large. Je tourne sur mon trône. Je ne sais pas comment me mettre. Face à toi? Mais tu es partout. Tu t'es étalé, comme ça, tout autour de mon perchoir. Ma cage est inondée. Dehors, les vitres sont noyées. La terrasse n'existe plus que dans les souvenirs de la mémoire commune. Automatisme. Je tremble. J'ai pas froid. Je ne fais que trembler. Des frissons courts mais enchaînés. Mon instrument m'a lâché. C'est fade. Ça n'a pas de goût. Je me lèche la patte, m'étouffe avec mes poils. Je ne crache rien. Je n'ai plus rien à cracher, j'n'ai même plus de sol où cracher. Tu m'as tout pris. En quelques secondes. Tu m'as tout pris. Tout. Je n'ai plus rien. Je suis seul, radeau de fortune plongé dans l'immensité de bleu qui s'étale devant moi. J'ai des frissons partout. J'aime pas ça, l'eau. J'aurai aimé être un corbeau. Un vaillant corbeau noir de jais. J'aurai pu voler au-dessus de ce champs azur. J'aurai pu m'en tirer sans une égratignure. M'en tirer, oui. Voler loin, me percher ailleurs, repartir. Jamais nous ne nous serions autant approcher. J'aurai toujours été hors de la portée de tes flots assassins. Jamais tu ne m'aurais touché, jamais, non. Non. Non. Jamais. J'aurai pu m'enfuir. M'enfuir. Jamais tu ne m'aurais retrouvé dans l'infini céruléen qui est ton Némésis. Ton Ragnarök. Mais je n'veux pas briser ce lien. J'aime mes chaînes. J'aime ça, moi, les colliers. Je me lèche la patte. Je la lèche sans arrêt depuis que tu es là. Depuis que tu es un peu trop là. J'ai une plaie, en fait. Une plaie, petite, mais une plaie. Tu piques. Tu n'en as pas l'air mais tu piques. Alors je désinfecte. Je ne fais que ça. Le ciel est lourd. Le ciel est lourd et il pleut. J'aime pas la pluie. J'aime pas ça. C'est mouillé, la pluie. C'est humide, ça trempe. C'est de l'eau, la pluie. C'est comme toi. T'es de partout, tu vois? T'es partout. Partout, tout l'temps. Moi j'flotte sur ma caisse. L'intérieur de la cage a coulé. J'allais p't'être chez l'véto, j'sais plus vraiment. En tout cas, j'irai plus jamais. Parce que j'vais y passer. J'vais crever comme un chien, le comble. J'vais mourir. Ici. Pas tout à fait maintenant. Mais j'vais mourir. J'aime la pénombre. J'aime la nuit. Il y a la lune, la nuit. J'y vois comme en plein jour. Mes yeux s'adaptent plutôt bien, je trouve. J'aime la lune. Je la regarde. Elle est transpercée par des millions d'aiguilles plus pointues les unes que les autres. Elle est devenue triste, la lune. J'en ai des frissons et mon dos se hérisse. Je grogne. J'aime pas ça. J'hésite. J'ai pas envie d'crever. J'ai échappé à tout. J'ai survécu à tout. Il y a une vague, et je menace de tomber. Eh ben non, toujours pas. On n'se débarrasse pas de moi aussi facilement. J'refuse de crever sans avoir trouvé l'moyen d'm'en sortir. J'ai plus de vies que n'importe qui dans l'coin. Remarque, il n'y a plus grand monde. Tu les as tous fait sombrer. Les un après les autres. C'était une véritable hécatombe. Moi? J'n'ai rien vu. Je me suis contenté de sentir que quelque chose n'allait pas. Et quelque chose ne va pas. Plus rien ne va. Tu es partout. Dans chaque recoin. Partout. J'angoisse un peu, j'avoue. J'attends un nouveau radeau. Le mien prend l'eau, ça y est. Il est déjà à moitié submergé, tu m'diras. Ca y est. C'est fini. Tu as emporté avec toi toute la vie sur le continent. Tu n'étais vraiment pas d'humeur, on dirait. Tu parles. Tu n'l'es jamais, d'humeur. À chaque fois, c'est la même chose. De l'eau. De l'eau, et puis voilà. Tu n'sais pleurer que ça. Alors moi, à chaque fois, j'angoisse. Forcément. Tu ne sais que te taire ou pleurer. Et nous, on doit subir ça. On l'subit, regarde. On s'plaint jamais. On attend que tu sois calmé, puis on reconstruit les maisons, on refait des enfants, avant ta prochaine crise de larmes. C'en est devenu tellement quotidien qu'on n'est même plus surpris. Et là, tu vois, tu nous as tous pris de court. Ce n'est pas la saison. Ce n'est pas aussi violent d'habitude. Je me lèche la patte. C'est une saloperie de plaie, en fait. Y'a une nouvelle passerelle à côté de moi. C'est le toit d'une maison. Je crois. J'dois sauter. C'est fait. Toujours aussi agile, j'ai rien perdu. Mon ancien bateau coule en ton sein. Non, je n'regrette rien. J'n'ai rien à regretter. J'vais mourir ici. Comme tous les autres. J'vais mourir, je l'sais. Pourquoi m'induire dans une utopie humaine? Je n'suis pas humain. Je n'le s'rais jamais. Et toi non plus. Je suis une bête, tu es un démon. Simple gatos devant oceanos. Destin cruel que de mourir sous le joug de l'être mal-aimé. Bwarf. J'l'ai peut-être mérité, après tout. J'suis qu'une bête noire. J'suis un errant porte-malheur. Ça doit être ça. Bouffe-moi, j'mérite que ça. Dévore-moi. J'me lèche la patte. J'aurai du être un poisson. Comme ça, j'aurai plus nager. Sauf que j'les ai toujours mangé, les poissons. Alors bon. J'vais attendre sagement que tu sois trop haut pour moi. Ou alors je me tue avant. J'sais pas. Vaut mieux résister jusqu'au bout et mourir de peur ou abréger ses souffrances et ne plus rien sentir?

Contempler les deux astres divins au-dessus de ses propres yeux. Sentir. Sentir la pluie sucrée dans ses cheveux noués. Sur son front. Le voir, et ne plus le lâcher du regard. Captivé. Juste, sous le charme anodin de la plus parfaite des abjections. Regarder cet enfant là souffrir comme il se tue à ne pas souffrir. Laisser l'enfant de la Lune s'adonner à la plus pure des complaintes. Il y aurait tant à dire. Tellement. Aucune idée d'où commencer. Rester planté là à mirer le tableau. Comme si plus rien n'avait d'importance. Et plus rien n'en avait.
"Il y avait jadis deux royaumes ennemis. L'un était gouverné par un Prince terrible, brûlant de haine et de désir, qui cherchait par tous les moyens à gagner en puissance, en territoire et en alliés. L'autre, paisible, était régi par un Souverain bon et loyal, juste et attentionné. Les deux trônaient sur leurs terres d'une main d'acier, bien que leur leur politique eut des visées différentes. Si celui qui n'aspirait qu'à la paix voyait en cela le bonheur de son peuple, l'autre jugeait cent fois meilleur d'y déclarer la guerre afin de l'annexer. Cependant, les deux royaumes d'égal force n'arrivaient pas à défaire l'autre. Ainsi, la guerre s'éternisa, pour former un quotidien repoussant, or fort bien vécu.
Ces peuples s'appelaient Culte d'Ekmaân et Culte de Kiana, et puisaient leur source en l'honneur des dieux qui leur avaient offert leur nom. Ekmaân, dieu du Feu, avait choisi comme base centrale le cœur en constante éruption d'une montagne de lave. Son peuple se distinguait des autres par leur tempérament survolté, toujours impétueux, traditionnellement nerveux. Ils maniaient l'art du combat à la perfection, et par leur courage et leur puissance étaient redoutés par tous. Toutefois, par leur courage sans limite et leur fidélité aux us et coutumes, ils avaient gagné le respect de tous les peuples, annexés ou en voie de possession. En leur sein dansait la flamme vivace et agressive du dieu salvateur et nourricier, comme en le sein des adorateurs de Kiana régnait la théière de porcelaine gorgée d'eau glacée, fragile, prête à être renversée à tout instant. Ces gens avaient élu domicile en le ventre de leur déesse chérie, Kiana, et avaient construit leur cité au fond d'un océan gelé. Ils n'étaient ni riches, ni spécialisés dans un domaine en particulier. Leur originalité était de ne pas en avoir, si ce n'était cette position neutre, bonne, de saints pour quiconque en aurait besoin. Les adorateurs du culte de Kiana n'avaient qu'un seul devoir à respecter, outre celui de devoir prêter serment de fidélité à Sa Belle Déesse. Porter secours à tous, aider, écouter, venir en aide à n'importe qui. Là était leur terrain d'action. Là fut la dimension ignoble que prit le conflit entre les deux cultes. Les adorateurs d'Ekmaân ne supportaient pas l'eau. Aucun d'entre eux. Ennemi naturel, allons bon. Kiana, Mère des Mers, n'en avait que faire, restant fière devant ce culte un peu trop impoli. Jusqu'à ce que le Prince eut l'audace de souiller l'une de ses filles, prétextant son infériorité. Le Prince fut tué sur-le-champ de la main divine; la guerre débuta pour ne jamais finir.
Des millénaires plus tard, dans le clan du Feu, un chevalier eut pour mission de guetter l'arrivée des troupes aquatiques près du château de la Plage Scintillante. Il s'agissait d'un vieux manoir déserté, ayant selon la légende servi de poste de garde aux adorateurs de Kiana avant l'assaut d'Apokalipsi, le plus meurtrier de tous. La Plage Scintillante devait son nom au fait qu'elle soit constamment plongée dans la nuit noire, et bercée par les rayons lunaires. Aussi, par l'absence de la boule de feu géante, les soldats d'Ekmaân l'évitaient du mieux possible. Le chevalier, réputé pour sa cruauté et par son animosité, n'avait aucune crainte vis-à-vis ni de la destination, ni de la mission. Ainsi, il se rendit près des côtes avec quelques fantassins à sa solde. Les heures passèrent, et aucun signe des armées de Kiana. Bien vite les fantassins exposèrent leur lassitude, et s'en allèrent. Mais le chevalier n'oscilla point, fasciné par les vagues meurtrières qui tentaient de lui écorcher l'armure. Il resta là à la contempler plusieurs minutes, jusqu'à ce que tout à coup une gigantesque vague d'écume ne vienne s'abattre sur lui, le faisant tomber au sol. Là approcha de lui une silhouette fébrile, menue et fluette, avançant en parfait équilibre à la surface de l'eau. L'homme du Feu cru d'abord à Kiana elle-même. Mais bientôt, de fines voilures virent recouvrir ce corps chétif, ainsi qu'une longue chevelure sombre dénouée et deux grands yeux en amandes à l'azur le plus mirifique qui lui avait été donné de voir."

... Syndel?
... Hein?! De quoi?!
Qu'est-ce que tu écris?
... Oh, ça? Rien du tout.



Les larmes salées.


Regarde-moi. Regarde-moi, s'il te plait. Non. N'fermes pas les yeux. Ils sont si beaux. Ne les caches pas. J't'en prie, ne m'fais pas ça. Je sais que tu n'me dois rien. Rien du tout. Mais accorde-moi une faveur. Jamais. Ne caches jamais tes yeux, ni ta peau, ni tes cheveux en ma présence. Et pire que tout. Je t'en conjure. Ne perds plus jamais ton sourire. Pas une fois de plus. Ça fait tellement mal, de ne plus le voir. Tu es si joyeux. C'est quoi, au final, une mascarade? Tu t'es foutu d'moi? J'n'y crois pas. Ton sourire est le plus ravissant de tous. Comme certains mentent à la perfection, ton sourire tient du divin. Il ne peut être feint avec autant de soin. Impossible. Moi, eh, c'n'est qu'un pli d'bouche. Mais toi. Toi. Ton sourire. Ton visage. Tu resplendis, même sous ta pluie. Ta pluie qui retombe sur moi. Ta pluie. Ton essence. De l'eau. De l'eau sur moi. C'est comment, déjà, ton pouvoir...? J'suis foutu, là, c'est ça? Ouais, sans doute. J'ai jamais testé ton pouvoir. J'n'y ai jamais goûté. C'est comment...? C'est quoi, en réalité? J'aimerai savoir. J'ai de l'eau sur moi. J't'en prie, pas sur le nez. Et pas une seule goutte n'atterrira sur mon nez. C'est très délicat, comme endroit. Même sous le masque. C'est là où je me noie. C'est là où l'on m'agresse. Et toi. Putain, oui toi. Tu sais ce que tu as fait? Tu as évité mon nez. Tous tes ruisseaux l'ont contourné. Pas un. Pas un seul ne s'est aventuré par là. Jamais je ne pourrai te remercier comme tu le mérites. Je les ai vu. L'espace d'un instant. Tes yeux. Gris, gris sombre. Gris. Comme ta peau. Est-ce qu'elle souffre autant qu'eux? Est-ce que c'est elle, qui te rend aussi triste? Dis-le moi. Ne me caches rien. S'il te plait. Dis-moi. Ils luisent dans la nuit. Ils sont encore plus merveilleux sous la lune. Et si tu savais à quel point j'aime la lune. Je rêve de toucher ton visage. J'n'en ai pas l'droit. On ne peut qu'approcher de la perfection sans jamais l'atteindre. Tu la frôles, moi aussi. Nous sommes les deux divins. Je suis le poète quand tu es la Muse.
Tu m'inspires tellement. Tu es si resplendissant. Et tes yeux, tes yeux putain. Si seulement tu pouvais les voir en vrai. Si seulement tu pouvais les mirer comme je les mire. Tes paupières sont de trop. Retire-les. J't'en prie retire-les. Laisse-moi les voir, encore et encore. Laisse-moi les contempler encore un peu. Je te jure que je n'y touche pas. Loin de ton faciès, ils perdent de leur charme. C'est l'ensemble que tu formes qui les rend si délicieux. Layca Seigneur, regarde-le. N'est-il pas magnifique? Pourquoi pleure-il? J'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas...? C'est à cause de moi?... C'est... C'est vrai? De ce que j'ai dit? De ce que j'ai fait? Des cicatrices? Du masque? Quoi? Non, non non non, je refuse. Je ne peux pas te blesser, je ne peux pas. C'est au-dessus d'mes forces. Je n'peux pas. Je t'ai fait du mal? Est-ce que... Tu... Tu parles. Tu parles. Tu me parles, ou peut-être pas final'ment. C'est une autre langue. j'la connais. j'en parle pas un mot. Attends. j'ai un instinct de fou pour les traductions. Attends. C'est tellement sordide de devoir interpréter tes sanglots, ma Nef. C'est si pénible. Tu me parles de haine, de colère. De trop de colère dans mes mots. Pourquoi ne perçois-je pas que mon amertume est mon poison, le poison de mon âme? Ça me tue, ça m'achève. Je suis une pauvre chose, un pauvre bonhomme qui se blesse et qui se fait saigner tout seul. Toute cette douleur que je m'octroie est mon propre fruit, elle ne tient qu'à moi, et je l'entretiens de telle sorte à ce qu'elle empire jour après jour. Pourquoi je fais ça? J'en sais rien...! Pourquoi est-ce que je reste sur le même maudit ch'min, alors que face à moi s'étend celui de la guérison, de la rédemption? Mais je sais pas... Pourquoi je suis toujours sur ce sentier pourri, à creuser ma propre tombe...? Non! Non, non... Non, arrête. Arrête de pleurer, pitié. J't'en supplie, non, pas mon nez...! Pas pour moi... Pas ça, arrête... Tu continues... Tu sais que c'que tu dis fait mal? Tu sais que... Qu'c'est... Douloureux, vraiment? Tu hésites, non, par pitié non, n'hésite pas. Tu peux tout m'dire. Tu peux me dire... S'il te plait non... Ne me laisses pas sans savoir... Tu connaissais quelqu'un qui t'étais cher et qui tenait les même propos que moi. Tu... Tu as essayé... Mais tu n'y es pas arrivé, tu n'as pas réussi... Il ne sera jamais plus comme avant, c'est ça...? Et... Regarde-moi, regarde-le, regarde-nous... Regarde... C'que... Regarde à quoi ça nous a mené... Je... Non...! Non, non! Ne te caches pas! Non! Ne le touches pas. Ne le touches pas, Maena. Laisse-le. Laisse-le se calmer seul. Supporte l'eau. Détends-toi. Je lui fait tellement penser à lui...

J'sais pas c'qui m'retient de foutre le camp. J'suis pas à l'aise pour aider les gens, moi. J'les fait chialer, c'est tout. De peine ou de bonheur. Ils pleurent parce que ma voix est délicieuse, parce que je suis magnifique, parce que ce que je fais est fabuleux, ou parce que je suis un connard, parce que ce que je dis est abominable, ou parce que je suis juste comme je suis. J'ai été créé qu'pour ça. Toujours. Toujours être en relation avec cette eau qui gêne et qui dérange. Toujours. J'suis fait pour subir celle qui me tue à chaque instant. Regarde-toi. Regarde-toi, putain. Regarde où ça t'a mené, oui. Tu es vraiment piètre orateur. Quand j'te r'garde, j'vois ce petit bout de rien du tout, si guilleret, si jovial, toujours prêt à aider n'importe qui pour au final aucune satisfaction matérielle. Toi, on te dit pas merci et tu t'excuses. Tu sais tout faire, sauf l'ouvrir. Tu peux tout, tout sacrifier sans jamais rien contester. Tu vendrais tes prunelles somptueuses pour le sourire narquois du premier v'nu. Tu fais tout pour tout l'monde. N'dis pas l'contraire. Tu es face à moi. En larmes. Je suis entouré par les fruits de toi. Tout autour, sur moi. Mon navire si près de cette pute de Charybde qui jamais ne me laissera de répit. Et toi, délicate attention, tu es là, et tu ne bouges pas. Tes soubresauts me tordent le cœur. C'est fou c'que j'peux être réceptif à c'qui m'effraie. J'tuerai pour m'épargner ta vision. Je supporte pas. Je supporte pas de te voir comme ça. Regarde-toi. Regarde. Et tu n'vois rien, rien du tout, tu n'peux rien voir. Je... Tu es si secret. Pour qui est-ce que tu pleures? Pour moi? Pas b'soin. Ca fait des années que j'm'en survis comme ça. J'tiendrai encore un peu. Pour toi, pour un autre. Fous-leur la paix, aux autres, merde. Tu vois pas qu't'es casse-couilles à toujours être là pour eux? Pour nous? Lâche-nous. Lâche-nous, et prends soin de toi. Par Layca, regarde dans quel état tu es! Regarde c'que tu fais, bon sang! Tu crois faire quoi, là, hein? Me r'monter l'moral? C'pas en étant dans cet état que tu pourras faire sourire quelqu'un! Toi qui es siiii gentil. Tu d'vrais l'avoir compris, ça. Merde. Comment veux-tu transmettre le bonheur si toi-même tu es rongé par autre chose? Le bonheur mon cul, si t'étais heureux, le sel de ta marée agirait pas comme du vitriol sur le masque, la tignasse, l'épiderme. Les yeux. Les yeux. Une seule, vile et cruelle, tombe juste, juste au coin d'mon œil. Je flippe, là. Pour de vrai. Arrête-toi. Arrête. Pitié. Arrête ça, de suite. J'ai peur. J'ai peur d'être brûlé vif par ta souffrance, j'ai peur de ta torture aquatique sordide, j'ai peur de toi, mesquine petite larve insignifiante, et j'ai peur pour toi. Petit con d'Oceanos. Splendide petite pute.
Ta météo s'annonce pluvieuse, et j'donnerai mes cordes vocales pour échapper à tes intempéries. Pas d'chance, j'suis pile dans l'œil du cyclone. À la fois protégé, à la fois à la merci pure de ce qui menace de me tuer à chacun de mes mouvements. Ça fait des plombes que j'ai pas vu quelqu'un pleurer comme ça. J'ai jamais vu quelqu'un pleurer sans savoir pourquoi. Tu es si discret. Tu caches tout. Tout, tout. Comment veux-tu diffuser quoi que ce soit de positif dans ton état. T'en es incapable. C'est impossible. Quand tu pleures, tout le monde est triste. C'est ignoble de voir quelqu'un comme toi malheureux. En soi, si toi tu es malheureux, personne ne peut sourire. Tu es juste l'allégorie de la gaité, de la bonne humeur, de tout c'qui peut être plaisant ici et ailleurs pour les autres. Tu te démolis tout seul, à ne rien dire. Toi, pour écouter, pour servir, tu es toujours présent. Ton sens du dévouement est plus qu'admirable. Mais la bonté ça se paye. Tu n'peux pas t'offrir aux autres comme ça. Tu n'peux pas. Tu n'es pas infaillible. Tu n'as pas moins de droits qu'eux. Tu vaux mille fois plus. Ca m'fout les glandes d'voir qu'on t'traite comme ça. J'suis qu'un con, moi aussi. J'suis qu'un enfoiré. J'te fais peut-être pleurer. Si c'est ma faute, je suis minable. Si c'est ma faute, alors je m'en veux. Je m'en veux du plus profond de moi. C'est... Tsss. Tu parles d'une réaction...
Mais arrête, putain! Arrête! Je sais qu'c'est ma faute, arrête de chialer merde! Arrête! J'ai compris! Tu cherches quoi? À m'faire mourir de peur? Ben t'y arrives! T'y arrives, t'as compris?! T'y arrives! Va t'faire foutre! Tu m'rends dingue, putain, tu m'rends fou. J't'en foutrais moi des hécatombes, saloperie de toi. J't'en foutrais des pleurs! T'as envie d'chialer? Et ben vas-y, chiale! Chiales, si c'est c'que tu veux! Et tu t'plaindras d'porter toute la misère du monde sur toi, hein? Ouvre ta putain d'gueule! Partage! T'es pas seul, Castiel! T'es pas seul, merde!


Il vivra tant qu'il ne se connaitra pas.


Il s'arrête. Il s'arrête, et j'ai pas bougé. Je suis mort. Je suis mort noyé sous ses pluies torrentielles. Je suis mort de peur. Il s'éloigne un peu. Un tout petit peu. Il est toujours sur moi. On ne bouge pas. Alors quoi, on aime la proximité, ou on est juste trop cons pour faire la différence? Il nettoie ses miroirs juste après avoir rempli mes poches de pierres pour m'empêcher de remonter à la surface. Et le pire, c'est qu'ça marche. Autant ses fonctions motrices sont parfaitement en état de marche, autant les miennes sont complètement anesthésiées. J'attends. J'sais pas quoi. Mais j'attends. J'attends une aide, peut-être. Nan. J'ai b'soin d'personne. J'attends. J'attends, j'sais pas quoi. Le moment où j'me dirais... C'est bon, Maena. Tu peux y aller. Il est parti, maintenant. Il s'est calmé, il va mieux, et il est parti. J'pense à ça, et ça m'fout les glandes. Il m'arrache le palpitant, là. Retire ta main d'là. Qu'est-ce que tu fais, sérieux, dégage. Arrête. Arrête. Pourquoi j'm'affole comme ça? Zen. Il va pas t'bouffer. Non, c'est vrai, il va m'enfoncer ses ongles dans l'torse pour aller chercher ce putain de cœur, et il va l'dévorer d'vant moi. Ça m'rend fou. Ça m'rend malade. J'vois tes yeux gorgés d'larmes, et ça m'donne envie de toucher. J'vais mourir, ce soir, je le sais. Je vais y passer, d'une façon ou d'une autre. J'vais mourir. Il y a une partie de moi qui se décompose, d'autres qui sont sur le point de couler. J'ai une ancre attachée à chaque jambes, chaque bras. Je dois mourir. Je dois mourir. Le masque est étouffant. L'eau roule sur mes joues, et ce n'est pas la mienne. J'n'ai plus d'eau en moi. Je ne suis qu'un pantin enflé par la cendre du bûcher sur lequel mon corps s'est embrasé. Y'a plus rien. Rien du tout. Des brûlures, des morsures, des entailles, de la chair et du sang. J'n'ai même plus les mots pour lui dire. J'ai un regard poussiéreux, sans doute. À l'agonie. J'suis à l'agonie. Il va me tuer. Je veux qu'il me tue. Je veux voir ce dont il est capable. Je veux voir ce qu'il sait faire. Je veux savoir.
Sa paume est froide. Délicieusement glacée. J'adore ça. À côté, mes braises doivent le faire fondre. Ne me touches pas. Je ne peux plus le blesser. Plus rien ne doit le heurter. Plus rien ne doit lui faire de mal. Il sent la pompe à sang battre. J'fais mon possible pour la calmer. Mais non. Trop puissante. Alors j'me laisse aller à sa main curatrice. J'me laisse aller à son regard inquisiteur, à son regard nuageux, brumeux. Jamais temps ne fut si pesant. Il me demande ce qui nous différencie. J'ai envie de rire. Notre source. Notre essence. Nos viscères, notre saveur. Je saigne comme tu saignes, mais notre couleur est différente. Pour toi, ce sont les teintes froides. Le bleu. Le bleu te va à ravir. L'acier, aussi. Les teintes grises. Toutes les couleurs pastels te vont bien. Même le corail te sied à merveille lorsque tu rougis. Tout ce qui est de velours. Tout ce qui est doux au toucher, tout ce qui donne envie d'être frôlé, tenu. Tu es le fils du Froid narcotique. Tu es partout et paradoxalement tu es rare. Tu as de la valeur, et tu n'la perdras jamais. La haine, elle, on la trouve partout et elle est gratuite.
Tu m'as tétanisé pour mieux m'achever. Tu n'as pas peur et moi j'défaille. Tes griffes ont l'effet d'un pieu dans ma poitrine. J'donnerai tout pour qu'elles le soient vraiment. Tout est mieux comme fin que la noyade. Tout. J'aimerai fermer les yeux et voir que tu n'es plus là. Tu perds ton temps. Tu perds ton sève pour rien. Ca n'sert à rien, ce que tu fais. C'que tu tentes de f... Quoi? Tu... Non!... Arrête-ça, Castiel, non. Tu vas t'faire mal, lâche ça! Lâche, j'te dis! Qu'est-ce que... Non... Qu'est-ce que tu fais? Tais-toi. J't'en prie, non. Tais-toi, ferme...! Son doigt est glacé... Je... Ferme les yeux, Maena. Ferme les yeux et dis toi qu'c'est qu'un cauchemar. Tout va bien se passer. Tu va les rouvrir, et il aura disparu. Castiel n'existe pas. Tout va bien. Non, rien n'va plus. Ca m'tue d'me dire ça... J'ai pas envie de... de m'dire que tout ça n'existe que dans mes illusions. Ca fait tellement d'bien, quelque part, j'ai pas envie d'en décrocher... Il est le coquillage dans lequel est née Aphrodite, sinon Aphrodite elle-même. Il vient de l'eau, et je le hais. Tout mon être, chaque fibre de mon corps lui hurle son exécration. Et pourtant si tu savais à quel point je tiens à lui. Il me souffle tout ce qu'il a à me souffler. Je n'peux rien dire. Dictature du doigt et de la Faucheuse oblige. J'écoute. Je bois tout le pétrole dont il me gave. Ca n'a rien que subtil, mais c'est dit avec tant de quiétude et de bienveillance que ça en deviendrait presque comestible. Je suis mon bourreau. Je vis sous une régence que je me suis moi-même octroyé. Quand bien même ce soit vrai, elle doit bien être là pour une raison. La briser, ce serait s'exposer au danger. À la limite, ç'aurait été uniquement moi, j'm'en foutrais. Mais il y a des autres qui n'ont rien à voir avec ça. Et il y a Castiel. À chaque tentative de coup d'état, je suis écrasé par l'eau que je provoque. Tu en as fait l'amère expérience. J'ai beau tenter, tout n'est que discorde une fois mes lèvres descellées. Toujours, toujours là pour m'arrêter, d'une quelconque manière. Elle a toujours été là et elle le sera toujours. Ta source c'est mon cauchemar. La même ritournelle. La même sérénade turquoise, Castiel.

- Vous êtes aveugle.

Et toi tu es muet. Ecoute-toi. Tu comprends, ce que tu dis? Tu dresses mon portrait psychologique à partir d'un nom, d'un visage. Le pire, c'est que tu as sans doute raison sur tous les points que tu abordes. T'es sans doute pas psy, mais tu l'es plus que moi. Je suis aveugle. Je ne comprends rien de ce qui m'entoure, et c'est pas nouveau. À ton avis, qu'est-ce que je cherche en hurlant après le sang. Tu crois qu'c'est nerveux, que c'est maladif? Et t'as raison. Mais bien loin d'moi l'intérêt pur pour l'hémoglobine. J'n'aime pas ça. Mais s'il y en a, ça veut dire qu'il y a quelque chose d'autre que moi. Ca veut dire que je ne suis pas seul. Et ça m'fascine. Faut que j'sache ce qu'il y a à part moi. Faut que je comprenne pourquoi être seul c'est devenu mon refuge. J'comprends rien. T'as raison. J'me perds tout seul, t'as pas tort non plus. Et c'que j'comprends pas m'rend fou. Ca m'bouffe. Ca m'ronge jusqu'aux os. Tu parles sans savoir le danger qu'ça implique. T'es pourtant plus grand que c'te cruchasse de Chaperon, non? Faut pas parler à celui qu'on ne connait pas. Qu'on ne comprend pas. Faut pas se risquer à parler à celui qui a si mauvaise réputation parce que, justement, il ne fait que chercher à comprendre ce qui lui échappe. Apprends à fermer ta gueule. Comprends qu'il y a des points de non-retour. Tu as de l'expérience en la matière, d'après ce que tu me dis. Tu devrais l'savoir, non? Puis laisse tomber. D'toutes façons j'comprends rien.
On forme un beau couple, quand même. Moi l'aveugle, toi le muet. Je ne peux lire tes signes comme tu ne peux répondre à mon chant. Si seulement j'étais pas aussi con, je t'aurai donné ma voix en sacrifice et tu aurais pu être mes yeux. On aurait formé l'être parfait. Le divin. Mais tu m'as noyé sous la peine que j'ai réveillé en toi, et tu as bien fait. Tu me parles de main qui se tend. Tu te fous de ma gueule, ou quoi? Qui peut bien me tendre la main? L'eau? Hahaha! Fais-moi crever!
Un temps. Il ne dis plus rien, et moi j'peux rien dire. Ca m'détruit. Franchement. Je sens toujours son impact sur mes lèvres. Chacun son tour, après tout. Mais il y est resté plus longtemps que moi. Non! Non! Reviens! J'voulais pas! J't'ai vexé? Non, j'voulais pas, c'est vrai, j'te jure! Non, non! J'suis désolé, voilà, j'suis désolé! Non! T'en vas pas! Où tu vas?! Castiel! Où tu v... oh ça va, t'es là en fait. T'es là. Désolé. J'suis désolé. J'voulais pas te blesser. Vraiment pas. J'suis désolé. Qu'est-ce qu... Tu... Castiel... Regardes-moi, Castiel... Cast... Pas peur de moi? Mais quel poison, Castiel?! Quoi?! Le seul acide que j'ai avalé, ce sont tes larmes! Castiel! Qu'est-ce qui fait mal comme ça?! Castiel! Réponds moi, bon sang! Qu'est-ce qui te fait mal? Qu'est-ce qui te blesse? Castiel! Je... T'faire exploser l'crâne?! M'enfin t'as rien compr... Il est où le masque, il est où? Putain de... Rah, il est près d'lui... Merde. Je... J'sais pas quoi faire. J'en sais rien. Je sais pas quoi faire, je sais pas. Je sais pas.

Castiel. Beaucoup trop de compassion dans ce tout petit corps gris. Une montagne d'amour à côté d'une montagne de doutes. Une étendue bleue à perte de vue, immense dans sa bonté comme profond dans sa naïveté. Prélude en E-mineur. Mélodie à la viole ou au piano. Des cordes. Des cordes. Trop délicat pour être frappé, c'est certain. Et son souffle... Il n'en a pas. Il respire par les yeux. Ou par les failles près de ses tempes. Il ne peut se jouer qu'avec des cordes. Des notes puissantes et dégagées, proches de la voix humaine. La viole de gambe. La viole de gambe. L'un des instruments les plus durs à manier, parce qu'elle sait tout immiter. Des lamentations d'une jeune fille en mal d'amour aux hurlements de rage de l'homme détruit par le temps. Castiel, c'est une mélodie longue. Très longue. Interminable. Elle contient tellement de mouvements qu'on ne les compte plus, et qu'on ne les a jamais compté. Il est doux, relativement calme, et explose d'une étrange complainte de temps en temps. Ce n'est pas un appel à l'aide. Ce n'est pas l'histoire d'une vie. Ce ne sont que les allées et venues des vagues. Ce n'est qu'un mouvement aquatique de base. C'est une nuit entière face à un océan d'émotions.
Une mer de bonheur qui me fait affreusement peur.
Un liquide salvateur qui s'étend devant ma gorge sèche.
Mais Castiel, ce n'est pas une voix. C'est un concept musical original et muet.

Des chaînes qui me gardent bien de me redresser. J'ai pas bougé depuis tout à l'heure. Je reste là, comme ça. Je sais pas ce qui m'a pris. Je sais pas ce qui me prend. J'ai aucune idée de ce que je dois faire. J'en sais rien du tout. J'pourrai ne rien faire et attendre qu'il s'en aille comme j'pourrai lui sauter dessus pour l'ouvrir et savoir comment il peut être aussi mélodieux. Je sais pas. J'ai aucune idée de ce que je dois faire. J'ai peur de faire quelque chose. J'ai aucune envie qu'il s'en aille. Vraiment vraiment aucune. J'ai pas envie d'le retenir prisonnier non plus. J'comprends que dalle. Je sais pas quoi faire. Mais faut que je fasse quelque chose. J'peux pas rester comme ça. J'peux pas.
J'me redresse doucement. J'fais des efforts incroyables pour garder les lèvres closes hermétiques. J'respire presque pas. J'ai l'impression de mourir. Castiel est là. Juste là. Il ne me regarde plus. Je suis hideux. J'ai peur qu'il n'ait vu les plus grosses. Pourtant, pas du tout. Quelques-une. Vraiment pas beaucoup. Ca lui a suffit, il faut croire. Je replace les bandes plus ou moins comme il faut sur la mâchoire. Elles sont laides, celles-là. Je comprends. J'crève d'envie de savoir qui il est, cet Atlante. Il doit avoir un passé fascinant. Maena, arrête ça. Tu peux pas penser à autre chose? J'sais pas, moi, aller le voir, normalement. J'ai aucune idée d'comment agir, moi. En général c'est l'moment où j'me casse. Mais c'est mon lit, ça. Puis c'est Castiel. J'regarde mes mains. Mes poignets. Ca saigne pas, et les bonbons sont toujours là. J'sens la framboise synthétique, c'est intéressant. Mais peu importe mon odeur. Tout ce qui importe, c'est Castiel.
Je sais plus l'écrire. C'est la même langue que celle dans laquelle il a parlé, tout à l'heure. Je sais que je la comprends. Un peu. Et j'dois bien savoir écrire ça, quand même. Non? J'sais pas. Je m'approche de lui. J'ai pas envie de lui faire peur. Il est tellement craintif. Il a tellement raison de l'être. Y'a le masque au milieu. J'en veux pas, alors j'le pousse du lit et l'laisse tomber. Ca va, il en a connu des pires. Et je sais que j'vais l'effrayer. J'pose ma main sur son épaule, la retire quasiment immédiatement. J'veux pas l'faire fuir. J'veux juste l'appeller. Un peu. J'crois que je sais comment on le dit. J'suis pas sûr. Tant pis. J'attrape son poignet. Je suis désolé. Sa paume face à moi, et j'essaie de tracer les lettres de l'alphabet dont je veux lui faire part. C'compliqué. Et je ne croise pas son regard. J'veux pas. F.O.R.G.I.V.E.M.E. J'espère que j'ai pas fait d'fautes. J'le lâche directement. J'dois pas l'toucher. C'est comme si j'touchais de l'eau. Je la sens encore sur mon visage. Sèche. Mais ça colle. Et c'est immonde. J'aimerai tellement pouvoir faire quelque chose. J'arriverai à rien. J'suis rien pour lui. Ni un parent ni un proche. J'suis qu'un connard qui l'a fait pleurer. J'suis qu'un mec qui l'a croisé un soir, qu'il aura essayé d'aider, et qu'il oublira. Lui se plaint de ses propres bavardages sans savoir que c'est qui nous emplit de joie. Il me tue.
Y'a la barre chocolatée face à moi. J'la prends et la lui pose à côté de lui. Je lui tourne le dos, rejoins mon oreiller. Y'a un truc que j'dois vérifier. En fouillant la taie, j'tombe sur mon cahier. Mais non, pas celui-là, j'veux le rouge. Le rouge, putain, le rouge. Ah, voilà. J'sais que j'ai écrit quelque chose qui parlait de Castiel. 'Fin qui s'en rapproche. J'dois le retrouver. Pas ça. Non. Non, non, non, non. C'est vers la fin, là. Non. Non... Ah! Voilà.

" J'aime, je vois celui que j'aime et je ne peux l'atteindre. Et ce qui nous sépare, ce ne sont ni des routes, ni des montagnes, ni des murailles... Non, ce n'est rien d'autre qu'une mince couche d'eau!
Pourtant, j'en suis sûr, celui que je vois devant moi m'aime, lui aussi. Chaque fois que je veux l'embrasser, il avance les lèvres. Qui que tu sois, mon amour, viens, sors de là... Pourquoi te moques-tu de moi?... Je ne suis pas d'un âge, ni d'un air, à faire fuir ceux qui me recherchent. Sais-tu combien de jeunes gens, combien de nymphes, m'ont poursuivi de leurs avances?
Mais je vois l'espoir poindre sur ton faciès. Je te tends les bras, tu me les tends aussi. Je souris, tu souris. J'ai même vu couler tes larmes quand je pleurais... Je te parle et tu parles, je le devine aux mouvements de ta bouche, bien que je ne puisse entendre tes mots... "


C'est stupide à en crever. Stupide. J'ai honte. Franchement. J'ai honte. Pardon, Castiel. Je suis vraiment navré.
Il est où, l'stylo noir? Putain... Aller, bouge, t'es où? Ah.

" Qui es-tu, toi qui nies toute familiarités avec l'ennemi, qui n'oses s'enticher du tutoiement, qui ne quitterais pour rien au monde les cruels Monsieur? Qui es-tu, petit être fragile, pour venir contrer l'ultime rempart de la perfidie humaine? Qui es-tu pour venir te dresser là, devant moi, avec cette mine dédaigneuse et ton regard de soie? Toi, au parfum si exécrable, fils de l'eau, parrain des flots, qui crois-tu pouvoir dominer sous ce maigre statut? Un chevalier de l'Enfer tel que moi? Ne connais-tu donc pas les risques que tu encoures? N'as-tu donc aucun sens de la logique existentielle qui t'entoure? Fils de l'eau, que penses-tu pouvoir faire face à cette armure qui se dresse face à toi? Tes belles paroles, il ne les ouï que lorsque tu sais quel est ton sujet. Je n'ai que faire des remarques, du portrait aquarelle que tu me proposes par tes mesquines pensées maritimes. Vous et votre peuple vous octroyez le droit de prêcher vos doctrines sur quelque terre foulée par vos écailles. N'avez-vous de honte d'aucune sorte? N'avez-vous point de moeurs concernant un quelconque partage? Nos éternelles batailles ne donneront lieu qu'à des milliers de litres de sang de nos frères. Dans nos veines coule le feu ardent dont vous serez à jamais dépourvu, tout comme en votre sein afflue la progéniture bercée par l'azur. L'on se rit merveilleusement bien de vos alexandrins retouchés, de vos rimes faussement embrassées. Vous n'aspirez qu'à notre conversion, qu'à notre capitulation. Jamais nos bras ne se baisseront. Jamais notre fer ne fondra entre nos puissantes mains. Vous qui avez l'audace pure de venir sur nos terres porter vos messages de bien-être falsifiés, vous en avez déjà fait à satiété. Que grand bien vous fasse, chers frères ennemis, le conflit fera rage, ébouillantera votre océan de misère, éviscérera vos embryons et vos femmes, ruinera votre divinité idiote. Vous qui avez toujours accouché d'accusations prolixes sur nos coutumes et notre art de vivre serez écrasés sous le poids d'un étau donc vous ne soupçonnez qu'une infime réalité de la grandeur. Que les vagues déferlantes du Styx et du Léthé soient bien en aise, fils de l'écume! Croyez bien que rien ne saura attiser nos braises si ce n'est cette haine titanesque envers votre empire entier. Les Enfers, votre future résidence, vous accorderont le bénéfice des êtres craintifs. Vous serez consumés par les flammes dévorantes de nos pulsions assassines, mordus par les séduisantes danseuses de cire une fois posées à même vos peaux tordues sous le fouet. Notre art est noble, et nous vous le prouverons. Votre fléau, une forme de sagesse que jamais vous n'auriez toléré sur votre trône d'albâtre, aujourd'hui carbonisé sous le doux foyer en éruption. Druides des fleuves, toujours grande sera notre admiration envers vos ancêtres, vos aïeuls, ceux qui vous ont transmit ce dont vous avez hérité. Nous aurions pu nous entendre. Nous aurions du. Mais nos desseins n'en déteindront pas ainsi. Par vos prunelles Naïades vous dressez lacs, ruisseaux et fontaines. Par nos hurlements Vulcains nous chauffons nos glaives et nos lampes. La paix en ces lieux ne peut poindre."

Je n'comprends rien. Je ne comprends rien du tout. C'est une autre langue. Encore une. La même que celle du livre Fleurs du Mal. Je reconnais des mots. Quelques-uns. J'comprends rien à ce que j'écris, rien. Par pitié faîtes qu'il ne le remarque pas. Faîtes qu'il ne comprenne pas. Faîtes que tout ce que j'écris n'est que mirage absolument inutile et hors sujet. Pitié, Castiel, je suis confus.

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Le spleen de l'océan

Le spleen de l'océan ♍
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptySam 26 Nov - 10:58

La vie commence là où commence le regard.


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« Le regard est un choix. Celui qui regarde décide de se fixer sur telle chose et donc forcément d'exclure de son attention le reste de son champ de vision. C'est en quoi le regard, qui est l'essence de la vie, est d'abord un refus. » Amelie Nothomb.

À la fin de ce fabuleux laïus, j'eus le souffle coupé. Maintenant que les mots s'étaient échappés de ma gorge, je n'avais plus rien, même l'air qui faisait battre mon coeur semblait s'être tut, évaporé dans la fugue de mes paroles. Peut-être était-ce mieux ainsi. Que voulait-il de plus, désormais ? Je pensais avoir tout dit. Quelle conversation souhaitait-il que j'entretienne à présent ? J'avais tout donné. Ou plutôt il avait tout pris. Que sais-je ? Je pensais alors en avoir trop dit. Vraiment Castiel, vraiment, es-tu aussi friable au point de t'éparpiller en larmes pour un individu à peine rencontré ? Je me détestai. Je maudissais cette faiblesse, cette fragilité d'esprit qui avait corrompu cette sérénité aquatique pour laquelle j'étais réputé en un torrent de sanglots. Mais était-ce réellement une faiblesse que de s'attacher à un être aussi fascinant, aussi singulier au point qu'il pouvait me mettre dans des états pareils. J'eus peur. Que faire face à tant de pouvoir ? S'il rompait les flots, déchainait l'orage dès le premier jour que se passerait-il dans une semaine, un mois, un an ? Assécherait-il la mer ? Ferait-il déborder l'océan en des tempêtes dévastatrices ? Et que deviendront les créatures marines ? Allaient-elles périr sous le joug impitoyable de sa magnificence ? Devais-je fuir ou me soumettre ? La survie ou l'abandon ? Je détestai l'idée de laisser à lui-même un être qui avait - ou du moins paraissait avoir - besoin de ma présence. Était-ce calculé ? Était-ce un effet de son esprit diabolique ? La chance ? Le destin ? Je ne pouvais me décider. Étiez-nous liés, les deux mêmes esclaves attachés l'un à l'autre ou étais-je seul prisonnier de ses chaines ? Et quand bien même la dernière hypothèse était la bonne, devais-je me révolter de cette emprise tyrannique qu'il exerçait sur mon âme ? Je devenais fou. Mal à l'aise. Était-ce si mal de pouvoir ressentir quelque chose de puissant, si fort envers cet ange méphistophélique ? Était-ce si mal d'aimer et d'haïr ? Parce que les deux étaient si proches. Dans une naïveté crispante, je ne pouvais me résoudre à croire que j'avais toujours en moi quelque chose qui s'apparentât à de la colère ou à du dégoût. Pourtant, je sentais comme un poids sur mes poumons, bloquant ma respiration. Un fantôme invisible serrait mon coeur en sa paume. Et cette fascinante chimère répondait au doux pseudonyme de Maena Raphaëlita. Quel curieux nom pour quelqu'un qui n'avait rien de raphaélesque. De l'ange ou du peintre.
Je ne disais plus rien. Le silence est la plus belle preuve d'amour. Ou la pire des souffrances. Qu'importe. Les deux allaient ensemble. De toutes façons je ne voulais plus lui parler.

Mes yeux le fuyaient. Si je le regardais, j'allais encore sombrer. J'étais déjà bien trop vulnérable. Non. Au final je me refusais à devenir l'épave de son désert océanique. Je retirais mes prunelles, je gardais mes flots, mes vagues. Que les étendues aquatiques et désertiques restent chacune de leur côté, ainsi aucune d'entre elles n'ira souiller l'autre. Je refuse de lui accorder mon regard. J'avais une vie et je devais la garder. Il y avait d'autres personnes qui m'étaient chères. Je n'avais pas le droit de prendre le risque de me soumettre au pouvoir de ce diable masqué séraphique sans quoi, elles seraient abandonnées. Il me restait un rôle à accomplir. On faisait ce qu'on pouvait pour survivre. Il y avait des choses qui importaient plus que ma vie. Je me devais de refuser.

Qu'il retire sa main de mon épaule ! Ma décision est prise. Les océans se sont renfermés ! Tu n'intoxiqueras pas les gouffres abyssales de mes prunelles ! Je ne te donnerais pas la rétine maritime que tu as faite saigner. Mes yeux étaient rouges et secs et ils picotaient après le passage salé des larmes. Du sang avait coulé dans le rivage.
Je ne frissonnai pas, ne tremblai pas, ne sursautai pas. Calme plat sur la mer. Cependant, on prévoyait la tempête. La baignade était déconseillée. Qu'espérait-il à s'accrocher à moi ? Je voudrais le repousser mes mains restent posées sur la couverture. Au final, je n'avais pas la force d'être violent. Je ne bougeais pas d'un centimètre. Qu'il papillonne autour de moi avec ses paroles pernicieuses et ses yeux secs de bleu.
Pantin mort. Il me prit le bras et je me laissais faire bien que le contact brûlant de ses doigts m'était presque douloureux. Psychologiquement parlant. Essayait-il de me retenir ? Le savait-il ? Qu'il avait ce pouvoir sur moi ? En profitait-il ? Quel acte de cruauté, de barbarie. Ou bien était-il vraiment innocent ? Alors c'était qu'il était bien plus naïf que ce que j'avais pu songer. Des caresses sont gravées sur mon poignet. Que faisait-il ? Je ne le savais pas. Je ne voulais pas le savoir. Je n'en avais que cure. Et à la fin, je comprenais qu'il s'agissait de lettres. E. M. E. Je faisais semblant de n'en avoir que cure. C'était trop tard pour commencer à déchiffrer.
Ce fut presque d'un geste brusque que je ramenais ma main sur mes genoux quand il eut fini son cirque.

Alors il se mit à s'agiter à mes côtés. En lorgnant, je le vis sortir son journal de la taie de son oreiller pour en feuilleter frénétiquement les pages. Le voilà à présent qu'il griffonnait quelque chose. Très bien.
C'était irrationnel, j'en étais pleinement conscient mais j'eus soudain comme un pincement au coeur. Ça y est, il me délaisse ? Je supposais que c'était normal après tout. Je devenais froid. Une mer polaire. Des gestes de tendresse cachés, de doux compliments implicites, je me doutais qu'il en avait à profusion et ce, pour presque tout le monde. Je me levai alors. Je n'avais plus qu'à partir. Dans deux jours tout serait oublié. Après tout, tout allait vite avec Maena. La guérison ne ferait sans doute pas exception à cette règle. Elle viendrait aussi vite que le reste. Il en avait d'autres, de toutes façons.
Mais mes jambes ne m'obéissaient pas. Magnétisme. Le même curieux événement qui m'avait poussé à l'aborder. Et encore une fois la même question : effet du destin ou du hasard ? Les mécanismes de la fortune ou de la providence me fatiguent. Je n'étais qu'une bouée jetée dans un obscur océan, ballotée par les flots. Et je changeais de cap à l'infini, sous le joug du vent sans avoir mon mot à dire. Si quelqu'un est en train d'écrire ce qu'il va se dérouler, s'il y a bien quelqu'un qui tire les ficelles derrière ce spectacle je lui tire mon chapeau. Monsieur, Madame, Mademoiselle, vous avez un formidable sens de l'humour et de la dérision. Quand une partie de moi-même me hurlait de prendre la fuite, l'autre s'avançait vers Maena et se penchait au-dessus du cahier, attitude insolente. Cela ne se faisait pas de regarder par-dessus l'épaule d'une personne.
Il avait une belle écriture. Mes cheveux avaient coulé sur son torse, ondulant dans la sienne. Je crois que même ma chevelure était contre moi. Qu'étais-je, moi le doux et bienveillant Castiel face au poids de la fatalité ? Il me fallait obéir à mon corps, à la bonne volonté de cet écrivain fou qui me poussait contre mon gré. On n'est même plus tributaire de son propre physique. Je raillais intérieurement mais au fond de moi-même, je savais pertinemment que, bien que ce ne fut pas la plus sage des lubies, je ne voulais pas le quitter.
Je lisais les lignes qui n'étaient pas droites avec un mélange d'attirance, de curiosité et de répulsion dans l'âme. Je lisais sans comprendre. Y'avait-il vraiment quelque chose à comprendre ? Mais pourquoi étais-tu si mystique, si abstrait Maena ? Quand bien même, mon âme entière chercherait à déchiffrer ton écriture, ne pourrais-tu pas aller à essentiel ? Est-ce une déclaration de guerre ? Dois-je prendre les armes ou craindre pour ma vie ? Ma tête tournait. Je voudrais crier, chanter, t'esquiver, te frapper, t'embrasser, me soustraire à ton charme, me mettre à genoux, pleurer, rire, vivre, mourir. Aimer. Haïr. Essayer du moins. J'allais prendre la dernière phrase au sens littéral.
Alors une de mes mains glissa le long de sa gorge, lui faisait tourner la tête en frôlant les bandeaux. Curieux. L'armée céruléenne, pourtant pacifique avait lancé le premier assaut et dévalait à présent les dunes d'azur des prunelles asséchées.

Tu peux choisir ce qui reste et ce qui s'efface.
[Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] (Indispensable, même si avec le lecteur la qualité est médiocre)

C'était un combat perdu d'avance. Ses yeux n'avaient pas de lumière. Ses collines de sable bleu étaient vides de lumière. Je crains que tu ne sois pas la lumière dont j'ai besoin. Alors pourquoi est-ce que tu m'aveugles ? Ton aura, le merveilleux, l'étrangeté de tout ton être, tes défauts comme tes qualités m'éblouissent. La violence que tu éveilles en moi est flamboyante. Je cherche la lumière dans tes yeux bleu de désert sans la trouver et pourtant je me noie dans un océan turquoise de lumière.
Les flots entrèrent en collision avec le désert. Ô pitoyable bataille. Avaient-ils oublié que le sable absorbait l'eau ? Ils fondirent et se mêlèrent aux ergs, embrassant l'ennemi, le belligérant quand ils étaient supposés le noyer. Tout était perdu d'avance. Comédie grotesque. Les vagues s'éprenaient de leur bourreau.
L'océan était inconstant. Il changeait aux grés des aléas de cette force divine et immuable que détenait Mère Nature. Alors j'oubliais tout. J'ai perdu. En quelques secondes seulement. Mes doigts enfoncés dans le tissu des bandages relâchèrent leur prise, effleurant maintenant avec délicatesse le visage du meurtrier.
Je voudrais m'excuser mais ça me semblerait stupide. Que puis-je face à toi ? Et c'est si facile de le penser en secret, de le refouler, mais devant toi et ton chant angélique, je reste muet. Si je te disais toute l'horreur et l'amour que tu m'inspires, tout ce que je fais, et voudrais faire pour toi, est-ce que tu voudrais encore que je reste ? C'est si dur de te le clamer, face à face. Seul. Je ferais pourtant n'importe quoi pour rester.
Tu veux une révélation ? Une révolution ? Mais je sombre dans ta lumière. Je ne peux avoir cette conversation ce soir quand tu as brisé mes défenses avec une aisance déconcertante. Tu ne vois pas que c'est toi ma révélation ? Comme une sorte de révolution ? Il y avait fort longtemps que je n'avais point chanté cette mélodie désaccordée, bancale, fragile et pourtant si puissante et passionnée que tu extirpes de mes tripes, de ma gorge. Mon esprit entier avait chaviré en quoi ? Une demi-heure ? Quand il m'avait fallu des années pour garder l'équilibre et avancer sur la corde fine qui reliait le passé tragique au destin funeste.
Tu es ma crainte. J'ai peur dans l'obscurité de la nuit avec toi. Tu es le matin quand il fait clair. J'attends que tu abaisses les voiles de la nuit et que tu me guides et je crains, chaque soir, que plus jamais tu n'apparaisses. Tu es le silence entre les deux. Entre nous deux. Moi la pipelette, tu as arraché les paroles de ma bouche. Je suis silencieux pour toi, par toi, à cause de toi.
Tu es le trou dans ma tête. Tu me vides de toute lucidité. Tu es l'espace dans le lit. Je voudrais que tu nous sépares puis que tu n'existes plus. Tu es ce que je pense et ce que je dis. Toi qui, en l'instant présent, est devenu l'objet de mon coeur et de ma tête.
À travers tous les visages, les figures d'hydriades et de krakens, tu fus une des seules îles que j'ai pu croiser. Je voudrais m'échouer sur tes rivages et me briser contre la pierre de ton continent.
Je vais te chanter l'imperfection, l'obscénité de cette impétuosité qui a déchainé les flots, mais que l'auteur de cette farce m'en garde, factice ou réaliste, je vais te la chanter à bouche ouverte. Je vais peut-être faire quelque chose d'incompréhensible, d'inexplicable mais je vais le faire bien, car toi, tu fais bien les choses. Je vais te vomir la brutalité, le paradoxe des émois que tu me donnes dans un maelström d'allégories saugrenues, coeur, tête. Je n'ai ni coeur, ni tête puisqu'ils sont toi. Il n'y a plus de raison et plus de passion car tu as tué les deux quand tu t'es incarné en elles. Alors coeur, tête, dis-moi. Je n'avais pas la force de te parler seul.

- Et maintenant quoi ? Dis-moi ce que tu veux que je te dise.

Mascarade. L'eau s'était dissoute dans le sable. Capitulation ou fourberie ? Personne ne le savait. La mer était inconstante. Vengeance, ressentiment, sincérité, mensonge, manoeuvre, émoi, frénésie, jalousie, incongruité, dévotion, amitié, amour, haine, douleur, tout flottait dans les vagues tantôt noires, tantôt translucides de Neptune. Qui pouvait prétendre prévoir quels débris amèneraient réapparaitraient à la surface dans les tourbillons d'écumes ?
Oublier, ne pas oublier. Planter un poignard ou s'en trancher les veines avec. Je ressentais trop. Je tremblais. Tu pouvais choisir ce qu'il allait rester ou s'effacer de moi. Peut-être ne comprendras-tu pas l'absurdité de mon attitude, mais si tu étais révélation alors tu aurais la compassion nécessaire pour me pardonner quand le temps aurait lavé les sillons creusés par l'eau. Et le temps t'apporterait ta propre révélation avec la sagesse et l'expérience qui l'accompagnaient. L'explication des déchainements que tu eusses provoqué te serais à présent nette. Et si tu étais véridique, si tu étais révolution, tu laisserais l'océan se retirer. Marée haute, marée basse. Elle était ainsi la mer, avec ses hauts et ses bas. Excuser la nature même des choses semblait être une bêtise, alors j'avais prononcé ses mots sur une voix brisée pour que tu me commandes, que tu me reprennes.
J'avais toutefois peur de commettre la pire des sottises. Je redoutais le moment fatidique où les deux armées s'entretueraient après desnsiècles de guerre et de paix. Mais ne dit-on pas que l'amour est un combat ? J'étais guerrier de fanatisme, j'étais soldat de passion, j'étais conscrit d'adoration, j'étais croisé de répugnance, j'étais factionnaire de rage, j'étais combattant de misère, j'étais fantassin de fureur, j'étais mercenaire d'idolatrie, j'étais troupier de jalousie et j'étais vétéran de trouble. Mais je n'étais pas assassin.

« Le monde grouille d'assassins, c'est-à-dire de personnes qui se permettent d'oublier ceux qu'ils ont prétendu aimer. L'oubli est un gigantesque océan sur lequel navigue un seul navire, qui est la mémoire. » Amelie Nothomb.
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyDim 4 Déc - 4:35


He proposed in the dunes...


Il donne trop à penser. Ca rend fou. Plus rien. Plus de son. Une note. Affolant. Juste. Rien. Vide. Plus rien. C'est fini, alors? C'est tout? Y'en a plus, d'habitude. Mais y'a plus de son. Juste... Même pas. Plus rien, vraiment plus rien. Survivre dans ce désert est devenu un vrai calvaire. D'un côté prêt à vendre son corps pour une goutte, d'un autre côté terrifié à l'idée de devoir la boire. On en est là. À se demander si c'est bien, ce qui s'passe. À pleurer pour un grain de sable dans l'oeil. À craindre un verre d'eau. Misérables. L'un comme l'autre. Pitoyable. Comme schéma. On n'sait plus quoi faire. On est là, dos à dos, et on est là pour rien. La page reste horriblement vide. Un style que ne va pas. Quelque chose qui bloque. Des mots qui viennent chatouiller la gorge sans pour autant poindre entre les lèvres. Closes. Définitivement closes. La pointe du stylo demeure désespérément sèche de toute encre. La plume est fendue, brisée. C'est certes raffiné, mais pas bien solide. Faiblesse alarmante. Vraiment. L'étau se resserre. Il y a des points noirs et blancs qui clignotent un peu partout. Baisse de tension. Les deux yeux rivés vers la feuille, blême. Le gauche commence à pleurer. Tellement peu habitué à la lumière qu'il ne la supporte plus beaucoup. Endurance moindre. Quand on sait qu'il n'y a plus rien à faire. Qu'on a beau vouloir hurler, rien ne sortira plus. On attrape froid, on sent que les voies respiratoires se font désirer. À cause d'un courant d'air un peu con. À cause de la température immorale d'un bassin près duquel on a jugé bon de rester. On s'demande encore pourquoi on est si proches l'un de l'autre. Toujours à cet instant. On médite là-dessus pendant que ce serpent vicieux entoure la nuque de son corps foutument visqueux. Une caresse reptillienne vomitive, et quelque part craintive, docile, hésitante, aveugle. On se laisse bercer par les mouvements frêles et à peine suggérés de ce monstre gris d'écailles qui s'entortille entre les mailles serrées de ce qui nous protège, un temps soit peu. On se laisse berner facilement. Il cherche, ne tâtonne même pas. Se contente de filtrer la peau comme on filtre l'oxygène. Il est en quête de la pomme, mais il n'y a pas d'Adam. Il trouve le fruit défendu, et se garde bien de poser son épiderme gluant dessus. N'a qu'une hâte, l'arracher de cet arbre moisissant à vue d'oeil. Il est aveugle mais son instinct est inpénétrable. Il sait qu'il risque gros, se contrefout pas mal du châtiment qu'il risque d'obtenir. Il faut sauver cette pomme. Cette pomme qu'il a décidé de lui octroyer en lui engouffrant de force dans la gorge. Etouffe-toi avec et fous-moi la paix.... C'est ça?
Cinq écailles s'arrachent, tombent en lambeaux et frôlent la nuque frissonnante. Le derme étranger, aquatique, se répand contre les bandes. Humidité. Cinq mots, conduits à la source de ses maux. Bleu, Désert, Eau, Lumière, Peur. Tout son corps crie au scandale. Cinq mots, c'est si peu. La voix muette ne peut hurler que Détresse. Ses yeux se perdent entre les lignes noircies. L'encre coule. Il est brisé. Broyé sous la poigne d'acier de laquelle il se trouve à la merci. Plus rien ne semble nous importer, si ce ne sont ces pétales, ces matériaux médicaux, ces vagues illicites au creux des reins, l'étreinte maudite de son ombre vorace, la mignardise de sa fiction, de ses chimères. Plus rien à penser. Plus rien à inventer. Ton chevalier et ton paladin sont ridicules face au lyrisme de son message embouteillé. Frisson parcourant l'échine. On a beau vouloir anéantir le cylindre entre nos phalanges, il ne peut y avoir de remède à cette strangulation maritime. Le plastique se fissure finalement, et ça ne nous fait pas lâcher l'instrument de nos déboires pour autant. On trace un trait tordu, et on écrit un peu. Quelque chose en une langue bancale, qu'on ne comprend pas. On lutte contre le délicieux, le succulent fils de Poséidon et son trident posé à même le cou. Il est glacé. Il est froid, atrocement froid. C'est quoi? La répétition de la mise à mort? Et on écrit un peu. Un peu, ce qui nous vient en tête. Jusqu'à ce que, rapidement, le Dieu des Mers et des Océans ne nous rappelle à l'ordre. Quémandant l'attention par sa poigne crispée autour des liens blancs. Regarde-moi. En soi, on peut très bien assumer ce nouveau poids. Mais quelque chose effraie. Mille fois plus que le joug maritime. Toujours davantage qu'autrui. Soi-même. Soi, et son apparence. La plus ignoble des scarifications. Des balafres. Juste là. Sous ses empreintes. Alors on blêmit. On lâche l'encrier, dépose une lourde trace de jais sur le grain blanc cassé. On sent la main, on détourne le regard malgré soi. On n'essaie même plus de lutter. On est vide. On est amorphe. Et on se noie dans son regard d'azur. Dans ses iris céruléens, captivants. Gourmands. Profonds. Deux gouffres lagons. Deux puits sans fond aux desseins sordides. Deux prisons de nacre et de rouille, immergées dans un lac targué d'algues et de créatures lucifériennes. Des yeux qui ne sont pas humains. Des yeux qui ne sont pas des yeux.

La beauté du démon. Si je suis l'Ange des Ténèbres, tu es l'Hadès des Profondeurs Submergées.
Contact des doigts avec la feuille. L'encre m'a toujours parlé. Elle continue à le faire. Je ne comprends rien à ce que j'ai marqué. Rien. Mais j'en ai rien à foutre. Il n'y a que Castiel. Il n'y a que sa tour d'albâtre et les barbelés, les grilles et les barreaux de l'unique fenêtre qui me cueillent et m'emportent. Noyé. Mon corps perdu entre deux courants. Mon cauchemar face à moi. Ma survie se limite à l'encre qui vient tâcher mes doigts. Je ne vois rien, sens tout. Le toucher.

" Il se frotta de baumes et d'onguents il s'oignit, n'y gagnant que gerçures. N'épargna ni potions ni lotions ni plomb en teinture, il souffrit, il saigna, se couvrit d'écorchures. "

J'n'ai plus la force de te sourire. Pourtant, tous connaissent mon souhait, Castiel. Et toi, tu le sais? Tu imagines, ne serait-ce qu'à quel point tu peux me faire mourir de peur? Mourir d'inquiétude? Jamais plus, Castiel. Jamais plus de pleurs avec moi. Je ne veux plus te voir dans cet état. Tu es trop élégant pour te laisser déformer ainsi. Tu vaux tellement plus que cela. C'est une atteinte à la perfection, Castiel. Tu devrais être choyé, pas exploité. Tu devrais être synonyme de respect, et traîté comme un prince. Tu aurais du prendre la fuite, Castiel. Partir tant qu'il te l'étais encore permis. Castiel, je ne peux plus te regarder. Je me sens dépérir, face à toi. Tu pourrais m'étrangler sur-le-champ. Tu aurais pu partir, il y a de cela même pas une minute. Et tu as choisi de rester, pauvre fou. Castiel, j'vais te blesser pour de vrai. Je vais te faire mal, Castiel. Je ne veux pas de ça. Pas maintenant, pas ici. Pas toi. Pas toi. Qu'est-ce qui t'a prit, Castiel? M'enlever le masque. Tu sais c'que ça veut dire? Je pourrais te tuer. Tu es sous mon contrôle. Tu es mon être de porcelaine. Tu es ma poupée de collection. Et pourtant, je refuse de t'accorder ce rang. Tu es le fils de l'ennemi. Tu es mon bourreau. Tu seras celui qui me tuera. On pourrait se tuer. Tous les deux ensemble. On a choisi de vivre. De partager notre crainte, de rester là. Dans cet univers vide de sens. L'un muet, l'autre aveugle. Un dialogue difficile. Un dialogue auquel j'ai renoncé dès le début.
Tu es la preuve de ma stupidité. Tu gardes ta main contre mon cou. Ca se sent. Moi, je ne vois rien. Trop absorbé par tes deux rivières assassines. Je sens que tu te relâches. C'est fini. C'est vrai? Je... Non, fais comme tu veux. Si tu veux partir, pars. Tu ne feras que te rendre un merveilleux service. Tu ne dois pas rester avec un tel danger. Surtout toi. Fuis. S'il te plait va-t-en. Ne restes pas avec un monstre pareil. Ne restes pas avec cette sirène maléfique qui n'attend que de te voir asservi. Je le sais Castiel. Je sais ce dont je suis capable, et bien que tu puisses en avoir une idée tu ne sais pas quelles atrocités me sont affublées. Castiel. C'n'est pas pour rien que l'on me fuit. Castiel. Dégage. Il n'est pas trop tard, Castiel, protège-toi. Je ne veux pas te blesser. Castiel. Tire-toi d'ici... Fous l'camp! Castiel! Qu'est-ce... Castiel... Castiel, non... Je t'interdis de faire ça. Retire ta main, enlève là, enlè...

Ca fait un bien fou. C'est calme. C'est délicat. C'est frêle et tremblant. C'est angoissant et pourtant divinement reposant. Laisse-la là où elle est. Ne la retire jamais. Les bandes soupirent. Cachées, les cicatrices jouissent. J't'assure. J'adorerai fermer les yeux. Me laisser aller à ta caresse. M'abandonner à ta douceur. C'est la première fois que j'y goûte, tu sais. Jamais je n'aurai du autant l'apprécier. Tu es l'ennemi. Tu es l'eau. Tu incarnes la source de mon malheur. Tu es celui que je dois éradiquer. Et pourtant, ils peuvent maintenant très bien savoir comme je ne peux me passer de tes yeux. Ma drogue, tes pupilles. Tu le sais? Non. Et c'est tant mieux. Ne le devines jamais. J'serai foutu, et toi aussi. Petites pilules bleues. J'comprends mieux pourquoi j'aime autant ça. Ca va. Au moins, je n'adule pas l'eau. C'aurait été véritablement con, comme situation.
Tu m'rends fou. Arrête ça. Arrête.
Non. Continue. Plus. Ne restes pas comme ça. S'il te plait.

- Et maintenant quoi ? Dis-moi ce que ce que tu veux que je te dise.

Frisson. Toi aussi, tu perds l'équilibre? À quoi tu penses, Castiel? À moi? Oublies-moi et va-t-en. Tu es en danger, Castiel. Je n'le supporte pas. Non. Non, non. Reste avec moi. Reste... J'deviens fou. Tu me tue à petit feu. Le comble, t'sais quoi. Je ne t'ai pas épargné un seul instant. Mon Inquisition est de loin plus redoutable que l'initiale. Je dévore littéralement la moindre once de partage oculaire que tu m'offres. Gracieusement. Je n'le mérite pas le moins du monde, et tu en es parfaitement conscient. Pourquoi? Pourquoi tu es là, Castiel? Pourquoi je n'peux te lâcher? Il le faut pourtant. J'dois t'laisser partir. J'vais faire une connerie. Une connerie qui va te blesser, te faire du mal. Je n'le supporterai pas. Qu'est-ce que je peux faire, face à ce regard? Castiel, réponds-moi. Aussi stupide l'un que l'autre. Et tu sais pourquoi? Parce qu'il n'y a pas qu'moi qui suis prisonnier d'un simple regard.
Mire-moi autant que tu le veux et fuis le plus loin d'ici. Attends sagement dans les dortoirs que le soleil soit levé. Attends. Il ne devrait pas tarder. Quoique j'ignore jusqu'à l'hure qu'il est. Attends. Endors toi. Repose-moi ses yeux cernés. Protège la cendre de ton corps. Prends soin de toi. Mets-toi à l'abri de tous les dangers qui pourraient t'atteindre. Reste avec tes proches, ne les quitte sous aucun prétexte. Protège toi. Parle. Parle, enfin. Dis quelque chose. Uh? C'est à mon tour? Mais Castiel, je... Tu m'as privé de masque, Castiel. Tu le connais, pourtant. Mon don. Je ne suis pas la Sirène de la Mort uniquement grâce à mon minois aphrodisiaque ou à mon corps parfait. Tu sais, combien ça fait mal? Je ne veux pas te faire connaître cette torture. C'est abominable. Ca presse l'encéphale à en hurler des prières insuffisantes jusqu'à le faire exploser. Castiel. Je les connais, ces regards emplits de terreur que l'on te lance pour te supplier d'arrêter ces maux atroces. Je les ai vu, ces pauvres larmes s'entortiller sur elles-même, priant leur dieu ou leur déesse moribond pour une auxilliaire ridicule qui ne leur ai jamais parvenu. J'ai vu la souffrance. J'ai vu la ruine que j'apportais. J'ignore ce que ça fait, concrètement. Et je ne veux pas le savoir. Castiel, je ne veux pas que tu le saches non plus. Je ne veux pas que tu sois témoin de pareille ignominie. Rends-moi ce masque. Je t'en supplie.
Oublies la fuite, Castiel. Ton temps est écoulé.


... They were wed by the sea.


J'n'y tiens plus. Plus du tout. Ta main gracile n'est plus libre de ses mouvements dès l'instant où je la capture à l'aide de la mienne. Je ne suis pas brutal, mais je me surprends moi-même à tel point que le journal glisse de mes genoux vers le sol. Tes doigts sont si fins, Castiel. Je les noue avec les miens. Les délient. Joue avec. C'est distrayant. Je regarde nos mains, le sol, toi, ailleurs. J'essaye de te fuir. Sans succès. Aussi foutu l'un que l'autre. Ca m'apprendra à vouloir traîner avec la progéniture des eaux. Et toi, Castiel, comment te sens-tu? Bien? Troublé? Effrayé? Ne me mens pas. Tu sais, plus tu es sincère, moins j'aurai d'amertume à ton égard. Ne me mens pas. Tu peux tout me dire, Castiel. Ne me mens plus. Ne me fais pas confiance. Je suis un salaud. Ignore-moi. Tu aurais du t'en aller. Je vais t'achever. C'est ce que tu attends de moi. C'est ça? Je refuse. Je ne parlerai pas, Castiel. Jamais tu n'entendras ce chant morbide. Jamais tu n'auras à capituler devant la mélodie âpre d'une voix synthétique et trafiquée.
Je joue avec ta main, ton poignet. Je ne te lâche plus. Tu es fascinant. Ta peau est douce comme la soie. Une soie grise. Un velours bleu. Je sais qui tu es. Tu es un noble. Il n'y a qu'un noble pour avoir le sang azur. Non? Castiel, réponds-moi. Je pourrai t'assomer de questions si je m'écoutais. Je pourrai te séquestrer des jours durant. Mais tu sais quoi? Tu leur manquerais trop, à tous. Et moi, j'm'attirerai des emmerdes. Quoique c'est plus ce qui m'fait peur. À côté de toi, ma vie est un paradis. Mais toi. Avec moi, ton existance est un enfer. Je comprends. Je te relâcherai. J'essayerai. Mais pas maintenant. Je replonge dans tes yeux perfides. Que veux-tu que je fasse d'autre. Et je porte ta main à ma joue. J'ai besoin de ton contact. C'est comme cela que l'on peut communiquer, maintenant. Moi qui ne peut lire tes gestes et toi qui ne peut répondre à mes paroles, il ne nous reste que le domaine tactile. J'ai besoin de ta présence. Comme un asile offert à n'importe qui. Comme un instant de paix, de repos, dans lequel je me complais à te dévisager. Arrête ça, Maena. Tu vas finir par lui sauter dessus, à force. Chut. Ne penses pas à ça. Castiel. Le bateau qui vient me tirer de mon île déserte et que je fais délibérément couler. Sa main contre ma joue. Je les ferme enfin. Me concentre sur ta foutue paume. Toujours rigide, pétrifiée par le froid. Comment tu fais pour être aussi... frigide? T'es un cadavre? Un vrai? Non. Non. Ne penses pas à ça. Chut. Voilà.
Les bandages qui recouvrent ma bouche son violés par le dos de ton gant. C'est délibérément que je veux la baiser. Mais non. Pas assez proches. Je me contente de la passer dessus. C'est déjà suffisant. Ta main a le parfum de l'eau. Tout ton corps sent l'eau. C'est ignoble. Je t'éloigne de moi à contrecoeur. J'aime ça, moi, quand tu es avec moi. Alors je serre l'emprise que je possède sur ton bras. Si fin. Si fragile. Castiel, tu es en sucre. Ou en sel. J'l'ignore. J'espère que je ne te fais pas mal. Dis-le, sinon. Oui.
Il est sur ses gardes et c'est normal. Je ne sais pas quoi dire pour paraître puissant. Je ne le suis pas. Je me méfie de lui. C'est un être de l'eau. Docile, certes, mais un être de l'eau. J'ai besoin d'un briquet. Mais il serait innondé en un rien de temps. Tant pis. Supporte. Garde le poignet bien en main. Ne le lâches pas. Il est à moi. Je vais te répondre, Castiel. Être muet en ta présence est la pire des tortures. Je vais parler. Par pitié, Castiel, sois fort. Tu m'es trop précieux pour te perdre de la sorte. Je vais faire mon possible pour parler le plus bas possible. Pour contrôler le don. Je ne veux pas te heurter. Je ne veux pas te blesser. Castiel, s'il te plait, sois fort.

- Je... Je veux savoir qui tu es. Pas spécialement dans l'monde du passé, ta vie d'avant, depuis ton arrivée ici. J'veux comprendre d'où vient ta couleur, comment tu fais pour vivre avec tout ce... tout ce bleu. D'eau. J'veux connaître le secret de tes yeux. Je veux te comprendre. Je veux savoir ce qui t'attriste. J'veux connaître la raison du vermeille dans tes iris. Je veux comprendre ce qui fait de toi qui tu es. Je le sens, qu'il y a quelque chose. C'est quoi. Pourquoi. J'veux me connaître aussi. Qu'est-ce que tu penses de moi?

Ma voix se fait plus haute. Je le sens. Je sens aussi le sang affluer vers mes yeux. Parce que je ne suis pas du tout habitué à canaliser le don. Castiel, ne souffres pas. S'il te plait. Ne ressens rien.

- Et toi, t'aimerais quoi? Qu'est-ce qui te ferait plaisir? Tu veux que je parle? Qu'est-ce que tu veux que je dise? J'sais pas c'qui faut faire moi pour que les Trop fort! Je le tire grâce au poignet que je n'ai pas lâché. Comme ça. Il bascule. Sur moi. Je ne me suis pas tut, je me bouffe la lèvres inférieure pour ne plus jamais recommencer. Si simplement sur moi. Contre moi. Et couvre ses oreilles avec mes paumes. Stop. Pardon.

Le serrer dans mes bras. Ca. Comme ça. Sentir sa chair tremblante contre ma viande putride. Retrouver ses oreilles percées, les recouvrir doucement à l'aide des paumes. Et rester comme ça. Subjugué par sa présence mélodieuse dans son silence. Ne plus jamais le blesser. Ne plus jamais porter atteinte à cette merveille. Un cristal trop pur. Un diamant trop cher. Divinement précieux. Tellement coûteux qu'innimaginable entre mes mains. Et pourtant. Et pourtant tu es là. Merde. Si j'avais su que les perles pouvaient orner les roses des sables.
Il m'est trop inestimable. Il y a des êtres, comme ça, dignes d'intérêts. Il y a des êtres vivants, parfois, capables de m'émouvoir. Capables de m'atteindre. Là, il n'y en a qu'un. Castiel. Une nef aux fils de soie ébène, à la peau cadavérique, à la main curatrice, au caractère féminin, aux yeux débordant d'une eau brûlante de bleu. J'aimerai le garder pour moi. Ma nef. Mon geôlier. Ma Némésis. Celui contre qui les flammes et les ultrasons n'auront de cesse de prouver leur supériorité affligeante. Celui pour lequel je dois garder la tête haute mais l'échine courbée. Mes ongles carressent le velours de ses filaments exquis. Je garde les lèvres cousues, essuie le mince filet de sang isolé qui dévale ma joue à partir du coin de mon oeil avant de recouvrir à nouveau son tympan. Rien qu'à moi.
Non.

Perdu quelque part en mer. J'ai replongé dans ma drogue marine. Pas pour longtemps. J'angoisse. J'angoisse de savoir ce que tu peux bien penser. Ce que je pense, moi? J'en sais pas plus. Il me tue et me fait revivre. Il m'assassine et me soigne. Je sais pas. J'y comprends pas grand-chose. Il m'attire et me révulse. Il me captive et je le méprise. J'adore être avec lui. C'est indiscutable. J'aime sa présence. Parce que, parce qu'il ne me fuit pas. Pas directement. Il est resté, jusque là. Il est resté. Il m'a touché. Il a supporté la pire des douleurs. Il est resté. Il n'a pas fui. Il est là. Castiel? Castiel, tu es là? C'était bien ce que tu voulais, non? Castiel. N'est-ce pas? S'il te plait. Que veux-tu que je fasse, Castiel? Castiel. Je suis perdu, Castiel. Je n'ai pas l'habitude de ce genre de choses, tu sais. J'y connais rien, en relations humaines. Toi, tu peux m'expliquer? Tu dois avoir l'habitude. C'est quoi, un rituel? C'est à moi de subir ton don? Qu'est-ce qui s'passe, Castiel? Tout va bien? J'suis largué. Complètement.
Maena. Maena... Maena! MAENA!
Lâche-le. Libère-le de tes chaînes.
Non. Non, non, non.
Tu as promis.
Je ne veux pas qu'il parte.
Fais-lui confiance.
C'est de l'eau.
Lâche-le.
Non. Je veux qu'il reste avec moi.
Donne-lui une chance.
Mmh...

Je lui rends son poignet d'un seul coup. Mes yeux se ferment et dévient complètement des siens. Je ne peux plus le regarder. Je ne peux plus le voir en face. J'ai honte. Honte de l'avoir blessé. Honte de mes actes. Honte de ne rien comprendre. C'est normal, d'être aussi paumé? J'dois être un cas. Il doit m'prendre pour un putain d'incompétent. Il n'a pas tort. Je suis bon à rien en ce qui concerne les gens. C'n'est pas du tout mon domaine. Mon royaume. Je donnerai tout pour qu'il reste. Il doit se foutre de moi au possible. Lui et ses yeux turquoises. J'redoute le soleil. Censé être mon astre, pas le sien. Je ne veux pas que cela cesse. Je me sens mal et bien en même temps. C'est ridicule et vide de sens, mais c'est le coeur qui parle. Je ne sais pas comment réagir. Mais je suis là. Je suis là, et ça suffit. Je n'ai même pas remarqué que mes ongles avaient recommencé à attaquer mon poignet. Il était déjà rouge. Soit je le grattais depuis un moment déjà, soit je le grattais très fort. Les deux étaient plausibles.

- Ne restes pas muré dans ton mutisme face à moi. Ta voix n'est peut-être pas aussi mirifique que la mienne, mais tu n'as pas à avoir honte de quoi qu'ce soit. Qui es-tu, Castiel. Qu'est-ce qu'on fout là, toi et moi. Qu'est-ce qu'on attend? Pourquoi tu restes avec l'ordure que je suis? Castiel, pourquoi on est encore là. J'veux dire, tous les deux. On doit bien attendre quelque chose, non? Castiel?

Arrête ton cinéma, t'en as rien à foutre en fait. Pas vrai. Il me comble. De curiosité. De questions. De bonheur. De peur. De mépris. De haine. Mais il me comble. Je m'y attache, je le sais. J'ignore comment. Lui sait peut-être reconnaître ce genre de sentiments. Aucune idée. Ca s'déchiffre? Ou est-ce que c'est juste... Des pensées. Comme des désirs immédiats, sans suite. Aucune idée.
Le bleu lui va à merveille. Il devait être noble, avant. Il m'intrigue tellement.

- C'est confus. J'suis perdu. Qui tu es? Qu'est-ce que tu penses de moi? Pardonne-moi.

Il faut que j'attende. Encore. Que tout s'éclaircisse. Qu'il m'aide. J'ai besoin de son aide. J'ai besoin de lui. Je n'veux pas qu'il parte. Sous aucun prétexte. Je n'le supporterai pas. Je le veux. Qu'il reste avec moi. Qu'il soit à moi. Je n'veux pas qu'il s'en aille. Reste avec moi, Castiel. Je t'en prie.
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MessageSujet: Re: Cendres. [Castiel.]   Cendres. [Castiel.] EmptyLun 26 Déc - 10:03

Or kick me and then leave me to bleed.


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Je voudrais le frapper et l'embrasser en même temps. C'est extrêmement saugrenu comme sentiment. Ma main parcourait sa pommette, caressant la peau douce. Les doigts effleuraient la joue avec une délicatesse confuse, hésitant entre planter leurs ongles dans le visage du bourreau ou le gracier de leurs contacts graciles comme une étreinte fantomatique. Et je sentais sa propre paume jouer avec mon poignet. Mon coeur se soulève. Je ne sais pas si c'est parce que je veux vomir devant l'absurdité de cet enlacement qui n'en est pas un ou si c'est parce que je suis comblé que l'on réponde à mes supplications muettes d'affection.
Devant Maena, l'impassibilité devenait impossible. C'était horrible car la pire chose que l'on pouvait donner à quelqu'un c'était son indifférence pure et simple, mais avec cet Élu, cela semblait définitivement impensable : il avait toutes les cartes en main. J'aurais pu détester être le pantin des émotions dégagées par le masqué si je ne m'étais pas fait à l'idée que je n'étais pas maitre de ma propre voie. Pensiez-vous vraiment que les vagues choisissaient leur destination ? Bien entendu que non, c'était le vent qui les balayait, leur indiquait le chemin à suivre et elles ne faisaient que se ployer sous les ordres impétueux de la brise.
Mes yeux s'accrochaient au sien, embrassaient son désert, repartaient, revenaient à lui, l'étreignaient à nouveau, s'éteignaient un peu, fatigués d'être secoués de remous. Il approcha sa bouche du dos de ma main. Je frissonnai, me raidis, ne sachant pas s'il s'agissait d'une faveur ou d'une condamnation. Le baiser de Judas mal répliqué. Vous me baisez pour mieux me poignarder ensuite ?
Et je souffrais. Il y avait une brise qui s'échappait de ses lèvres. Des phrases, des mots qui me font plier. Je sentis le sang bouillonner dans mes veines, remonter à contre-courant sous l'effet de son souffle. J'avais les tempes qui cognaient et le coeur qui se serrait malgré des battements de moins en moins espacés qui tentaient de lutter contre le reflux inversé de la circulation sanguine. Et ça se tirait, ça me tirait. Je basculai au-dessus de lui mais ça ne s'arrêtait pas. Et le sang perlait au coin de ma bouche, de mes yeux, de mes oreilles. J'avais mal. Mais était-ce pour une bonne cause ? Maena, je veux que tu me parles. J'adore quand tu me parles. J'adore quand tu me tues de tes paroles. Le son de ta voix apporte une mort que j'accueille à bras ouvert comme je t'accueille toi. Alors pourquoi est-ce que tu me demandes mon avis ? Moi je suis heureux quand tu me bats à mort avec tes mots. Je voudrais que tu me tues. Ce serait mourir de bonheur que d'être achevé par le plus magnifique des exécuteurs. Je voudrais que tu me repousses, que tu me dises que tu en as fini de moi pour pouvoir te haïr à nouveau et me jeter à tes pieds. Je voudrais que tu ne cesses jamais de te taire, que tu ne m'imposes pas ton silence qui est plus douloureux encore que ton pouvoir de destruction. Je veux juste saigner à mort dans tes bras car c'est le plus beau présent que tu puisses m'offrir. Et mon sang qui était rouge et non bleu était le signe même qu'en ce moment tu me délivres de mes prisons d'abysse et faisait de moi, le cadavre des océans, l'être humain le plus heureux au monde, un être humain capable de saigner, d'aimer et d'haïr. Le plus bel homme au monde en somme. Alors je restai muet, la bouche inondée de sang.
Ses mains vinrent recouvrir mes oreilles et je voyais qu'il y avait également du vermeil sur son si sublime faciès. Quoi ? Pourquoi ? Je refusais ! Que le bourreau soit en même temps victime était la plus ridicule des supercheries au monde ! Je laissais alors les perles sanglantes se déverser sur sa peau couverte de cicatrices, mêlant son sang au mien. De chair et de sang. Nous sommes les preuves mêmes qu'en ce monde absurde il restait bien quelques êtres transcendants loin des divinités, sourds et muets face aux forces incommensurables de l'univers, capables de saigner, de se trancher la peau l'un pour l'autre. La plus belle cause au monde. Cela faisait si longtemps que j'avais oublié que telle sensation était possible, que tant de beauté pouvait naitre dans la souffrance. Tu étais un saint Maena, un ange maculé de rouge. Dans la douleur, les lacérations et les larmes, tu m'élevais vers quelque chose de plus grand, d'impalpable, d'inexplicable. C'était ridiculement beau et kitschissime à la fois. Tu sembles être le fils du Seigneur quand tu m'absouts de ton « Pardon » céleste et tu me fais délirer vers un espace indescriptible, chimérique et tout simplement beau.

- Parlez-moi. Ai-je simplement articulé en laissant dévaler deux filets rouges. Le rouge, le noir, le gris et quatre perles bleues. Quel merveilleux tableau que nous formions là de nos deux singuliers visages, heureux. J'avais tant de mal et de joie en moi qu'il m'était difficile de penser correctement. Briser la mélodie qu'il avait formé de mes trois syllables constituait à la fois un effort surhumain et un acte profane. Et j'aurais aimé qu'il me parle à l'infini sans jamais s'arrêter car au moment même où sa bouche se scellerait, il ne me resterait que la douleur et toute la beauté et toute la gaieté qu'il m'inspirait seraient absorbés par le souffle de sa respiration. Cette peinture de chair et de sang se viderait de son sens et je ne deviendrais que carcasse perdant sa vie sur un garçon trop bon pour moi.

Et ce fut d'un coup que je crus que tu m'abandonnas. Tu me lâchas et je me sentis dégringoler dans le vide tandis que je me redressais. C'était étrange de se sentir chuter alors que le corps se relève. Ma tête tournait. J'avais un peu la nausée. L'instant tragique avait été atteint. Le paroxysme de mon mal revenait. Je souffrais juste. Je n'osais pas redemander la drogue de ses mots, la morphine de sa voix. Car il me l'accorda à nouveau de son discours. Moi, je m'appuyais sur le rebord du lit, remplissant mon âme de ces paroles tandis que mon corps se mourrait. Si ma chair décédait ce n'était pas bien grave, ô que non car mon âme aurait atteint son nirvana. Il avait le pouvoir de me tuer et de pouvoir m'abaisser à lui demander d'être tué. Je n'avais jamais été aussi heureux d'être percé de toutes parts par les aiguilles sonores de mon marionnettiste, mon exécuteur.
Les mains pleines de sang, le sang d'un agneau noir sacrifié pour la plus belle des raisons, je lui tendis les bras avec un sourire.

- Vous savez Maena, je suis heureux de vous connaitre. Vous êtes le bourreau le plus angélique que la destinée m'ait accordée de rencontrer. Laissez-moi devenir l'offrande de votre magnificence et l'ardeur de mon émoi brûlera plus fort encore que les flammes de la géhenne. Avec la plus parfaite des sirènes naviguant dans mes flots, je pourrais m'étouffer de bonheur et mourir noyé dans les propres tempêtes de mon allégresse.

Si j'étais égoïste je l'enfermais à tout jamais rien que pour moi. Ma sirène, mon bourreau. Je délirais. Je me sentais faible. Mon corps et ma voix tremblaient. Mes mains souillées n'osaient s'agripper à ses vêtements mais elles attrapèrent tout de même son haut, le tirant vers moi laissant transparaitre un désir qui n'avait plus rien de sain, d'un saint. Mes lèvres baisèrent son front, le salissant d'une unique marque rouge. Ce qui est sacré est fait pour être profané. Baiser de Judas.
Et ce fut ainsi que je le fis basculer du lit. Moi sur lui, lui sous moi. Je voudrais que mon ange descende des cieux et soit scellé à jamais dans mes abysses marines. Je tirais un plaisir obscène à entendre sa tête heurter le marbre et voir le sang se déverser de sa toison noire qui lui servait de chevelure. J'espérais qu'elle s'était fendue. C'était si beau de voir son sang se mélanger au mien et ses cheveux s'enrouler dans les miens. Mon mouton noir, nos moutons noirs. Et je laissai ainsi, me remettais sur mes deux jambes. Judas est très fier de lui.

- Mais laissons-nous le temps, Monsieur l'ange, non des Vertus mais des bourreaux et des agneaux obscurs. Raphael, le maitre de l'air qui maitrise l'océan. Un jour vous saurez tout mais pas aujourd'hui. J'en ai déjà trop dit pour le moment.

Je devenais fou. Il n'y avait pas d'autres explications. Attrapant le présent chocolaté sur lequel le rouge avait giclé, je tournais les talons avec un rire dément. Quand on me demandera pourquoi je saigne et j'ai l'air d'un débraillé je répondrais que j'ai croisé le plus merveilleux des bourreaux et la sirène qu'il manquait à mes abîmes maritimes.
Ce qu'il y avait d'embêtant avec Maena c'était bien qu'il ne pouvait inspirer de l'indifférence, mais seulement une tempête de sentiments. Judas se pendra plus tard, pris de remords ou verra son corps s'écarteler en deux et ses entrailles se répandre par l'effet d'une fureur céleste. C'était bien la preuve qu'il ne pouvait rester de marbre face à son divin bourreau exécuté.
Je voulais le frapper et l'embrasser en même temps. Voilà qui était fait.
Conclusion:
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